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  • LE TONNERRE DE JUPITER

    LE TONNERRE DE JUPITER


    Il ne lui a pas suffit d’être affublé du sobriquet de « Jupiter », son égo hypertrophié lui a dicté d’administrer la preuve qu’il en possédait les attributs. L’aigle de la guerre et la foudre du commandement.

    Coup de tonnerre dans le ciel malsain d’une République en pleine déliquescence, Macron dissouts l’Assemblée Nationale française. La raison ? Il n’y en a pas au sens constitutionnel ou politique. Sa raison ? Nul ne la connait.

    Une carambouille, une escroquerie au suffrage universel, une de ces manœuvres politiciennes qui déshonore la politique. Qu’a-t-il en tête. ?

    Plusieurs hypothèses existent :

    La première qui vient à l’esprit car c’est celle qui découle le plus naturellement du contexte électoral, c’est que Macron entend faire « la courte échelle », passer le bâton de maréchal au RN pour accéder au pouvoir. En effet, dissoudre l’Assemblée pour le Président c’est en quelque sorte consentir l’aveu de son isolement et de son incapacité à gouverner, précisément dans le temps de croissance de l’adhésion du corps électoral à la « solution RN. Cela a toutes les chances de se solder par la légitimation de ce parti et une forte progression de sa représentation dans la prochaine chambre.

    Une deuxième hypothèse peut-être envisagée. En 2017 et 2022, Macron a surfé deux fois sur la crainte que suscitait pour une frange de l’électorat le « risque » d’accession du RN au pouvoir. Ne pourrait-il pas cette fois, cette crainte exacerbée par la proximité du risque imaginer de souder autour de sa personne une large « union sacrée Républicaine de barrage au RN ? Or cette hypothèse est très risquée car le rejet qu’il inspire est si grand, que même avec l’adhésion des partis à une telle option, sa validation par le corps électoral resterait fort incertaine.

    La troisième hypothèse, encore plus aléatoire, c’est que misant à la fois sur la crainte de l’arrivée du RN au pouvoir et les spécificités du scrutin majoritaire, uninominal a deux tours qui officie aux élections législatives, il imagine pouvoir reconstituer cette majorité franche que ne lui avait pas donné le scrutin dans la foulée de sa réélection. Cela est bien entendu fort improbable. La sanction du corps électoral ne manquera pas en effet d’impacter un nombre certain de députés macronistes.

    En 1997 Jacques Chirac avait lui aussi dissoute l’Assemblée Nationale pour des raisons qui avaient parues abstruses à certains. Et nombre de commentateurs eurent tendance à se « fiche de lui » qui disposait d’une large majorité et l’amputait lui-même à la suite de cette manœuvre « abracadabrantesque ». Nous n’étions pas de cet avis. Jacques Chirac avait particulièrement bien, selon nous, maitrisé son opération .Il refilait la charge de faire appliquer certaines politiques et mesures impopulaires par "la gauche" elle même. Et l'on vit d'ailleurs en 2002 ce que cette "victoire" valut à la gauche comme cuisant revers.

    Mais la dissolution prononcée par Emmanuel Macron me parait,-elle, totalement hallucinante. Chirac refilait le bébé à Jospin et à « La Gauche plurielle » ; Mais Macron qui inspire le rejet et ne peut donc guère envisager de manière sérieuse un « rebond », à qui envisage-t-il de « refiler le bébé » ? Excepté le RN il n’y a personne, rien, ni à gauche ni à droite.

    Une partie de la droite avec Eric Ciotti glisse vers le RN qui apparait déjà comme le nouveau patron, celui qui tient véritablement le manche. L’autre partie, ceux qui « résistent » (Ha, ha !) va perdre en crédibilité. Les dissensions qui vont en résulter rendront impossible la composition d’une majorité présidentielle hors RN.

    Quant à « la Gauche », dont une partie est à droite (PS) et une autre dans la perdition (PCF), que peut-elle faire ? Se rassembler, Union ! Union populaire scande certains qui font avec Wikipédia des « copiés collés » d’une histoire à laquelle ils n’ont rien compris. Nous serions ce 12 juin 2024 en 1934 et dans quelques jours, le 30 juin, nous serions rendus en avril/mai 1936. A la victoire électorale du front Populaire. Mais ce genre d’accélérations de l’Histoire n’existe que pour les techniques de cinéma. « Front populaire » ? Avant 1936 « La Gauche » n’avait jamais été au pouvoir, le Parti communiste était encore jeune fringuant et vierge, et sa flamme révolutionnaire bien que déjà vacillante n’était pas éteinte tout à fait. Il n’en va pas de même à présent où « la gauche » souffre d’un large discrédit acquis depuis 1983 au feu de multiples compromissions de pouvoir, trahisons et abandons. Alors, certes avec un toilettage et un peu de parfum la vieille catin voudra peut-être une nouvelle fois se faire passer pour une fille vierge. Je crains fort qu’elle ne puisse y parvenir.

    Je crains fort qu’une telle coalition hétéroclite avec un programme de circonstance sans cohérence, et des porteurs discrédités, ne puisse prétendre sérieusement inverser le sens de rotation de la roue de l’Histoire.

    Au bout du compte il se pourrait que ce coup de tonnerre de notre « Jupiter aux petits pieds » ait pour effet de foudroyer la cinquième République.



    Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr ». Mercredi 12 juin 2024.
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