Hier 8 mai nous fêtions en France la reddition de l’Allemagne mettant fin à la deuxième guerre mondiale, que les Russes fêtent ce jour 9 mai.
Cela fait plusieurs années que le « révisionnisme historique » est à l’œuvre en Occident avec pour but de nier le rôle imminent de l’URSS dans la défaite de l’Allemagne Nazie. La propagande de guerre liée au conflit actuel en Ukraine a encore accru ce phénomène. Dans plusieurs pays d’Europe les honneurs habituels ne seront pas rendus cette année aux soldats soviétiques morts pour libérer l’Europe du nazisme. Où donc va se nicher et à qu’elles extrémités d’révérence peut conduire la bêtise humaine ?
Honte soit à ceux qui s’adonnent à cette perversion de l’Histoire et à l’injure faite à ses héros et ses martyres.
Un petit synopsis historique et synthétique de ce que fut vraiment la deuxième guerre mondiale sera utile a l’éclairage de tous ceux qui sont encore aptes à s’’interroger et se garde du déni où d’autres se vautrent avec complaisance.
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Victoire donc, oui mais de qui et sur quoi et qui ? La victoire sur le nazisme entends-t-on volontiers. Ça fait bien, honnête, honorable et presque consensuel. Mais est-ce vraiment sûr ?
Il y eut deux et même trois guerres, comme des poupées gigognes, dans la deuxième guerre mondiale. Une guerre impérialiste entre puissances européennes, une guerre idéologique entre le monde capitaliste occidental et l’URSS dépositaire d’un autre modèle social, laquelle se mû ensuite en guerre idéologique entre le fascisme incarné par l’Allemagne nazie et le communisme incarné par l’URSS. Et enfin la troisième, une autre guerre impérialiste, l’autre guerre gigogne, qui préoccupait le plus les USA, leur guerre contre le Japon pour la domination du pacifique dont on sait ce qu’il advint.
Dans la première guerre mondiale l’Allemagne voulait sa part d’Empire colonial et disputait le partage du monde existant à l’Angleterre et la France. La révolution de novembre 1918 et la République de Weimar érigée sur son cadavre, mirent fin, pour un temps au moins, aux rêves impériaux du 2ème Reich. Ce n’était toutefois que partie remise. L’humiliation allemande, ce qu’Hitler appela « la honte de novembre », et l’ignoble traité de Versailles, furent les puissants moteurs du « revanchisme allemand » et expliquent pour une bonne part l’adhésion du peuple au 3ème Reich. Le plan d’Hitler était d’adosser la puissance Allemande en Europe à un grand Empire en lui intégrant les territoires allemands ou germanophones d’Europe, (Réintégration de la Sarre, remilitarisation de la Rhénanie, Anschluss de l’Autriche, annexion des Sudètes, annexion du territoire de Memel, rattachement de Dantzig). Il pourrait alors remettre en question le partage Anglo/français du monde et la domination des mers par « la perfide Albion ». Atteindre en quelques sortes avec la seconde les objectifs non réalisés de la 1ere guerre mondiale. En cela la deuxième guerre mondiale, tout comme la précédente, était d’abord une guerre impérialiste.
Le Nazisme, version allemande du « fascisme » c’était construit sur la haine du bolchévisme et de la révolution russe. Au demeurant la révolution « des ouvriers et des paysans »de Russie était parvenu à maintenir l’unité de l’ancien Empire Tsariste et donc le contrôle de l’Ukraine que l’Allemagne convoitait. Dans la guerre à l’Est de l’Europe il y avait donc bien sûr des visées impérialistes aussi mais surtout une importante dimension idéologique. Or cette guerre-là, de l’Allemagne contre l’URSS, n’était pas l’affaire exclusive de l’Allemagne. C’était celle également de l’Angleterre de la France, des USA. Il s’agissait de vaincre l’Hydre de la Révolution socialiste que les classes possédantes du monde occidental ressentaient comme une menace existentielle. C’était aussi l’affaire du Vatican, enrôlant les légions nazies comme « nouveaux templiers » dans une croisade vengeresse contre « les sans Dieu » et l’Orthodoxie. (Le pape pie XII, ancien Nonce apostolique en Allemagne et le « Zentrum » parti catholique allemand, n’étaient pas étrangers à l’accession d’Hitler au pouvoir). En cela la deuxième guerre mondiale fut une guerre idéologique. Mais non pas d’abord contre le fascisme ou le Nazisme mais contre l’URSS et le communisme.
Il va de soi que l’URSS détruite sa dépouille viendrait en partage et serait l’enjeu de nouveaux conflits impérialistes. Lénine je crois, n’avait-il pas dit que sans la Révolution d’Octobre la Russie serait devenue dés après la fin de la première guerre mondiale une colonie occidentale ?
Ecrasé d’abord par les « réparations de guerre », entravée par d’autres dispositions fort handicapantes du traité de Versailles et l’occupation de la Ruhr (1921/1923), l’Allemagne rebondissait pourtant de manière fulgurante. Le phénomène s’amplifia avec l’arrivée d’Hitler aux commandes, qui passe outre plusieurs dispositions contraignantes du traité de Versailles (remilitarisation de la Rhénanie, rétablissement de la conscription, réarmement). Cela se faisait, il va sans dire, avec le complicité directe ou dissimulée, voire l’aide ouverte de l’Angleterre fidèle à sa politique continentale du « Dual containment » et les USA, sa deuxième nature. C’est qu’il faut bien le dire, le Nazisme, cet anticommunisme fondamental ne promettait-il pas de transformer l’Allemagne en une machine de guerre apte à terrasser le dragon soviétique ? Bien que jamais formulé clairement, ni par les politiques d’alors ni par les historiens officiels, cette pensée secrète ne manquait pas d’animer les esprits du temps. Les tant décriés, (après coup seulement), accords de Munich ne s’inscrivaient-ils pas dans la réalisation de ce plan ? Lorsque les armées du Reich envahissent la Pologne (1er septembre 1939), la France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne sans qu’il s’en suive la moindre conséquence guerrière (« la drôle de guerre » (septembre 1939 10mai 1940), n’était-elle pas partie prenante aussi de ce plan diabolique : laisser les mains libres à Hitler pour détruire l’URSS d’abord ? Remettre à une date ultérieure la clarification de nos comptes avec lui.
La drôle de guerre n’a duré que sept mois seriez-vous tentés de dire. Après cela on a véritablement fait la guerre à l’Allemagne. Eh bien non, même pas ! Ce ne sont pas les « déclarants de guerre qui mirent fin è cette période paradoxale, mais l’Allemagne elle-même.
Avant de se lancer dans sa grande aventure à l’Est, ; Hitler qui tenait la France pour la pire ennemie de l’Allemagne, comme en atteste son livre programmatique « Mein Kampf », et craignant que celle-ci ne lui plante un poignard dans le dos décida d’abord d’assurer ses arrières en la neutralisant contournant la ligne Maginot par la Belgique il vînt s’assurer de la France. (mai 1940)
(Dans l’incapacité de la France à opposer la moindre résistance certains ont même cru déceler une autre preuve de la complicité des élites Françaises avec le régime Hitlérien.)
Dans l’intervalle, en Angleterre Churchill a remplacé Chamberlain au poste de Premier ministre. La politique du Royaume uni à l’égard de l’Allemagne a changé du tout au tout. C’est que Churchill voit se profiler un immense danger. Sustenter la puissance allemande pour contenir l’arrogance française, soit ! Instrumentaliser l’Allemagne Hitlérienne pour tordre le cou à la Russie soviétique, bien sûr. Il voudrait bien. Mais l’Allemagne maitresse de l’Ukraine et des richesses de la Russie en matière premières, maitresse de Bakou, ce serait une menace pour le statut dominant de l’Angleterre. Il faut « contenir » la puissance allemande. Ce changement de cours de la politique Britannique contraint Hitler à une politique de maitrise de la perfide Albion afin de la tenir en respect pendant qu’il s’occupera de Staline.
La bataille d’Angleterre, projet de débarquement, bataille aérienne, commencé en Juillet 1940 se termine en Mai 1941. Le 22 juin Hitler déclenche l’opération « Barbarrossa « et lance ses hordes à l’assaut de la citadelle communiste. Staline qui avait signé (en vérité Molotov) avec Hitler (représenté par Ribbentrop) un traité de non-agression connu sous le nom de « pacte germano soviétique » (23 août 1939), afin de gagner du temps, ne s’attendait pas si tôt au déclenchement des hostilités. Effet de surprise, mais aussi impréparation de l’Armée rouge, les divisions Allemandes entrèrent facilement en territoire soviétique allant jusqu’aux portes de Léningrad (Saint Pétersbourg), ville symbolique, car capitale de la Révolution, dont Hitler voulait s’emparer et qui subira un siège terrible (8 septembre 41, 27 janvier 44). L’armée rouge recule mais la résistance s’organise, la logistique industrielle se déplace à l’arrière. L’armée Allemande hautement mécanisée à besoin de produits pétroliers. Un de ses objectifs immédiat est d’ouvrir la route de Bakou qui passe par Stalingrad. L’avance Allemande est stoppée là. De nombreuses divisions s’y briseront (23 août 1942/2 février 1943). 7 mois et 2 millions de morts plus tard, l’armée Allemande brisée physiquement et moralement doit battre en retraite. L’Armée rouge a résisté au terrible assaut de la puissance militaire allemande. Les divisions du Reich sont boutées hors, à travers toute l’Europe jusqu’à Berlin.
Cela faisait des mois que Staline suppliait les occidentaux d’ouvrir un front à l’ouest afin de soulager son armée de la pression. Ceux-ci ne sont pas pressés. Qu’attendent-ils, qu’espèrent-ils ? Mais l’URSS ne s’est pas effondrée, à présent les divisions allemandes reculent et l’armée rouge avance. Ils se décident enfin. Ils arrivent « au secours de la victoire », Ils débarquent en Normandie le 6 juin 1944. 3 ans après le déclenchement de « Barbarrossa », 16 mois après la victoire de Stalingrad. Alors certes les calculs politiques foireux de leurs dirigeants n’enlèvent rien à l’héroïsme ni à la valeur du sacrifice des soldat américains canadiens, australiens ou Anglais qui débarquèrent sur les côtes de Normandie. Mais la réalité veut que si ceux-là ont leur part incontestable à la libération de l’Europe occidentale et à la défaite de l’impérialisme allemand, ils n’ont aucune part à la défaite du nazisme.
A l’Est, ce qui avait commencé comme une « croisade anticommuniste » avait muté en cours de route, résultat de l’inversion des rapports de forces, en insurrection des consciences antifascistes.
La libération des camps, la découverte de « la solution finale » et des horreurs perpétrées par les nazis ne pouvait que sceller l’unanimisme des condamnations internationales de cette idéologie. Si la guerre idéologique contre le Nazisme n’avait pas été l’affaire des impérialismes, les puissances occidentales ne pouvaient faire dès lors autrement que de s’en emparer de manière opportuniste.
Mais c’est sous l’assaut conjugué de l’Armée Rouge et des mouvements de résistance populaire de toute l’Europe, par nature patriotiques mais aussi « antifascistes » que la victoire-contre le nazisme fut acquise. Elle appartient toute entière à l’URSS et aux résistances populaires d’Europe.
C’est cette réalité historique que les politiciens occidentaux avec la complicité d’Historiens véreux, s’ingénient à effacer des mémoires. Et pour cause, admettre que l’Union Soviétique, « communiste », fut le véritable « Saint-Georges » qui terrassa le dragon, c’est rendre incompréhensible la lecture occidentale de l’Histoire selon laquelle le « totalitarisme hitlérien » serait l’égal du « totalitarisme stalinien ».
Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr ». Lundi 8 mai 2023.