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  • LES ORGANISATEURS DE DÉFAITE (Bilan de la mobilisation sociale contre la loi retraite Macron/Borne)

    LES ORGANISATEURS DE DÉFAITE

    (Bilan de la mobilisation sociale contre la loi retraite Macron/Borne)

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    Préambule :

    Après plusieurs mois de mobilisations gigantesque, avec une majorité écrasante de français opposés à la réforme, le « petit capo » de la République a tout de même imposé sa volonté à la nation, sans vote, au mépris, de toute préoccupation démocratique, du parlement et des institutions.

    Il faut le dire sans détour, c’est une défaite cuisante pour les salariés, pour le mouvement social de ce pays.

    Lui l’a fait. On le maudit bien sûr, il a fait selon sa nature de « monarque républicain », terme voilé pour ne pas dire dictateur. Mais aucun autocrate ne peut régner sans l’adhésion d’une fraction au moins de la nation. Aucun dictateur ne peut sévir sans quelques collusions et complicités.

    Macron l’a fait car il bénéficie de complicités contre nature dans le paysage politique et syndical. Le mouvement social a essuyé un terrible revers car il avait confié sa destiné à des généraux félons, « des organisateurs de défaites ».

    L’échec de la mobilisation contre la loi Macron/Borne portant réforme des régimes de retraite, a révélé un problème récurrent du syndicalisme français. Non pas que celui-ci soit une nouveauté. Mais il semble que pour la première fois, à cette échelle, des militants syndicalistes en prennent une pleine conscience et se proposent d’y apporter remède.

    J’ai eu connaissance d’une initiative, sous la forme d’une pétition, intitulé « Ne tournons pas la page », dont voici le lien : netournonspaslapage@gmail.com , qui vous permettra de la rejoindre, vous informer, et signer peut-être, mais surtout, je l’espère contribuer à son essor et sa structuration afin que nous puissions un jour reprendre possession de notre avenir..

    L’article qui suit, il y en aura d’autres, est une réflexion à l’usage de ce mouvement de regain syndical qui s’annonce

    Introduction :

    La réflexion dont je vais vous faire part ici, excepté des constats que l’on ne peut établir qu’après coup, j’aurai pu les faires connaitre voilà deux mois déjà, au début de la mobilisation populaire d’opposition à la « contre-réforme des retraites ».

    J’ai fait cela en privé et dans des cercles restreints mais m’en suis abstenu pour l’essentiel en public et dans ces colonnes. J’avais tout de même, en termes modérés, publié un article « Acte 1..Acte 2..Acte3.. ? » le 12 avril 2023, qui voulait attirer l’attention des militants sur l’impasse où conduisait la stratégie syndicale en cours, et où je posais la question « Va-t-on terminer comme les Gilets-Jaunes, en manifestations hebdomadaires jusqu’à épuisement ? »

    Les eussè-je rendues publiques alors, ces réflexions n’auraient certes rien changé à la dure réalité, elles m’auraient par contre, sans nul doute valu les récriminations de ceux qui, abusés par « la trop belle » unité syndicale, m’eussent reproché « d’être trop négatif », de « jouer contre la mobilisation » en cours, d’insinuer le doute dans les esprits et des accusations « mal fondées ».

    La mobilisation contre la réforme des retraites c’est terminé le 6 juin, voiture balai du mouvement social en attendant celle dès lors proche du Tour France. C’est ainsi que le l’avais annoncé longtemps en avance, et qualifiée dès son annonce un mois avant. Le temps est venu d’en parler librement comme l’on parle des défunts auxquels on ne craint plus de nuire.

    Mais à quoi cela peut-il bien servir à présent direz-vous ?.. Le déni n’est pas de mise. La réflexion doit préparer l’avenir.. Certes il faudra peut-être attendre un peu une nouvelle mobilisation après une telle CAPITULATION en rase campagne, mais des luttes il y en aura pourtant d’autres. Certes, nous ne pourrons pas mieux alors, que nous ne fîmes dans le passé, empêcher les capitulards et les traitres, de tenter de nous décourager ou nous tendre des pièges. Mais peut-être, si nous avons bien compris le fond des choses et si nous nous sommes préparés pour cela, pourrons-nous nous préserver des un et déjouer les autres ?

    Je vous invites là à une délibération de fond sur le contexte politique, les luttes sociales et sur le syndicalisme contemporain..

    Le piège politique et institutionnel :


    Macron, et il ne s’est pas privé de se gausser de nous a ce prétexte, avait clairement affichée la couleur. La réforme des retraites serait le point d’orgue du début de son nouveau quinquennat. « En me réélisant a-t-il argué vous avez validé mon programme. C’est cela la « légitimité » démocratique et toutes vos manifestations de rue, que vous avez parfaitement le droit de faire par ailleurs, n’y changeront rien car elles n’ont aucune légitimité démocratique ».

    Alors certes, On ergote, nous ergotons, j’ergote aussi. 1) Le choix étant réduit à l’élection Présidentielle, ceux qui ont voté pour lui n’ont pas nécessairement voté pour son programme, en tout cas pas tout son programme. B) Certains, et sans ceux-là il n’eut pas été élu », ont voté, non pour son programme mais, pour barrer la route à Marine Le Pen. C) Et même dans ces conditions il ne doit son élection qu’a une minorité (25 % environ d’électeurs), jetant plus qu’un trouble sur sa « légitimité réelle ».

    Celles-ci tien d’avantage à la résolution des oppositions de ne pas la contester, qu’à sa réalité factuelle.

    On ergote, mais certains, comme Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, n’ont pas chipoté, pas fait dans la dentelle si j’ose m’exprimer ainsi, qui ont clairement appelé à voter Macron au deuxième tour et en pleine connaissance de cause. Croyez-vous qu’un tel engagement soit sans suite et sans conséquence ? Croyez-vous que cela n’a pas eu d’incidences sur la stratégie de lutte contre la réforme des retraites adoptée par le PCF ?..... Et par la CGT, il va sans dire, dont-on sait qu’elle est encore de nos jours, largement dominée par ce parti pourtant lui-même devenu croupion. Par qu’elle magie voudriez-vous que ceux qui ont appelé, il y a douze mois, à voter Macron pour faire barrage à Madame Le Pen s’avisent à présent de déstabiliser « le président de la République » par la mobilisation sociale prenant ainsi le risque d’ouvrir à nouveau la voie à « L’extrême droite » comme ils disent ?

    La réussite de la réforme des retraites est l’engagement essentiel du contrat que Macron a (signé) avec ses véritables employeurs de la haute finance, son échec en cette affaire le disqualifierait à leurs yeux. Au demeurant, en voulant passer en force, il en a fait une affaire personnelle, et son échec finirait de le délégitimer, ouvrant à minima une crise politique, voire même institutionnelle. Et il est vrai, ce n’est pas niable, que dans ce cas, à défaut du jaillissement par la lutte d’une alternative populaire, c’est Madame Le Pen qui pourrait-être la grande bénéficière de la situation. D’où il faut déduire que ceux qui redoutent de courir ce risque ne peuvent pas vouloir non plus d’une victoire « des salariés » mettant en échec la réforme Macron/Borne, qui serait une « victoire de la rue » contre la légalité institutionnelle.

    Les luttes revendicatives relèvent en théorie de la confrontation pour la défense de leurs intérêts respectifs, entre patrons (employeurs) et salariés. C’est en cela qu’elles sont « sociales » et non politiques. Mais dès lors qu’il s’agit de revendications globales, touchant toute la société, et relevant de la loi et de l’intervention directe de l’Etat, les luttes revendicatives ne sont plus une affaire entre les seuls employeurs et salariés, elles acquièrent la dimension d’un problème de société et deviennent ainsi des questions et des luttes politiques.

    En 1968, en 1995, la question du pouvoir était posée par le mouvement social (Juppé démission !). Car lorsqu’un pouvoir promeut une réforme dont la société ne veut pas il n’y a pas d’autre issue possible que la capitulation du mouvement social ou la chute du gouvernement. Il a fallu quatorze ans, « l’union de la gauche » et la ruse politique d’un Mitterrand pour transformer la mobilisation sociale issue de 68 en perspective politique (L’alternance de 81) et les jours de grèves en électeurs potentiels. Le cadre opérationnel étant alors constitué il ne fallut que deux ans à « la Gauche plurielle » pour canaliser la mobilisation sociale de 95 et la transformer en (victoire ?) électorale aux législatives de 97. C’est dans cette niche électoraliste que le syndicalisme français contemporain a puisé la légitimation de sa stratégie collaborationniste. Depuis la première alternance fondatrice de 81, il s’arroge la mission de canaliser, maitriser, accompagner, temporiser puis enfin liquider, les mouvements sociaux afin que ceux-ci n’acculent jamais le pouvoir politique à la défaite et n’ébranlent pas la stabilité institutionnelle. Une telle conduite ne peut-être, bien entendue, que génératrice de frustrations, d’incompréhensions, de colères. Qu’importe, on transformera celles-ci en volonté politique de « changement » on évacuera les « aigreurs » populaires dans l’espérance d’une nouvelle alternance politique. Ainsi la perspective de « changement politique » devenait elle le complément indispensable de la stratégie syndicale.

    Ah oui, mais voilà qu’il y a un HIC à présent.

    En 2002 l’élection Présidentielle venaient 5 ans après la victoire de la gauche plurielle aux législatives de 97, Cinq année de gouvernement de « cohabitation » de Jospin sous la Présidence de Jacques Chirac, et après l’adoption de la fameuse loi Aubry des 35 heures, la « perle » de cette législature. Les repos compensateurs pensez un peu. Il ne faisait aucun doute que le candidat Lionel Jospin allait gagner ces élections Haut la main, probablement même dès le premier Tour, d’autant que Jacques Chirac le président sortant devait en découdre avec la volonté d’Edouard Balladur de lui « damer le pion ». Or, surprise, foin de l’élection de Jospin dès le premier tour c’est de son élimination qu’il s’est agi*, bouté hors par Jean-Marie Le Pen

    Eh oui, les trahisons de « la Gauche » à l’égard du mouvement populaire depuis 1983 (au moins) avaient produit leurs effets. Une large part de ses électeurs, particulièrement des électeurs communistes s’étaient tournés vers le vote F.N., Celui-ci toutefois n’était encore qu’un danger bien relatif. Il y a loin de 21 % indépassable à 51 % nécessaire. Mais ce qu’il y avait de pire dans cette affaire s’était l’humiliation de Jospin et à travers lui du PS et de toute « La Gauche ». Elle ne s’en relèverait pas. Si c’est en 2017 avec ‘l’opération « en marche » de Macron, que le système politique antérieur de l’alternance a paru s’effondrer, c’est en vérité en 2002 que sa faillite avait été acté. Or cela allait avoir des conséquences lourdes sur la suite. Dès lors le « barrage à l’extrême droite » (Le Pen) devint le crédo de la politique traditionnelle française et plus spécifiquement de ce qui restait de la gauche.

    En 1981, 1988, 1995, 2002, il y avait des partis, des figures, auxquels on pouvait rattacher l’espérance populaire de changements politiques et qui pouvaient constituer ainsi une issue de décompression aux mobilisations sociales. Cela n’existe plus depuis 2002.

    Alors certes me direz-vous il y a eu dans l’intervalle l’élection à la Présidence du « socialiste » François Hollande ? Pâle personnage qui ne dut son élection qu’ à l’élimination de Dominique Strauss-Kahn d’une part est à l’exaspération des français à propos du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

    A présent, un homme pouvait incarner une certaine espérance politique, c’était Jean-Luc Mélenchon, mais avec fort peu de chance de l’emporter lors d’un second tour s’il y était qualifié. Une qualification de Mélenchon au second tour dans les contextes que l’on a connu ce serait faite au détriment de Macron et le scénario le plus probable dans ce cas eut été un face à face Mélenchon Le Pen. En pareil cas, beaucoup d’électeurs de la droite traditionnelle mais aussi du PS voteraient Marine, et la perspective de sa possible victoire galvaniserai son électorat habituel. Les chances de succès de Mélenchon seraient réduites ? C’est ce que redoute le Parti communiste à la sauce Fabien Roussel, et la raison pour laquelle il a choisi de « saborder » les chances de Mélenchon afin de ne pas mettre en péril celles de Macron. Macron étant un meilleur candidat que Mélenchon contre Le Pen.

    Mais dans ces conditions il n’y a plus d’issue politique à offrir « à gauche aux électeurs, et pas d’autres moyens d’éviter la déstabilisation du pouvoir politique par le mouvement social, que de lui tordre le cou et faire allégeance à la politique du pouvoir.

    Ainsi, la conduite de la mobilisation sociale pour l’annulation de la loi Macron/Borne, a-t-elle consisté en accompagnement et encadrement. Il s’est agi de contenir la colère et de « décompresser » jusqu’à épuisement. L’unité syndicale, les manifestations, la fausse radicalité des « blocages ponctuels, sans lendemain », tout cela n’était que soupapes de sécurité, un moyen de lâcher de la vapeur.

    Au 6 juin Berger a dit « on a sifflé la fin de la récréation et l’intersyndicale a enchainé ; « On va voir Borne, on passe à autre chose. »


    Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr ». Dimanche 9 juillet 2023. (Publié mardi 11.07/2023.)

    • Ils avaient tout simplement oublié que la loi Aubry ça n’était pas que les repos compensateur, s »était aussi la « flexibilité du travail, des suppressions de « pause » et autres avantages dans certaines professions, un perte sur les salaires.
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