Un jeune garçon est tué par le tir d’un policier. La jeunesse des cités populaires s’embrase. L’émotivité est un attribut de la jeunesse. N’est-ce pas à propos d’un incident semblable que s’alluma la révolution Tunisienne que vous encensiez alors ? Cessez donc vieillards séniles déjà à moins de trente ans parfois, d’agonir cette jeunesse d’injures et d’imprécations. Vous avez le cœur froid déjà et les stigmates de la servilité dans le raisonnement, eux ont le cœur bouillonnant et l’esprit en révolte. C’est à cette vertu cardinale de la jeunesse que les sociétés humaines doivent leur tensions vers l’avenir.
Un jeune homme, un adolescent, presque encore un enfant est abattu, comme un chien enragé, à bout portant. Des milliers de jeunes et parfois très jeunes gens, indignés, comment ne le serait-on pas, se livrent à des déprédations des destructions et des pillages. Or voilà que les « gens bien » : journalistes, politiciens, bourgeois, « bobos », et même ce qui surnagent à peine à fleur de misère, se prennent à agonir cette jeunesse « mal éduquée » de « barbares » « de délinquants » de « voyous » de « casseurs », et leurs parents « démissionnaires » qu’ils veulent punir aussi.
Mais regardez donc ! Regardez-vous donc ! Un peu d’introspection s’il vous plait. Regardez la société que vous leur offrait, les conditions où vous les acculés l’avenir que vous leur promettez, l’espérance que vous leur allumez. Une société délabrée, avec des parents qui n'ont parfois jamais travaillé, des familles décomposées, des inégalités sociales insultantes, l’exemple de la corruption des élites, d’une justice de classe, d’une police brutale et corrompue, d’une morale sociale en perdition, d’une individualisation exacerbée, de la marchandisation des valeurs et de toute chose, de la disparition des structures sociales et des métiers, l’assurance d’une vie de précarité sans assurance, de la misère de masse, un État policier, une société répressive, dans laquelle on se flatte d’humanisme, de l’abolition de la peine de mort pour les criminels de sang, mais où l’on donne quartier libre (Article L 435 1, Code de la sécurité intérieure.) aux policiers pour l’appliquer à leur convenance dans la rue pour des délits mineurs, sans instruction et sans jugement.
Vous fîtes rêver une partie de cette jeunesse, vous la trompâtes, avec la promesse d’une Europe garante de la paix. A présent, au nom de la même Europe, vous lui promettez, la mort les souffrances et la disette.
Vous avez, « votre », « notre » société, a déstructuré cette jeunesse, l’a maltraité, paupérisée, « méséduqué », humilié, brutalisé, et vous voudriez avec cela qu’au moment de l’Ire ces enfants se conduisent comme de gentils « petits canards » bien éduqués, s’astreignent à faire « coin-coin » selon la règle, signent pourquoi pas une pétition pour faire part de leurs angoisses aux mêmes adultes qui en sont responsables, présentent leurs doléances à un gouvernement d’autistes qui n’entend pas même les revendications de leurs ainés manifestant par millions. Qui gouverne par oukases la schlague en main.
Il se mettent en colère. Ils cassent tout. Ce n’est pas judicieux en effet, ce n’est pas comme ça qu’il faut faire. Mais ils le font ainsi parce qu’ils n’ont pas d’autres moyens d’extérioriser leur colère. Non, ils ne sont pas membres d’un syndicat, ni adhérents d’un parti, ni membre d’une quelconque congrégation ou loge, ni soldat d’une armée structuré. Ce sont des jeunes dont le seul lien est celui que constitue l’instinct grégaire. Ils se déversent comme un flot et font les dégâts d’une calamité météorologique. Ce n’est pas judicieux, dites donc cela à l’Ouvèze.
Ce n’est pas comme cela qu’il faut faire protestent ceux qui ne font jamais rien ou ne savent pas eux même ce qu’il convient de faire. Mais quel terrible message, quel glaçant présage s’eut été, pour l’avenir de notre société, pour sa santé psychique et morale, si l’exécution d’un jeune homme n’avait provoqué aucune contestation. Celle-ci n’est pas judicieuse, ce n’est pas comme cela qu’il fallait faire, on l’eut préféré différente, soit ! Mais c’est comme cela qu’elle est et qu’il convient dès lors de l’acquiescer.
Soyez patients, ils vont rencontrer des idées et des mentors, ils vont apprendre. Ils vont s’organiser, définir des buts, se donner une feuille de route. Ils reviendront à la charge, à peine plus mature, mais déjà plus aguerris, mieux préparés, plus déterminés. Ce ne sont plus alors les abris bus qu’ils détruiront ou les bus qu’ils incendieront, ce sont les Palais et les symboles de l’État dont ils s’empareront, les institutions qu’ils brûleront. Ne les rejetez pas. Ils sont la promesse de notre avenir proche.
Cessez de les blâmer. Aimez-les au contraire, saluez-les, rendez leur hommage. Avec quelques maladresses certes, ils ouvrent la voie, montrent le chemin. Armez-les des outils idéologiques qui leur font défaut et demain quand la rue s’embrasera à nouveau, quand nous marcheront « tous ensemble » vers l’Élysée promis aux peuples, la jeunesse devant et nous derrière, comme vous en avez d’ailleurs secrètement rêvé, vous pourrez dire à l’occupant des lieux : « Non Sire, ce n’est pas une révolte cette fois c’est bien une Révolution ».
Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr ». Lundi 3 juillet 2023.