MERCI SARKO ?

J’avais 15 ans et je travaillai dans un petit atelier de chaudronnerie (30 salariés). Il y avait parmi nous un vieillard retraité, 67 ans, je crois. Un « sénior » comme l’on dit aujourd’hui, en langage « faux-cul ». Ce grand-père devait travailler encore pour compléter sa pension de misère.

Son rôle dans l’atelier était de ramasser les chutes de métal derrière les cisailles, les copeaux sous les perceuses, de balayer. Il contribuait ainsi à la sécurité des lieux et donnait de petits coups de main de manutention à des ouvriers empruntés par le volume ou le poids de leur ouvrage. Pour des raisons de sécurité, et par convention je suppose, avec la « Sécurité sociale » il lui était interdit de travailler aux machines. Dans ces conditions son temps à l’atelier n’était pas toujours employé au mieux. Sa « rentabilité » discutable. Alors, il arrivait de temps à autre que le chef d’atelier déroge à la règle et le charge de petits travaux simples, de percements faciles ou de meulage par exemple.

Un jour qu’il s’affairait à un énorme touret de meule, à épointer des barres de grille, si m’en souvienne, une pièce chassa et le brave homme passa tout entier son pouce de la main droite dans la machine.

Le pauvre vieux, obligé de travailler, alors qu’il était à la retraite, cela éveillait déjà chez nous, les jeunes, de la compassion et presque un sentiment de révolte. Alors, ce jour-là, celui de l’accident, nous ressentîmes de la haine pour cette société qui maltraitait ainsi ses anciens, pour le patron et son chef d’atelier avide de gain fusse au péril de la sécurité de leurs salariés.

Dans les deux décennies, 70 à 90, ces situations avaient à peu près disparu. Les pensions de retraite parfois chiches étaient à peu près suffisantes pour subsister tant bien que mal. Ceux qui travaillaient encore le faisaient par choix.

Mais voilà que nous venons de faire un grand tour de braquet en arrière. Avec la loi Balladur de 1991 d’abord, et la réforme des retraites dont se targue tant Sarkozy.

C’est sa gloire, la seule grande et vraie « réforme » qu’il ait entreprise et conduite à son terme, et qui est en vérité une « contre réforme »

Une contre réforme, qui a fait déjà, et fera encore plus chuter le niveau général des pensions. Une calamité sociale qui a déjà fabriqué et qui va fabriquer par dizaines de milliers des miséreux, des vieux indigents, contraints pour survivre de travailler jusqu’au seuil du tombeau, ou réduits à s’en remettre à la « charité publique », abaissés, parfois même, à la mendicité ou à la visite des poubelles.
Ah ! La belle la jolie réforme que voilà.
Et c’est de cela que Sarkozy attend que « le peuple français » lui sache gré ?

Les patrons, bien sûr, auxquels il fait ainsi gagner des dizaines de milliards d’euros au détriment des travailleurs, du bien-être social et de la santé publique, peuvent lui en savoir gré. Les grands capitalistes et la haute finance, ses amis, qui en plus vont faire de bonnes affaires en captant à leur profit l’épargne populaire drainée par les retraites par capitalisation que tenteront d’acquérir ceux qui le peuvent. Mais assurément pas les petites gens, les Français moyens, les employés salariés ouvriers paysans et artisans, qui sont les victimes de cette « réforme » rétrograde qui nous renvoi 50 ans en arrière.

Quand dans quelques années, vous verrez jeunes gens d’à présent, vos parents souffrir de disette, obligés de travailler encore malgré l’âge la fatigue et la maladie, quand vous approcherez enfin de l’âge de la retraite et constaterez que le compte n’y est pas, souvenez-vous, il tient à ce que son « mérite » en cette affaire soi reconnu, que vous devez cela à Sarkozy.
Vous pouvez aussi vous en souvenir tout de suite en le remerciant* sans attendre dès le 28 avril 2012.

Joël Lecrestois.

Remercier, en français, c’est aussi renvoyer, licencier quelqu’un.