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  • 1er MAI QUI DECHANTE ET 1er MAI QUI CHANTE

    1er MAI QUI DECHANTE ET 1er MAI QUI CHANTE


    J’ai commencé à travailler à 15 ans et cette année-là même je me syndiquais pour la première fois à la CGT. La bourse du travail à Aix en Provence, siège de l’Union locale était (est toujours) un petit vieil immeuble situé en haut du cours Sextius non loin des anciens thermes. J’ai « bénévolé » un temps à nettoyer et ranger les caves. Je trouvais des brochures anciennes qui sentaient l’odeur âcre du papier humide. Ce fut ma véritable première rencontre avec la littérature syndicale et politique, avec les luttes sociales du passé, avec les fantômes de nos pères et grands-pères qui avaient été les acteurs du mouvement ouvrier moderne. Dès ce temps je ne ratai aucune manifestation du premier mai dont je connaissais déjà un peu l’Histoire tragique et don la symbolique me parlait si fort.

    Pendant 35 ans au moins je n’ai jamais était absent à une manifestation du premier mai, et il y eut même quelques années où j’en fis deux, en un temps ou le courant politique dans lequel je m’étais engagé faisait ce jour-là sa propre manifestation, non en opposition ni concurrence à celle des syndicats, mais complémentaire en quelque sorte. Pour exprimer plus de jeunesse et de combativité.

    Puis vînt un temps des mornes premier Mai de division et de désertion. Des manifestations appesanties, des traines savates, des revendications tellement amorties et dénaturées par la pseudo « gauche politique » qu’elles n’avaient plus aucune attractivité. Ils étaient trop mous, trop tristes ces premiers mai là, et j’avoue «qu’à mon corps défendant » j’ai choisi quelques fois de ne pas voir pour ne pas trop souffrir. Je ne pouvais supporter une telle déliquescence de ce qui aurait dû être une journée de lutte joyeuse et ardente.

    Je n’avais pourtant pas tout vu. Voilà venu le 1er Mai 2020, le plus triste de mon existence militante. Je n’aurais pas même cette fois l’heur de choisir de manifester ou pas. Il n’y aura pas de manifestation, pas de premier MAI. Le « Corona virus » a tué la journée internationale de lutte des travailleurs.

    Le 17 novembre 2018 se levait le mouvement des « Gilets-Jaunes ». A l’approche du premier mai 2019 nous militâmes ardemment pour un « Ier Mai de convergence des luttes ». Dans les mois qui suivirent un début de convergence se manifesta dans les luttes et manifestations contre la réforme des retraites. La France sociale bouillonnait toutes catégories confondues et même la tortue des centurions parlementaire de la « majorité » commençait à se déliter.

    C’est alors, « semblant crever le ciel, qu’a surgit l’aigle noir ». La pandémie de Corona virus est survenue comme une aubaine, pour un pouvoir discrédité. C’est elle qui a redonné la main à un président honni et l’a autorisé à jouer à nouveau « au chef de la Nation ». Lui dont plus personne ne voulait entendre la parole fielleuse ni voir la mine méprisante.

    Une chape de plomb c’est abattue sur le pays. Un froid glacial c’est emparé des consciences. Plus rien ne bouge sans être sollicité, la vie sociale c’est figé, pétrifié, « l’autre » à défaut d’être l’ennemi est déjà l’étranger par où vient le danger. On ne s’embrasse plus, on ne se congratule plus, on se regarde avec suspicion, à distance, en chien de faïence. Il y a toujours sur terre des êtres humains hagards. Mais l’humanité n’est plus, elle a été suspendue.

    Aubaine ! Oui, je l’ai déjà écrit précédemment, cette calamité des hommes, comme les guerres et les grandes crises, est une aubaine pour les banquiers et les grands maitres d’industries, et bien sûr pour les gouvernements qui les servent. Des milliers d’entreprises vont mourir, de dizaines de milliers de chômeurs supplémentaire vont se presser sur les listes de « demandeurs d’emploi », des dizaines de milliers de personnes vont-être précipitées dans l’extrême pauvreté, « les maitres » vont jouer le refrain de « l’Union Nationale » en haut, et de l’effort national pour le peuple d’en bas, appelé à faire des sacrifices pour « relever le pays ». Ce sont des périodes propices à l’accélération de la concentration du capital, tout en haut, dans quelques mains de moins en moins nombreuses.

    Triste 1er mai !

    A la fin des années 80 le tocsin de l’Histoire sonna l’effondrement « du bloc soviétique ». Mais c’était plus que cela. L’espérance même des peuples en un avenir meilleur fut éteinte. Les tenants et apologistes du système capitaliste se pavanaient en saluant leur victoire totale sur le modèle « collectiviste ». C’était la fin de l’Histoire ? Non, en vérité c’était plutôt un recommencement. Sitôt débarrassé de l’Hypothèque socialiste l’impérialisme capitaliste renoua avec ses vieux démons, ses valeurs fondamentales d’agressivité, déclenchant (1991) la guerre contre l’Irak, (qui en contenait de nombreuses autres en germe) véritable manifeste de ses intentions de domination planétaire.

    Trente années ne se sont pas écoulées que déjà l’incurie de ce monde dont ils prétendaient faire le fondement de « du nouvel ordre mondial » éclate au grand jour. Le « Covid 19 est certes une calamité. Le capitalisme ultra-libéral en est une, bien plus grande encore. La « rentabilité » capitaliste haussé au niveau de valeur fondamentale du monde, la marchandisation de la santé. « Sacrifier une dame de 84 ans souffrant d’insuffisance cardiaque pour sauver un homme de 45 ans », c’est « Mengele », c’est le fascisme à fleur de peau d’une société moribonde, c’est la barbarie qui s’empare déjà de nous et de nos consciences.

    L’Ultra-libéralisme c’est la barbarie.

    Ne perdons pas courage « l’an qui vient est meilleur ». Ne l’appelle-t-on pas « la roue » de l’l’Histoire ? Elle tourne. Et le temps viendra juste après des pires colères et des révoltes. Le « Covid 19 » a tué la journée internationale de lutte des travailleurs ? Comme Lazare elle ressuscitera, comme le Phénix elle rejaillira plus belle encore. Ils nous volent le premier mai 2020 ? Celui de 2021 n’en sera que plus grand et plus beau et plus terrible. Dans cet avenir si proche nous attends une nouvelle République populaire et vraiment démocratique que nous allons faire tous ensemble.


    Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr ». Jeudi 30 avril 2020.
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