L.F.I. A LA RAMASSE
1 – La toile de fond institutionnelle.
En 1958 le Général De Gaulle fit adopter par référendum la constitution de la 5ème République concoctée à sa demande par Michel Debré. Celle-ci avait pour dessein d’en finir avec la République parlementaire source d’instabilité politique en instaurant la primauté de l’exécutif sur le parlement. L’exécutif avait alors deux têtes, Le Président qui « présidait » élu pour 7 ans,», et le Premier Ministre « qui gouvernait » nommé par le Président et non plus élu par le parlement.
Ce dispositif de prééminence de l’exécutif fut renforcé avec l’élection du Président de la République au suffrage universel qui fut approuvé en 1963 par référendum. Cette circonstance avait en effet pour conséquence de déposer la souveraineté nationale, tout entière dans la personne du seul Président quand le parlement est lui composé de centaines de députés ne pouvant se réclamer chacun que d’une infime partie de celle-ci.
Sept ans c’est long. Le septennat comme durée du mandat Présidentiel étant une tradition française depuis Mac Mahon. La cinquième République sous la figure tutélaire du Général commença sa carrière comme République Bonapartiste, c’est-à-dire dominée par « l’homme providentiel ». « Le coup d’Etat permanent » comme la baptisa alors François Mitterrand. Mais n’est pas homme providentiel qui veut. Les Habits de cette République césaristes se révélèrent mal seyants dès le septennat de Valéry Giscard d’Estaing, or le césarisme sans « César » c’est le principe monarchique. C’est pourquoi l’exercice du pouvoir sous VGE fut suspecté de relents monarchistes. D’autant plus que celui-ci succédait à la période de bouleversements de Mai 68 et héritait d’une situation sociale tendue qui ne semblait pas vouloir s’apaiser.
Le contexte historique l’exigeait, il fallait pour assurer la stabilité institutionnelle dans sa forme de prééminence de l’exécutif introduire une évolution fondamentale dans le fonctionnement des institutions, « l’alternance politique » qui en changeant périodiquement la tête de l’exécutif, était censé donner une sorte de respiration démocratique aux institutions césaristes. C’est ce qui advint pour la première fois en 1981.
Mais ce nouveau dispositif révéla rapidement un point faible que personne n’avait imaginé. Le mandat du Président étant de sept ans et celui de la législature de 5, cela eut pour conséquence de donner au Président et au parlement des majorité différentes induisant ce que l’on appela alors « des cohabitations ».
La « cohabitation » des pouvoir générait deux sortes de problèmes. Elle brouillait la lisibilité de l’Alternance majeure de l’élection Présidentielle, l’amortissait, la vidait de son sens, d’une part, d’autre part elle démontrait dans la pratique qu’il n’y avait pas d’oppositions véritables entre les uns et les autres, que droite et gauche s’acoquinaient fort bien pour mener des politiques très semblables. C’est le « Front National » de Jean-Marie Le Pen qui résuma fort bien la situation en dénonçant la « collusion » de « la bande des quatre (RPR, UDF, PS, PC) Cette situation annulait la « respiration démocratique » qu’était censé donner l’alternance. Cela ne pouvait pas se perpétuer. Il fallait en finir avec ces situations de cohabitations.
Certains « démocrates » de chez nous, qui ne voulaient pas remettre en cause l’élection du président au suffrage universel, véritable fondement du déni de démocratie, se firent partisans alors du raccourcissement de son mandat prétendants réduire ainsi le pouvoir Présidentiel en le privant de l’une de ses prérogatives bonapartistes. L’on en vint donc au « quinquennat » (5 ans) approuvé par référendum le 24 septembre 2000, sous l’impulsion de Jacques Chirac alors Président de la République. Elu pour un deuxième mandat de sept ans en 2002, celui-ci s’auto appliqua la règle du quinquennat, réduisant son mandat initial de deux ans, ainsi la première élection d’un Président pour une durée de 5 ans eut-elle lieu en 2007.
L’objet déclaré du quinquennat était d’en finir avec « les cohabitations » en alignant sur la même durée les mandats présidentiels et législatifs et de « recaler » le calendrier électoral avec des élections législatives dans la foulée des présidentielles, permettant d’assurer presque à coup sûr, ce que l’on appelle « l’effet présidentiel » aidant, une large majorité « parlementaire » au président nouvellement élu. Le peuple qui vient d’élire un Président veut en effet lui donner les moyens de gouverner. Mais par-delà les intentions avouées, ; cette réforme avait des conséquences plus perverses. Foin de réduire le pouvoir présidentiel elle l’accroissait au contraire. En le dotant d’une majorité assuré entièrement dévoué et docile elle réduisait l’Assemblée Nationale au statut de chambre d’enregistrement et nous passions de la sorte du pouvoir « Césariste » ou « monarchique » antérieur au « pouvoir Présidentiel ». Avec l’adoption du quinquennat la Cinquième République a mué en régime Présidentiel.
Dans cette nouvelle configuration c’est le Président qui gouverne et non plus le Premier Ministre, dont la fonction subsistait par « inertie institutionnelle » mais que voilà lui-même réduit au rôle de « potiche ».
Depuis les débuts même de son nouveau mandat, la gouvernance autoritaire et solitaire de Macron a confirmé cette évolution institutionnelle jusqu’à la caricature ; Ce n’est pas pour rien si l’on ne parle plus pour décrire le pouvoir actuel en France, de Césarisme ou de monarchisme mais de « dérive autoritaire » voire « dictatoriale ».
2 – Le précédent de 1997
On peut certes donner à toute élection une signification de politique intérieure. On le pouvait ainsi des élections Européennes, mais ce n’était pas une obligation. Rien n’obligeait Emmanuel Macron à déduire du dernier scrutin européen une signification franco/française, encore moins à se prétexte de dissoudre l’Assemblée Nationale. Alors pourquoi diantre est-il allé faire cela, pour se tirer croyez-vous une balle dans le pied ? Cette séquence n’est pas sans rappeler la dissolution de 1997 par Jacques Chirac.
Elu en 1995 Jacques Chirac avait trouvé une Assemblée de droite qui lui était très majoritairement acquise. Cette circonstance fit qu’il n’éprouva pas le besoin de la dissoudre afin d’en faire élire une à sa main. La « majorité » présidentielle aurait était dans ce cas, nécessairement, partiellement réduite. Cette réduction eut été interprété comme un désaveu du Président nouvellement élu et l’eut fragilisé. C’est pourquoi il s’abstint de dissoudre alors se réservant cette possibilité pour plus tard.
Il eut recours en effet à ce stratagème institutionnel en 1997. Certes il y avait-eu alors précédemment, la grande grève de décembre 1995 contre le « plan Juppé » et bien que les choses soient rentrées dans l’ordre après un recul partiel du pouvoir en particulier sur le régime des retraites des cheminots, une forte rumeur sociale persistait. Rien toutefois à ce stade ne semblait justifier cette dissolution. Il ne l’avait pas fait dans la foulée de son élection, et il faisait là, tout à coup, sans que quiconque comprenne bien pourquoi. Beaucoup d’observateurs doutèrent même alors de la bonne santé politique, voire mentale, du Président qui fut longtemps après cela la cible des plaisanteries et quolibets de la presse et « des guignols de l’info ». Nous fûmes des rares à voir de la ruse là où la majorité des observateurs ne voyait que de la sottise ?
M’exprimant alors dans les colonnes de « l’égalité » je suggérai que Jacques Chirac avait voulu tout exprès faire assumer par « la gauche » le fardeau d’une politique économique (désindustrialisation, délocalisation, privatisation) et européenne ‘avènement de l’Euro). Avec la gauche aux commandes cela passerait mieux et c’est elle qui essuierait ultérieurement les effets du mécontentement populaire.
N’en va-t-il pas de même de l’apparente abracadabrantesque dissolution d’Emmanuel Macron. N’a-t-elle pas un sens caché que le commun des petits politiciens de basse-cour parlementaire a de la peine à saisir ?
3 – Le véritable sens de la dissolution macronienne.
Avec 250 députés s (172 « Renaissance », 48 « Démocrates », et 30 « Horizons et apparentés ») sur 577 que compte l’AN, Macron disposait d’une majorité que l’on disait relative, mais en vérité tout à fait confortable si l’on y ajoutait les 62 députés « Républicains et apparentés » (soit un total de 312) en parfaite harmonie avec l’action présidentielle sur la plupart des dossiers. Certes la proximité sur certains dossiers des groupes RN (89 députés) et NUPES (151 députés) était de nature à compliquer un peu la tâche, mais sans risque de mise en échec de la majorité présidentielle, comme l’a d’ailleurs confirmé la pratique. En effet, bien qu’en osmose dans certains débats avec le RN, la Nupes refusait obstinément de mélanger ses voix aux voix de celui-ci, d’une part. D’autre part, la Nupes n’était en vérité elle-même qu’une coalition politique bien précaire, divisées sur de nombreux sujets ? Dans cette « Assemblée » élues en 2022 dans la foulée de sa propre réélection la majorité lui étant assurée, les débats parlementaires, parasités par la collusion tactique « RN/NUPES sans lendemains, apparaissaient comme une perte de temps inutiles. Aussi pouvait-il brutaliser la représentation parlementaire à coup de 49.3 » sans que celle-ci ne se rebiffe tant elle lui était acquise. Or, voilà qu’il dissout cette Assemblée providentielle, certain, dans le contexte de montée en puissance du vote RN qu’il perdra beaucoup de sa propre représentation. Est-il idiot ou astucieux ? Cynique !… Oui bien sûr comme toujours mais astucieux tout de même aussi peut-être.
Macron c’est Napoléon. Aux petits pieds certes, mais Napoléon tout de même. Avec la peu de prérogatives dont elle dispose il ressent l’Assemblée Nationale comme une entrave à son action. Annuler la représentation parlementaire, renforcer encore ainsi sa pratique autoritaire et solitaire du pouvoir, n’était-ce pas là le véritable but recherché ? Comme Napoléon premier le 18 brumaire an VIII, ou Napoléon III son neveu le 2 décembre 1851, Macron a en quelques sorte « dispersé » l’Assemblée Nationale. Oh non, pas avec le décret de dissolution du 9 juin 2024 mais avec les élections législatives des 30 juin et 7 juillet. Il n’a pas expulsé certes les députés du palais Bourbon, il les a ……. Dans leurs propres mûrs.
4 – LFI à la ramasse
LFI qui apparemment se trompe de République prétend lui imposer de « nommer » le Premier Ministre qu’ils se sont choisi, au prétexte que le NFP dispose du plus grand nombre de députés à l’AN.
Le temps passe, jours, semaines, mois, Macron n’est pas pressé de nommer un nouveau premier ministre. Des bruits courent sur une autre option présidentielle en préparation. LFI commence à se rendre compte que le Président de la République n’obtempérera pas à son injonction. Il ne nommera pas Sophie Castets, surtout pas. Ce serait pour lui une capitulation et le signal du début de la fin de la 5éme République. Ils sentent venir le coup fourré, la nomination que valideront socialistes et communistes et qui réduira le NFP à peau de chagrin à défaut de le faire éclater.
Alors je vois apparaitre sur le fil « Facebook » des « posts » de plus en plus rageurs du « NFP », LFI ou leurs militants. La nomination de Sophie Castets serait l’option que Macron ne peut pas refuser au risque de devenir l’objet d’une procédure de destitution.
« NFP » le premier groupe parlementaire ? Soit !.. Mais avec 7 millions d’électeurs pour 11 millions au RN, n’est-ce pas un déni de démocratie que de prétendre être le vainqueur de ces élections ? D’ailleurs,
le NFP, avec 187 (+6) députés dans la nouvelle Assemblée élue les 30 juin et 7 juillet, est sans conteste le premier groupe parlementaire. Mais c’est la seule coalition « de gauche » Tous les autres groupes sont ceux des partis de la droite ou pire ceux que les uns et les autres appellent l’extrême droite. Soit 193 députés de « gauche » pour 384 Députés de droite. Le NFP (la gauche) est en vérité ultra minoritaire à L’Assemblée. Un premier Ministre NFP serait immédiatement censuré et un autre apte à dégager une majorité serait alors nommé, démontrant ainsi la vanité qu’était en vérité l’auto proclamation du NFP comme parti majoritaire.
La réalité de la nouvelle Assemblée est plus prosaïque : RN 142, Ensemble/ Horizons 159, divers droite 27, Les Républicains 39. NFP : 187 plus 6 « autre gauche ». L’Assemblée nationale est éclatée en 5 groupes dont trois à peu près équivalents qui la rendent inapte à revendiquer une quelconque légitimité face à celle du Président dépositaire lui du suffrage universel. De telle sorte que face à cette assemblée « impotente » la légitimité Présidentielle s’impose comme le recours, le rempart de la République et des institutions.
Il nommera donc, respectant ainsi l’esprit de la constitution, le Premier Ministre de son choix. Il gouvernera « au centre » c’est-à-dire avec la droite ultra libérale mondialiste, contre le peuple. Ce sera l’instauration de la dictature ouverte de la faction mondialiste de notre bourgeoisie nationale.
Contrairement à ce qui a été dit par certains commentateurs et analystes au vues des résultats du scrutin législatif des 20 juin et 7 juillet 2024, ceux-ci n’ont pas amélioré la position de l’Assemblée Nationale, ils l’ont au contraire annulé. Non la démocratie n’y a rien gagné, c’est le pouvoir personnel du président qui s’en trouve renforcé.
Quant à la prétention de L.F.I. d’imposer au Président la nomination du premier Ministre qu’elle s’est choisi, à défaut d’engager une procédure en destitution, cela relève du pur fantasme.
Patrick Seignon ; « lavoiedessansvoix.fr » courant août 2024.