Lorsque l’on se fonde sur des préalables faux on a bien sûr toutes les chances d’aboutir à des conclusions erronées. C’est pourquoi il m’a paru utile de tenter en toute humilité de corriger une erreur qui est trop fréquemment faite actuellement.
J’ai ouïe dire ou lu, ici ou là, que les luttes militantes classiques n’ont mené à rien ou même quelques fois conduit au pire. Cela s’expliquerai par le fait qu’elles sont contrôlées par « les pouvoirs », et cette fatalité durerait depuis au moins la Révolution française.
Dans ce premier volet je ne m’appesantirais que sur la première proposition : « les luttes militantes classiques n’ont mené à rien ». Je consacrerais un deuxième volet, dans les jours qui viennent, pour répondre à l’objection : « elles ont quelque fois conduit au pire. » et un troisième à la question de savoir si « les pouvoirs » (lesquels), contrôlent véritablement les luttes ?
Jacques Brel a chanté en effet « Nous avons pris la Bastille mais ça n’a servi à rien. » Jacques Brel était un talentueux poète et n’avait aucune prétention philosophique ni d’analyste politique ou historique. Nous avons pris la Bastille et je l’affirme, et nul ne pourra me contredire sérieusement, ça a servi à quelque chose malgré tout. Comme la Révolution Française toutes les luttes militantes ont eu leur part de résultats.
Les grandes mobilisations ouvrières du début du 20ème siècle ont conduit à la journée de 8 heures et à la semaine de 4O heures. Savent-ils ceux qui disent que les luttes militantes classiques n’ont servi à rien qu’avant cela la journée de travail était de 12 heures et sans repos dominical ni congés payés. Que ces derniers sont la conquête d’une autre grande lutte militante classique « le front populaire de 1936 » ? Savent-ils que la plupart des services public, la sécurité sociale, le système de retraite par répartition que Macron veut nous supprimer, sont aussi les conquêtes d’une lutte militante classique, celle de la Résistance à l’occupation Allemande, via le conseil national de la Résistance ? Allons donc, un peu moins de morgue et plus de sens des réalités. Presque toutes nos libertés fondamentales, celles que nous avons voulu défendre en nous mobilisant contre les menées liberticides de Macron et de la dictature sanitaire, ne sont-elles pas les conquêtes de la Révolution française ? Ce sont par des luttes militantes classiques que les anciens pays coloniaux ont recouvré leur indépendance. Ce sont par des luttes militantes classiques que les suffragettes ont obtenues le droit de vote et les femmes le droit à la contraception et à l’IVG, C’est par des luttes militantes classiques que l’antisémitisme a été jugulé dans notre pays. C’est par des luttes militantes classiques qu’a été défendu le droit à l’éducation pour tous et la laïcité de l’école, C’est par des luttes militantes classiques qu’on été défendu le Larzac ou Notre dame des Landes. Il ne s’agit là que de quelques exemples, j’en passe et des meilleures. La liste en est si longue nous ne pouvons pas toutes les énumérer ici.
Alors je vous en prie un peu d’humilité et de réalisme, gardons-nous de ces généralités langagières qui poussent à l’absurde. Plutôt dire que « les luttes militantes classiques n’ont servi à rien » ce qui est une insulte à ceux qui les ont conduites et souffertes et un mensonge à l’Histoire, mettons chapeau bas et remercions ces dizaines de milliers de militants et ces millions de combattants anonymes auxquels nous devons de vivre dans le contexte social qui est le nôtre. Plutôt que nier leur rôle et la légitimité de leurs combats prenons exemple sur eux. Nous en concevrons une vision moins négative de l’Histoire, et en tirerons plus d’énergie pour nos propres combats.
Le monde où nous vivons, qu’ils nous ont laissé, se dégrade, les conquêtes du passé nous sont reprises, nous en sommes amers et parfois même en colère, les combattants d’hier n’y sont pour rien. S’il faut demander des comptes à quelqu’un c’est aux générations présentes, à leur passivité, à nous-mêmes qui ne sommes pas aptes à nous défendre au présent.
Les luttes militantes classiques, contrairement à ce que « j’entends écrire », ont presque toutes apportés leur lot de résultats positifs. Ce n’est en aucun cas la faute des combattants d’hier si foin de conquérir de nouvelles avancées sociales nous ne sommes pas même foutus de préserver l’héritage des anciens. Ce n’est pas l’inefficacité des luttes militantes classiques qui est en cause mais bien leur carence actuelle. Et ce n’est pas une bonne façon de préparer les luttes indispensables de demain que de discréditer celles d’hier.
Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr ». Vendredi 12 août 2022.