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  • 2 – ET BEN OUI ! NOUS NE SOMMES PAS LES SEULS ACTEURS DE L’HISTOIRE

    2 – ET BEN OUI ! NOUS NE SOMMES PAS LES SEULS ACTEURS DE L’HISTOIRE

    Les luttes sont des « compétitions » entre plusieurs adversaires ou belligérants. Nous ne sommes pas les seuls acteurs de l’Histoire. Il y en a d’autres qui n’ont pas la même vision des choses ni les mêmes intérêts, ni les mêmes buts. Qui s’allient à nous ou s’y opposent selon les circonstances. Et ce qui résulte des luttes n’est pas toujours selon nos souhaits. C’est la plupart du temps plutôt un résultat mitigé, conséquence de la confrontation de volontés et forces contradictoires. Eh oui, un « mix », voire parfois même le « pire » lorsque celles-ci ont été battu par leurs ennemis ou dévoyées par de faux amis ou des forces perverses.

    Si je n’ai probablement pas le talent de Jacques Brel, me suis-je jamais moqué ? De personne d’ailleurs, et surtout pas des poètes, moi qui en suis un peu. Il m’arrive en effet de versifier parfois et j’ai un jour écrits les vers que voici que je crois être non sans quelques profondeurs :
    « Craignant la tempête et le sort
    Ne doit-on pas quitter le port ?
    »

    Lorsque l’on engage un combat quel qu’il soit, et il en va bien sûr ainsi des combats de l’Histoire, l’on n’est jamais certains de l’issue. Voilà probablement une bonne raison de se donner toutes les chances de gagner, ça n’en est toutefois pas une pour refuser de l’engager.

    Il arrive donc en effet que certaines empoignades de l’Histoire aboutissent à des conséquences éloignées de leurs objectifs initiaux, voire « désastreuses. Mais c’est rarement la faute des idéaux que portaient les luttes populaires mais plutôt des réactions ou oppositions qu’elles ont suscitées.

    La révolution Française avance à grands pas soulevant l’enthousiasme du peuple jusque dans les plus reculées de nos provinces, mais la réaction, ecclésiastique et aristocratique, se met en ordre de combat, les « immigrés » travaillent à soulever toutes les Cours d’Europe contre la Révolution, le roi s’enfuit pour se porter à la tête des hordes qui se proposent de la saigner. (« Madame Véto avait promis de faire égorger tout Paris »). La révolution se met en défense, que pouvait-elle faire ? c’est 93, c’est la « Terreur ». Certains prétendent qu’avec la terreur la Révolution aurait trahis ses propres idéaux, souillée son âme ; Elles les a au contraire sauvés, menés à leurs termes.

    Le « peuple » ce mot peut recouvrir deux significations : une généraliste (toute la population) l’autre plus restreinte « ‘le peuple » en opposition aux pouvoir politique et classes dirigeantes. Dans le premier cas François Arnault et Macron en sont, dans le second ils n’en sont pas. Lorsque l’on dit « le peuple français », il s’agit alors la plupart du temps de désigner TOUTE la population qui peuple la France. C’est alors un concept généraliste qui englobe toutes les couches de la population qui forment la nation. Le peuple est ainsi composé de classes sociales aux intérêts divergents ou contradictoires. A l’époque de la révolution Française on pouvait distinguer l’Aristocratie, le Clergé, la paysannerie, la bourgeoisie, les travailleurs salariés et journaliers, le menu peuple. La Révolution renversait la Monarchie et le pouvoir aristocratique et clérical. La Bourgeoisie était alors la seule classe détenant la richesse et le savoir, apte à prendre la relève du pouvoir Monarchique. C’est pourquoi, le plus naturellement du monde elle se retrouvait à la direction de la Révolution et fondait un nouvel État à sa convenance. Les idéaux de la révolution : « Liberté Égalité, Fraternité » elle les interprétait à sa manière, conformément à ses propres intérêts, bien éloignés des idéaux défendus alors par les Hébertistes ou « L’ami du peuple » le journal de Jean-Paul Marat, plus proches du vrai « peuple d’en bas ». Telles étaient les conditions objectives du temps. L’intérêt de la « classe dominante » s’impose comme « l’intérêt général ». Il est donc faux de vouloir interpréter la Révolution française et la prise de pouvoir par la Bourgeoisie comme les résultats d’un complot ou d’une manipulation.

    La Révolution, l’agitation Révolutionnaire, l’insécurité ne sont pas propres aux affaires. « Ne faut-il pas savoir finir une Révolution ? » Les révolutions comme toute choses de l’univers ont leur phase ascensionnelle et leur phase décadente. A leur apogée glorieux succède parfois une période sombre, « thermidorienne ». Fatigue, lassitude, apathie. Les masses révolutionnaires se débandent, leur vigilance retombent la nouvelle classe dominante, la bourgeoisie, ou une couche bureaucratique de « nomemklaturistes » comme ce fut le cas en URSS, en profite pour accaparer le pouvoir. Cela est en vérité la conséquence quasi inévitable des conditions objectives du moment. La classe qui prend le pouvoir est celle qui est apte à le faire. Si une autre plus Révolutionnaire ne le fait pas c’est parce qu’elle n’est pas prête à l’assumer. Faut-il en maudire la Révolution ? Non, la seule chose possible à faire c’est de regretter l’état d’impréparation du peuple et d’œuvrer d’arrache-pied à sa maturation.

    Le peuple de Paris, comme l’a dit alors Karl Marx, « monte à l’assaut du ciel » en mai 1871. La Commune de Paris soulève un immense espoir populaire. Mais les classes dirigeantes ne l’entendent pas de cette oreille. Elles réunissent leur gouvernement et cantonnent leurs armées à Versailles et attaquent la Commune. Lutte sans quartier. C’est la semaine sanglante, 30 000 morts dans Paris. « On ne voyait sur les boulevards que des mouchards et des gendarmes des veuves et des orphelins » dit la chanson qui évoque cet évènement. La Commune avait-elle accouchée du pire ? La Commune non, mais la réaction versaillaise oui !

    C’est l’apogée de l’exploitation capitaliste (Germinal et Servèze), le travail des enfants et des femmes, les heures glorieuses du pouvoir bourgeois, les insatiables appétits coloniaux, les grandes guerres où pour les besoins de l’accumulation capitalistes on envoie à l’abattoir toute la fine fleur de la jeunesse des Nations. Mais si la Bourgeoisie a pris le pouvoir, si en définitive cette grande révolution tellement populaire s’avère avoir été une « Révolution démocratique bourgeoise », qu’est-ce donc que la Révolution a à voir là-dedans ? Elle a été foulée aux pieds, trahie, ses idéaux ont été dévoyés. La révolution n’y est pour rien, elle n’est pas responsable de ce pire. C’est déjà une autre époque de l’Histoire.

    1917, la plus grande et la première Révolution ouvrière victorieuse de l’Histoire, celle qui met fin à l’Horrible boucherie qui ravage l’Europe et le monde depuis quatre ans (« Notre paix c’est leur conquête car en 1917, dans les neiges et les tempêtes ils sauvèrent les Soviets. »). Un immense espoir s’empare des masses populaires du monde entier. Les Nations impérialistes qui s’entretuaient se rabibochent en toute hâte pour former l’entente » qui va attaquer la Révolution russe, soutenir la guerre civile des généraux blancs : Kornilov, Dénikine, Koltchak, Wrangler, sanguinaires et antisémites. 1917 1923 cinq années de guerre civile qui succèdent à la guerre impérialiste. La révolution en sort victorieuse mais exsangue. Elle a perdu la fleur de sa jeunesse, ses meilleurs éléments. Le pire arrive, une grande famine qui décimera plusieurs millions de personnes. Le pire ? Mais en quoi la révolution agressée pourrait-elle être tenue pour responsable ? Le pire, la terreur internationale, l’horreur, c’est bien le fait de la « Réaction » impérialiste internationale qui voulait assassiner la Révolution.

    Cela va même se confirmer, aller beaucoup plus loin.

    Avec l’aide de la mission Française conduite par le Général Berthelot, la Révolution Hongroise que l’on dit quelque fois « de Béla Kun » est assassinée et le premier régime fasciste d’Europe installé en la personne de l’amiral Horthy qui déclenche une grande chasse vengeresse aux sorcières « Judéo-communistes ». Le seul tort de la Révolution Hongroise n’est-il pas d’avoir été vaincue.

    Trois révolutions ouvrières allemandes sont assassinées celle de 1918 que l’on a retenue sous le nom de révolution de novembre qui précipita la reddition de l’Allemagne et donna naissance à la République de Weimar. Celle de 1919 inscrite dans l’histoire sous l’appellation de Révolution Spartakiste qui donna lieu à l’assassinat par les nervis du ministre de l’intérieur social-démocrate Gustav Noske des grandes figures révolutionnaires qu’étaient Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht. Celle enfin de 1921, le chant du signe de la révolution allemande dont la défaite ouvrait la route AU PIRE la montée en puissance du parti Nazi. Mais qu’elle responsabilité diantre dans l’avènement de ce pire peut-on bien incriminer aux « luttes classiques » que furent les révolutions allemandes sinon celle d’avoir été assassinées, de n’avoir pas su vaincre la bête ?

    Exsangue à la sortie de la guerre civile la Russie Révolutionnaire espérait encore un peu avec le « rebond » de la Révolution internationale. « Prolétaires de tous les pays unissez-vous" l’idéal communiste c’est la République universelle. Défaite de la révolution Hongroise, défaite de la révolution Allemande, défaite de la commune de Canton en 1927, il fallait s’y résoudre, la Russie Révolutionnaire resterait isolée pour un long moment historique. Il faut s’adapter à la nouvelle situation. Lénine propose la NEP (nouvelle politique économique) qui fait une large part à l’initiative individuelle et au développement capitaliste. Mais la Russie exsangue, la fleur de la jeunesse révolutionnaire perdue dans la guerre civile, les masses populaires fatiguées, démobilisées, une couche de petits fonctionnaires exerce dès lors le pouvoir réel. C’est le terreau du stalinisme, de ce que l’on pourra appeler la phase thermidorienne de la Révolution Russe. Sur ce fondement fi soi de la Révolution mondiale, Staline promeut la théorie « abracadabrantesque » du socialisme dans un seul pays et la collectivisation forcée. Les « Koulaks » paysans riches issue de six années de NEP n’ensemencent plus les terres provoquant (1931/33) une pire famine six millions de morts, peut-être plus. Nous sommes entrés de plein-pieds dans l’ère de la nuit Stalinienne. Le Pire en effet qui pouvait advenir à "la Révolution de Lénine et de Trotski" (comme l’a nommé Charles Tillon, « On chantait rouge »). Mais en quoi celle-ci victime des tortuosités de l’histoire peut-elle être tenue pour responsable de ce destin tragique ?

    Alors que le fascisme victorieux s’installait au pouvoir à la tête de plusieurs grandes Nations Européennes, une lueur d’espérance se rallumait avec la naissance de la République espagnole, qui aurait pu inverser le cours de l’Histoire. Franco brandit le glaive contre la République sitôt soutenu par Mussolini et Hitler. Il s’agissait d’une empoignade Historique majeure dont dépendait le sort du monde. Infliger au fascisme une défaite en Espagne s’était rallumer la flamme des mobilisations révolutionnaires en Europe et juguler la puissance fasciste. Alors face à cet enjeu majeur Léon Blum verse des larmes de crocodile (non, pas crocodile, diront certains…. Je veux bien, mais alors « imbécile ») refuse de porter secours à la République Espagnole en danger. La terreur franquiste tombe pour 40 ans sur l’Espagne. La Wehrmacht et la Luftwaffe se sont « aguerries » l’Allemagne est prête maintenant pour l’opération « Barbarossa ». Qui aura l’indécence d’attribuer la moindre parcelle de responsabilité à la Révolution Espagnole dans l’avènement de ce pire ?

    L’Angleterre et les USA avaient soutenu activement l’effort de remilitarisation de l’Allemagne. La bourgeoisie internationale avait eu trop peur de la révolution Russe, elle avait trop peur de ce nouveau modèle d’économie collectiviste qui malgré ses défauts déjà patents était la preuve que le capitalisme n’était pas le seul modèle d’organisation sociale possible. Elle n’avait pas réussi à assassiner la Révolution Russe dans sa phase ascensionnelle mais même « défigurée » celle-ci lui faisait ombrage, elle entendait bien tordre le cou du régime soviétique qui en était résulté. Elle considérait l’Allemagne comme le chien de guerre qui devait réaliser ce « grand œuvre » de terreur internationale. L’Église Vaticane couvrait l’opération de sa caution « Morale », il s’agissait pour elle de la grande croisade contre « les sans Dieu » et l’occasion, d’une pierre deux coups, faire la peau à l’Église orthodoxe russe. Soixante ou quatre-vingt-dix millions de morts, des contrées entières ravagées, la Shoa par balle, les camps de la mort, l’holocauste des juifs, Le pire, oui cela peut s’appeler le pire. Mais qui n’osera jamais dire que l’espérance populaire mondiale et l’enthousiasme révolutionnaire des masses qu’avait suscité la Révolution Russe ont la moindre parcelle de responsabilité dans cette terrible RÉACTION vengeresse de leurs assassins ?

    1959, les « Guérilleros » prennent le pouvoir à la Havane chassant le dictateur Batista et la pègre américaine. Les opposants, car bien sûr il y en a, des qui profitaient du système, avec l’aide de la CIA tentent un débarquement dans la baie des cochons. Les révolutionnaires les rejettent à la mer. Le nouveau régime « Castriste » s’installe. Mais les USA décrètent un embargo commercial de l’Ile de Cuba qui dure toujours soixante ans après. Alors bien entendu il n’est pas facile de survivre dans ces conditions-là, surtout quand on est une ile. Alors bien entendu le développement économique s’en ressent, créant des difficultés et suscitant des grognes et oppositions et en retour un « raidissement » inévitable du système. La révolution cubain, lutte classique, a-t-elle engendré « le pire ». Allez à Cuba, interrogez ceux qui y vivent. Vous conviendrez vite que ce peuple fier qui résiste depuis si longtemps aux pressions de la réaction internationale, est aussi un peuple gai et heureux malgré les difficultés.

    Les Chiliens n’ont pas fait de révolution. En 1971 ils ont « voté à gauche ». Dans le contexte de l’époque en Amérique latine les choses se présente un peu comme ce fut le cas du « Front populaire » en France en 1936. C’est le résultat du vote et l’accession de Salvador Allende au pouvoir qui déclenchent l’enthousiasme et engendrent la mobilisation populaire. Depuis la révolution Cubaine l’Amérique Latine est sous tension. Les USA redoutent un « effet domino » et décident de « prévenir » l’évènement. L’entreprise américaine internationale ITT ( International telegraph and telephone) est entièrement impliquée dans cette affaire, la diplomatie américaine et la CIA aussi. Le général Pinochet est leur homme. Un coup d’État sanglant a lieu le 11 septembre 1973. Des dizaines de milliers de personnes sont arrêtées, torturées, assassinées. Cette lutte des plus classique qui soit, un simple vote « démocratique » avait-elle aboutit au pire ? Cette issue était-elle de sa responsabilité ? Si on pense cela alors vraiment il ne faut plus rien faire, s’agenouiller et subir en silence. Non ! mais « Le pire » encore une fois, c’est « la réaction » qui souhaite garder le peuple en servitude.

    L’Amérique Latine est en ébullition. La poussée Révolutionnaire se fait sentir partout. Les USA décident d’agir de manière préventive. C'est « l'opération condor » aux termes de laquelle les dictatures impitoyables instaurées au Brésil, en Argentine, en Uruguay au Paraguay en Colombie, etc. collaborent étroitement, avec l’aide de la CIA pour traquer, torturer, assassiner, les opposants et révolutionnaires, partout en Amérique Latine. Des dizaines de milliers de morts de disparus de torturés. Les « escadrons de la mort », la terreur, LE PIRE EN EFFET. Mais qu’elle responsabilité attribuer dans « ce pire » à des révolutions qui n’ont pas même existées.

    Sous la conduite du Parti Sandiniste le peuple Nicaraguayen se débarrasse de Somoza le dictateur délégué des USA. Alors les gardes Somozistes, ouvertement soutenus par les américains et la CIA entament une lutte à mort contre le régime sandiniste et son Président Daniel Ortega. Notre « Philosophe crépusculaire » national, BHL comme on le nomme, baptise « combattants de la liberté » les tortionnaires d’hier, les nervis de l’ancien dictateur alors affidés de la CIA. La révolution Sandiniste avait-elle accouché du pire ? Non ! Mais la réaction somoziste soutenue par le grand Satan oui !

    Nous avions ce que nous appelions le modèle social français résultat de nombreuses luttes historiques. C’étaient « des petits mieux » et non du « pire ». Mais la lutte sociale ne cesse pas lorsque les luttes sont « finies ». Les possédants n’ont de cesse de reprendre ce qu’ils ont été obligés de lâcher sous la contrainte. Et dans cette lutte souvent silencieuse et lente ils ont pour eux, tant qu’ils sont au pouvoir, un allié de marque « LE TEMPS ». Ils n’ont jamais vraiment digéré les conquêtes du « Front Populaire » auquel ils préféraient Hitler, ni bien sûr celles de 1945 (CNR) auxquelles ils durent consentir afin de préserver « l’ESSENTIEL : LE POUVOIR ». A peine les avaient-ils consenties qu’ils rêvaient de les reprendre. Si on laisse faire Macron ils seront en effet parvenus à leurs fins avant 2025. Il leur aura fallu 80 ans mais ils l’auront réalisé. Mais Où est le « Pire » en l’occurrence ? Certes dans cet acharnement obsessionnel des possédants, mais aussi dans le fait que le peuple considère à tort ses conquêtes comme des acquis (« Rien n’est jamais acquis à l’homme ni sa force…. Louis Aragon) et a tendance alors à baisser la garde, à s’endormir sur ses lauriers.

    Le vrai PIRE surtout, en cette affaire ça n’est donc pas que les luttes classiques ne conduisent à rien » ou au « pire » c’est leur insuffisance actuelle, leur carence, voire leur absence, pour défendre les conquêtes du passé et en réaliser de nouvelles.

    Pour en terminer avec les exemples, en voici un plus proche de nous. 1995, Alain Juppé, le jeune premier ministre aux dents longues de Jacques Chirac qui vient d’être élu, initie un plan global de « fiscalisation de la Sécurité Sociale et de liquidation des régimes particuliers de retraites ». Celui-ci le plus naturellement du monde prend le nom de « Plan Juppé ». Les cheminots qui bénéficient d’un régime de retraite favorable sont touchés de plein fouet. Leur réaction est immédiate. Ils se portent à l’avant-garde d’une grève massive dans laquelle les rejoignent d’autres professions : enseignants, santé, aéronautique, etc. Mais les manœuvres dilatoires et trahisons pour tenter de dévoyer la lutte vont se multiplier. Le problème c’est « le plan Juppé » mais la CGT tente, en vain, de focaliser la revendication des cheminots sur « le plan d’entreprise » en cours de négociation. Nicole Nota, Secrétaire Générale de la CFDT se déclare carrément favorable au plan Juppé. Rien n’y fait, la grève prend de l’ampleur, durant plusieurs semaines de multiples manifestations de plusieurs centaines de milliers de personnes ont lieu dans Paris et dans plusieurs autres métropoles. Place de la République le 24 novembre 1995 des militants cheminots CFDT ET CGT expulsent la traitresse Nicole Notat. Pourtant, parvenues à un certain seuil la grève stagne, peine à gagner d’autres professions à sa cause, en particulier dans le privé. C’est que les syndicats verrouillent. A l’évidence c’est la consigne, il ne faut surtout pas que le secteur privé entre dans la valse. Alors en poste au dépôt SNCF de Villeneuve Saint Georges, avec quelques dizaines de mes camarades en grève nous rendons visite un matin à l’usine Renault voisine, de Villeneuve le roi. Nous voulons distribuer un tract d’appel à la grève. Les représentants syndicaux du site tentent de nous refouler, à défaut ils font circuler les employés qui rentrent dans le site en leur faisant signe qu’ils ne doivent pas prendre le tract. Nous aurions dû nous en douter lorsque à l’Assemblée Générale précédente qui décida de cette action il apparut que les représentant CGT de chez-nous refusaient de prendre part à cette initiative. Une chose semblable se produisit sur une échelle plus grande encore à Renault Cléon banlieue de Rouen où intervenait J.P. un camarade à moi. Enfin nos adversaires trouvèrent la faille, la bonne manière de venir à bout de notre détermination. Ils négocièrent en quelque sorte « une paix séparée », le régime de retraite des cheminots ne serait pas concerné par la réforme. Conséquence immédiate : la FGAAC, le syndicat autonome des conducteurs SNCF se retire de la grève. C’est le début de la fin. Les cheminots « se retirent » titre la presse. Ce sont des égoïstes et des corporatistes commente-t-elle. La grève se délite alors. Nous sommes battus. Bien qu’un peu « plombé » le plan Juppé s’appliquera. Nous étions pourtant pleinement conscients de notre rôle de locomotive de l’action sociale. Nous fûmes très près de provoquer une grève générale « contre le plan Juppé ». Mais nous n’étions pas les seuls acteurs de cette histoire. Il y avait face à nous d’autres acteurs, des forces hostiles au nombre desquelles les bureaucraties syndicales.

    Conclusion : la responsabilité toute entière du pire appartient dans la plupart des cas à la brutalité de la réaction internationale. Car oui amis, nous ne sommes pas les seuls acteurs de l’histoire. Les peuples, les couches populaires ne sont pas les seuls acteurs de l’Histoire.

    Et enfin tout de même le mot optimiste de la fin. A l’échelle historique les périodes de grandes mobilisations sociales sont toujours de brefs moments. Elles sont toujours précédées et malheureusement souvent suivies de longues, longues, voire très longues périodes de calme social, de grogne et de morosité, voire de désespoir. Tous ceux dans l’histoire de l’Humanité qui ont eu l’heur de s’enthousiasmer pour l’un de ces moments de « fièvre historique » savent la désespérance qui les a précédés et la déprime qui les a suivis. J’ai connu en 1968 l’un de ces grands moments historiques de liesse populaire. Quelques jours avant nous disions que c’était impossible. Vous croyez que le peuple dort, qu’il est indifférent, exsangue, trop abruti pour réagir ? Le peuple ne dort pas il veille, il n’est pas indifférent il rumine, il n’est pas exsangue il réserve ses forces, il n’est pas abruti il attend son heure. L’explosion viendra, elle sera terrible. Et devant cette « grande lutte classique » toutes les théories « collapsistes » ou « survivalistes », le « mormonisme » et le cagotisme » à la mode aujourd’hui, qui fleurissent sur le prurit de l’angoisse et de l’impatience s’effaceront humblement pour laisser œuvrer le grand forgeron, le vrai inventeur « de l’avenir désirable » dont on rêve : Le peuple en ébullition.


    Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr. Lundi 16 août 2022.
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