En ces temps où la bêtise s’est emparé des cercles militants « de gauche », ceux qui se proclament encore « progressistes », et des élites intellectuelles, il est salvateur parfois de rendre la parole au poète.
Louis Aragon était un poète, probablement l’un des plus grands de la langue française. Il a écrit un jour sombre de l’occupation allemande de notre pays, en 1943, un texte intitulé « La rose et le réséda ». Beaucoup de français le connaissent. Beaucoup l’ont appris sur les bancs de l’école primaire, mais combien l’ont retenu, médité, combien en ont compris le sens profond, combien en ont tiré quelques bénéfices dans leur propre conduite de vie ?
Nous venons de cauchemarder éveillés deux années terribles et celles qui viennent s’annoncent pires. Nous étions confrontés, sous prétexte de crise sanitaire à des confiscations iniques de certaines, et des restrictions d’autres de nos libertés. Et des gens de « gauche », des « libres penseurs », des "prétendants révolutionnaires", plutôt que faire front commun avec tous ceux qui s’opposaient à cette dérive liberticide, renvoyaient « l’autre » dans les cordes prétextant qu’il était « anti science », « anti-progrès », « anti vax », « catholique intégriste. », voire « confusionniste », complotiste », « rouge-brun » ou même « fascisant ».
Notre système de santé subit une crise grave. Structurelle, financière, mais aussi par manque de personnel. Des personnels soignants ont été suspendus sans salaires sans revenus et avec l’interdiction de travailler ailleurs. Des compétences gelées pendant que d’autres souffrent de la surcharge de travail et les patients du délitement (c’est le cas de le dire) de l’Hôpital public. Tous les pays du monde qui avaient pris de telles mesures à l’égard de leurs soignants qui refusaient la vaccination anti covid, les ont depuis réintégrés, la plupart du temps avec réparation du préjudice subi. Sauf la France. Sauf la macronnie. Et nos députés « progressistes », de gauche, préfèrent enterrer la question au parlement plutôt que joindre leurs voix, leurs talents et leurs efforts à ceux des députés du « Rassemblement National ».
Si ce n’est pas une trahison c’est au moins le quatrième dessous de la bêtise.
Et voilà qu’à son tour vient dans l’actualité la brûlante question de la « Contre-Réforme des retraites » projetée par le gouvernement le plus réactionnaire de la France depuis Louis XVIII. Et voilà que recommencent les mêmes absurdités. Le R.N. veut prendre part aux manifestations populaires, vent debout les « plénipotentiaires » syndicaux le lui interdisent. Bien entendu, cela ne fait aucun doute, si le gouvernement fait encore une fois usage du 49.3, nos lumineux, démocratiques et avisés députés « progressistes de gauche », refuseront de voter la même motion de censure que le parti de Marine Le Pen. Choisiront la défaite et l’humiliation en rase campagne plutôt que se « compromettre avec l’extrême droite ». Mais ils ne rechigneront pas, par voie de conséquence, à se faire les complices de la pire attaque d’un gouvernement contemporain contre les droits acquis des salariés.
Et puis voilà que le pire des pires arrive, LA GUERRE. L’Empire d’Occident (USA, Angleterre, France) par son action a rendu celle-ci inévitable et jette à présent de l’huile sur le feu au risque de déclencher une troisième conflagration mondiale et peut-être un cataclysme nucléaire. Cela dans le but avoué de mettre la Russie à genoux. C’est Poutine qui a commencé, c’est Poutine le méchant hurlent-ils de toute la puissance de leurs trompettes médiatiques. Et lorsque vous vous avisez de suggérer que les choses ne sont pas si simples : Maïdan, le Donbass, la guerre contre les Républiques séparatistes. Ils vous collent aussi sec l’étiquette infamante, à leur sens, de laudateur de la « Poutinosphère ». Le débat fini là, plus rien à dire.
Pourtant il y en a dans « l’occidentosphère » qui redoutent le danger qui croît, qui militent pour la paix (certains tout de même en envoyant des crédits de guerre et des armes), Qui prétendent vouloir stopper cette folie en refusant de voir la réalité bien en face qui les obligerait à condamner sans détour l’action de leur propre impérialisme. Ils ne comprennent pas que dire que c’est la faute de Poutine en refusant de voir l’antériorité du conflit, cela revient pour l’opinion générale à justifier l’escalade guerrière : Si c’est Poutine qui a commencé, pourquoi s’arrêterait-il si on ne l’arrête par les armes ?
Si on n’arrête pas ce déferlement de débilités, des millions d’êtres humains vont périr encore, pour « défendre » l’Ukraine en l’immolant, et c’est là encore le « moins pire » des scénarios. Ce sont des centaines de millions de morts que ferait une guerre mondiale et des régions entières de la planète rendues vides de toute existence humaine et animale pour des milliers d’années en cas de dérapage nucléaire.
Alors ?... Communiste ou Extrême droite ?... Laïque ou Catholique intégriste ? « Rouge-brun » ou « Brun-Noir » ? De droite de gauche ou du milieu ? Doit-on attendre l’issue fatale pour se solidariser contre les forces maléfiques que l’on combat séparément ?
« Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat »
Lisez plutôt ce vibrant poème de Louis Aragon :
Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr » Mercredi 15 février 2023.
À Gabriel Péri et d’Estienne d’Orves comme à Guy Môquet et Gilbert Dru
« La Rose et le Réséda »
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fût de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Nos sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
A la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda
Louis Aragon, « La Rose et le Réséda », mars 1943.
Repris dans La Diane française, Paris, Éditions Seghers, 1944.
© Éditions Seghers, 1944