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  • « ADIEU CAMARADE, ADIEU NOBLE CŒUR »* (Mon hommage à Alain Krivine)

    « ADIEU CAMARADE, ADIEU NOBLE CŒUR »*

    (Mon hommage à Alain Krivine)

    Je rentrai de la 34ème manifestation contre le passe et pour le liberté vaccinale, je consulte mon « téléphone à tout faire » : « Alain Krivine leader du Trotskysme en France est mort » C’était un pot ! La tristesse s’est emparée de moi et j’ai les yeux humides encore à l’heure où je vous écris.

    Je connaissais Alain « la cravate » depuis l’automne 1968 où je participais à Paris à une première conférence des « cercles rouges » terreau de la future « Ligue communiste » qui serait bientôt fondée. Délégué au congrès de fondation de Mannheim, puis membre de son comité central jusqu’au 2ème congrès (de Rouen) en 1972, j’ai beaucoup côtoyé alors Alain Krivine.

    M’étant éloigné en 1981 pour désaccord à propos de la politique du gouvernement Mauroy, j’ai toujours gardé des relations amicales avec mes anciens camarades de la LCR, entre-autre, Alain K que je rencontrai quelque fois pour des échanges sur la situation.

    Soucieux des hésitations de la LCR que je croyais percevoir dans son engagement contre cette aventure impérialiste, je le vis ainsi en 1991, à ma demande, lors du déclenchement de la première guerre du Golfe contre l’Irak.

    Mais bon, je ne vais pas m’étendre sur notre relation. Je vais seulement, ce sera ma manière à moi de lui rendre hommage et d’évoquer sa mémoire, vous raconter une petite anecdote croustillante.

    Cela eut lieu en 1969, durant la campagne des élections présidentielles auxquelles Alain fut candidat pour la première fois. Nous avions dans le cadre de celle-ci loué la salle du Cinéma « Le Saint Georges » à Marseille ; où devait se tenir un grand un meeting. Alain, Daniel et Charles* devaient arriver à l’aéroport de Marignane dans un vieux coucou avec pilote qu’avaient loué les responsables de la campagne.

    Mauvais signal, à l’arrivée dans le ciel provençal le pilote eut des difficultés à sortir le train d’atterrissage. L’angoisse gagna les passagers. Alain n’en menait pas large. Enfin le train d’atterrissage sortit et les trois compères touchèrent terre à bon port, non sans quelques frayeurs et retard. Nous avions dépêché à l’aéroport un de nos amis, adhérent de la LC, pour recueillir les trois passagers et les ramener au Saint-Georges. Cet adhérent était marin dans la marchande, souvent parti nous ne le voyions que durant ses périodes de congés entre deux missions. Il possédait une voiture performante dont je n’ai pas retenu la marque. Comme il y avait du retard il s’enquit de revenir vers Marseille avec les trois tribuns attendus, « sur les chapeaux de roues ». Ah oui mais, pas qu’au sens figuré. La voiture dérapa dans un virage, fit deux ou trois tonneaux, s’immobilisa sur le toit dans le champ en contre bas. Plusieurs véhicules s’arrêtèrent et les plus hardis des témoins de l’accident allèrent pour porter secours. Nos camarades empoussiérés mais heureusement indemnes s’extraire du véhicule hors d’usage. Alors que le visage décomposé d’Alain apparaissait dans la demi pénombre un des témoins s’exclama sur le ton de la surprise : « Regardes bobonne ! C’est monsieur Krivine, on l’a vu hier soir à la télé ». Ces braves gens proposèrent d’amener les quatre naufragés de la route au cinéma Saint-Georges de Marseille, sauvant ainsi notre meeting du naufrage.

    La salle était pleine à craquer, nous eûmes un peu de mal à la faire patienter. Les trois orateurs n’eurent pas de pause pour se remettre de leurs émotions après cette arrivée mouvementée. Ça n’en fut pas moins un grand et beau meeting loin du métropolitain. L’ambiance était brûlante du souffle chaud de 68 qui ne s’était pas encore éteint.

    Adieu Alain ! « Adieu camarade »

    Je m’incline devant ce personnage, cet homme humble et sincère, cette personnalité politique intègre, qui n’a jamais cherché à profiter du système, qui est resté toute sa vie fidèle à ses idées et à ses engagements. Il y en a peu comme ça dans cette époque de corruption généralisée où tout s’achète.

    Votre « Victor »



    Alias Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr » Samedi 12 mars 2022.

    * Premier vers du "Chant des Martyrs" de la Révolution Russe. Que nous chantâmes à 10 000 voix au moins (carré de la LCR), lors des obsèques de Pierre Overney, qu'accompagnait au "Père Lachaise" un cortège de 200 000 personnes, le samedi 4 mars 1972,

    * Alain Krivine, Daniel Bensaïd, Charles Michaloux.
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