V - LA PROVOCATION DE MINSK.
1 - Que devait faire Poutine ?
Après huit années de patience qui avait servies, côté occidental, à armer l’Ukraine et la mettre en ordre de combat pour une grande offensive sur le Donbass, devait-il attendre l’arme au pied ? Vladimir Poutine, que la machine médiatique occidentale s’emploie à diaboliser, n’est ni « gentil » ni « méchant », il est tout bonnement le chef d’état de la fédération de Russie, à ce titre en charge de la défense des intérêts et de la sécurité de celle-ci. Attendre c’était laisser à l’adversaire la gestion du « timing » de la guerre à ce stade inévitable.
C’est le tort de Poutine, mais son seul tort véritable dans cette affaire, d’avoir (prévenu) devancé son ennemi, permettant à celui-ci de l’affubler, au 24 février 2022, de la responsabilité d’un conflit qui existait depuis huit ans déjà, et dont « l’opération militaire spéciale russe en Ukraine » n’était en vérité qu’un prolongement.
Que devait faire Poutine, Attendre la victoire du pouvoir central ukrainien, l’écrasement du Donbass, la consolidation du régime de Kiev l’épuration ethnique (massacre ou expulsion des russophones et pro-russes,) de l’Est de l’Ukraine, la réalisation des adhésions de l’Ukraine à l’UE et à l’OTAN, c’est-à-dire l’accroissement de la menace OTANesque pour l’intégrité de la Russie ? Devait-il attendre pour réagir le déferlement d’une nouvelle « opération Barbarossa, la pluie des missiles de l’Alliance partie à la fois de toutes les bases hostiles qui l’environne ?
Certes on doit condamner, au nom de notre attachement à la paix, l’action militaire de la Russie. Mais l’honnêteté intellectuelle oblige à reconnaitre que la poussée occidentale et OTANesque, que l’on est en droit de qualifier de provocation, ne laissait guère d’autre option à la Russie. Sauf à attendre que son encerclement fusse finalisé et que la coalition impérialiste d’Occident abatte ses foudres sur elle en se justifiant d’un prétexte quelconque et probablement fallacieux, comme ils le firent avec la Yougoslavie, le Soudan, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye ou la Syrie.
Au demeurant, les dirigeants occidentaux impliqués (Merkel, Hollande et Porochenko pour l’Ukraine) (2), comble de cynisme, l’ont ouvertement reconnu récemment : les accords de Minsk n’étaient à leur sens qu’un écran de fumées, un leurre, une diversion pour donner le temps à l’Ukraine de se préparer à la guerre. Pour la Russie c’était donc une tromperie. Le non-respect délibéré des accords de Minsk peut être compris dès lors comme une provocation dont l’objet était de pousser la Russie à la guerre. Un piège en quelque sorte.
Qui osera nier encore qu’il convient de dater le début des hostilités, non du 24 février 2024, mais du 23 février 2014 ? Qui niera encore que cette confrontation militaire dont Poutine a pris l’initiative, ce sont les occidentaux qui l’ont voulue ?
Napoléon (1812), les forces de « l’entente » au secours des atamans contre la révolution Russe (1918 1922), L’invasion des armées hitlériennes (1941 1944). Cela ne suffit-il pas a mettre une nation en garde ? Nul ne refera plus à la Russie le coup de l’opération Barbarossa ?
2 - LA QUESTION DE LA RESPONSABILITÉ. (DE MONTESQUIEU A JAURÈS.)
« Les véritables responsables des guerres ne sont pas ceux qui les font mais ceux qui les ont rendues inévitables », cette maxime ne rejoint-elle pas celle édictée, sans contestation d’origine cette fois, par Jean-Jaurès : « l’impérialisme porte la guerre en lui comme la nuée porte l’orage. » ? La seconde dit que la politique impérialiste induit la guerre et la première que l’impérialisme qui rend les guerres inévitables est le véritable responsable de celles-ci. C’est la même chose, même si l’impérialisme au sens où nous le connaissons aujourd’hui était loin d’exister au temps de Montesquieu. Scandale dans le Landernau des « preneurs de tête », cette deuxième citation ne serait pas de Montesquieu. Croient-ils ainsi la rendre futile ? Mais qu’est-ce qu’on en a à fiche vraiment qu’elle soit de Montesquieu ou pas. Cette observation est-elle juste ou pas ? N’est-ce pas là la vraie question
Elle est juste et quand bien même elle serait l’œuvre d’un ivrogne, répertoriée dans les « brèves de comptoir de Jean-Marie Gourio, elle n’en serait pas moins juste. Or voilà qu’une troisième citation, de Clausewitz cette fois, lui vient en renfort : « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». N’y a-t-il pas un air de similitudes avec la précédente ?
Mais qu’elle est donc de nos jours la politique impérialiste qui « porte en elle la guerre comme la nuée porte l’orage » qui a rendu inévitable le conflit d’à présent entre l’OTAN et la Russie, l’Ukraine et son peuple n’étant respectivement que le théâtre d’opération et la chair à canon ? C’est bien sûr la politique de domination planétaire des U.S.A. Ce fameux nouvel « ordre mondial » dont ils ont annoncé l’avènement dès les lendemains de l’effondrement de l’URSS. La même qui avec « les printemps arabes s’est employée à détricoter les États nations et laïques existants pour les émietter en états ethniques, confessionnels ou tribaux, afin d’assoir sur le chaos sa domination sans partage. La Russie de Poutine, la CEI, le projet d’espace euro/asiatique, les BRICS, la coopération russo-chinoise, autant d’entreprises qui effraient les USA, que ceux-ci ressentent comme des menaces géopolitiques pour leurs desseins de domination, comme autant d’entraves à la réalisation de leur rêve prométhéen.
3 - CONCLUSION : Mobilisation contre la guerre
Les peuples n’ont rien à gagner à la guerre, sinon des souffrances et des calamités. Seuls les industriels et les banquiers peuvent en attendre des gains colossaux.
Les peuples doivent se mobiliser contre la guerre. Mais cette nécessité requiert, une claire vision des réalités, l’aptitude à se prémunir contre la propagande de guerre des deux camps, de grandes capacités de discernement entre le réel et l’affabulation, le refus d’accuser la Russie et son Président Poutine » plus que le camp occidental : l’OTAN, Stoltenberg, ou Von Der Leyen.
Ne luttent jamais véritablement contre la guerre impérialiste quiconque refuse de combattre d’abord son propre impérialisme.
Patrick Seignon. . Lundi 20 février 2023. Publié le 25 février 2023.
Notes :
1 – France-Inter _ Radio France.
2 - Une ex-chancelière ne devrait pas dire ça… Dans une interview au journal « Die Zeit », l’ancienne dirigeante allemande explique que les accords de Minsk n’étaient qu’un moyen pour l’Ukraine de se renforcer militairement afin de se préparer à un conflit inévitable. (Marianne, 24/12/2022)
Après Angela Merkel, l’aveu de François Hollande : les accords de Minsk, duperie de l’occident ? Dans un entretien au Kyiv Independent, Hollande a revendiqué que les accords de Minsk avaient amené la Russie sur le terrain diplomatique, laissant à l’armée de Kiev le temps de se renforcer. Un aveu contredisant les déclarations pacifiques d’alors. (Quotidien libre. 30 décembre 2022)
« Nous avons tous vus la déclaration historiquement importante d’Angela Merkel [sur les accords de Minsk]. Je suis surpris», a commenté Alexandre Vucic lors d’un discours à la nation serbe. Et le dirigeant de poursuivre, selon une retranscription de l’agence de presse Tass : «Pour moi, cette idée est pratiquement incompréhensible mais elle est confirmée par ce que [l’ancien président ukrainien] Petro Porochenko a affirmé, qu’ils n’avaient jamais eu l’intention d’implémenter les Accords de Minsk.»(Quotidien libre 12 décembre 2022.)