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  • DOSSIER : INTERVENTION MILITAIRE TURQUE EN SYRIE

    DOSSIER : INTERVENTION MILITAIRE TURQUE EN SYRIE

    J’ai lu hier, sur l’édition française du site russe « Sputnik-news » une interview de Bassam Tahhan que je vous livre ci-dessous. J’ai souligné en rouge les parties les plus significatives de celui-ci qui me donnent l’occasion de renouveler ce que j’avais appelé le 7 avril 2018 « l’étonnante perspicacité de « lavoiedessansvoix ». Je reproduis à la suite de cette interview la totalité du dossier que j’ai déjà publié. J’ai souligné de même, en rouge, dans nos articles les passages dont les similitudes, à presque 2 ans d’intervalle, avec le propos de Bassam Tahhan ne manqueront pas de vous surprendre.

    « Tahhan: «Nous assistons à la victoire finale d’Assad et ses alliés contre la France et ses alliés»

    © Sputnik . Mikhaïl Voskressenski 17:25 15.10.2019(mis à jour 18:10 15.10.2019) Par Fabien Buzzenca.

    La pression s’intensifie sur la Turquie concernant l’offensive lancée le 9 octobre dans le nord-est de la Syrie. Donald Trump souhaite la fin de l’opération et a pris des sanctions contre des responsables turcs. La Turquie ne lâche rien. Pour quelles conséquences diplomatiques? Quid de la France? Bassam Tahhan nous livre son analyse.

    «Les États-Unis veulent que la Turquie mette fin à l’invasion, mette en œuvre un cessez-le-feu immédiat et commence à négocier avec les forces kurdes en Syrie.»

    Le vice-président américain Mike Pence durcit le ton. À l’instar de son Président Donald Trump qui a annoncé le 14 octobre une série de sanctions visant la Turquie. Ankara a lancé le 9 octobre l’opérationSource de paix en investissant le nord-est de la Syrie. De violents affrontements font depuis rage entre forces turques et la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), un groupe relié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme une organisation terroriste par Ankara.

    L’offensive est largement condamnée par l’Occident, Europe et États-Unis en tête. C’est pourtant l’annonce du retrait des troupes américaines qui aidaient les Kurdes qui l’a permise. Depuis, les Kurdes n’ont eu d’autre choix que de demander le soutien de l’Armée arabe syrienne de Bachar el-Assad

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    Critiqué par une partie de la communauté internationale et le parti démocrate américain pour sa décision, Donald Trump ne lâche rien. Le 14octobre, il a dégainé son clavier pour justifier son choix par le biais de Twitter, son réseau social favori:

    «Après avoir vaincu 100% du califat de l’État islamique, j’ai largement retiré nos troupes de Syrie. Laissons la Syrie et Assad protéger les Kurdes et se battre contre la Turquie pour leurs propres terres. J’ai dit à mes généraux: “Pourquoi devrions-nous nous battre pour la Syrie et Assad afin de protéger la terre de nos ennemis?” Qui veut aider la Syrie afin de protéger les Kurdes est ok avec moi, qu’il s’agisse de la Russie, de la Chine ou de Napoléon Bonaparte. J’espère qu’ils feront du bon travail, nous, nous sommes à 11.000 kilomètres!»

    C’est donc par voie diplomatique que les États-Unis comptent intervenir. Mike Pence a assuré que le locataire de la Maison-Blanche s’était montré «très ferme» avec son homologue turc lors d’une conversation téléphonique. Échange lors duquel Recep Tayyip Erdogan a assuré qu’il n’y aurait «aucune attaque» contre la ville de Kobané, fief kurde.

    Des sanctions américaines ont été signées par le Président américain le 14 octobre. Elles visent notamment les ministres turcs de l’Énergie, de la Défense et de l’Intérieur. Leurs éventuels avoirs aux États-Unis sont gelés et leurs transactions internationales en dollars sont bloquées.

    D’après les autorités kurdes, l’offensive turque a déjà provoqué la fuite d’environ 800 proches de djihadistes étrangers de Daech*, qui étaient retenus dans un camp géré par la milice YPG. Mark Esper, chef du Pentagone, a assuré que l’opération turque avait entraîné la libération de nombreux détenus «dangereux» de Daech. «Cette incursion inacceptable a sapé la mission internationale anti-État Islamique*, couronnée de succès en Syrie», a-t-il déclaré.

    Reste qu’Ankara ne compte pas plier. Le 14 octobre, sur les ondes de RMC, l’ambassadeur de Turquie en France assurait que son pays irait jusqu’au bout. «La Turquie cessera l’offensive en Syrie quand l’objectif sera atteint», a-t-il averti. Officiellement, Ankara souhaite mettre en place une zone tampon de 32 km de large en territoire syrien afin de protéger sa frontière des YPG. «Pour nous, Daech* égale YPG, égale PKK. Nous ne faisons pas de distinction», a martelé l’ambassadeur de Turquie en France.

    Cette situation complexe pourrait avoir de grandes répercussions au niveau international. Bassam Tahhan, politologue et spécialiste du Moyen-Orient, qui a notamment été directeur du séminaire de géopolitique de l’Islam dans le monde à l’École de Guerre, livre son analyse à Sputnik France. Entretien.

    Sputnik France: Les États-Unis, après avoir annoncé leur retrait, jouent la carte de la pression diplomatique. Mais la Turquie ne semble pas vouloir céder. Pourrait-on assister à une escalade entre Ankara et Washington?

    Bassam Tahhan: «C’est possible. Mais Erdogan a déjà perdu à tous les niveaux. Tout d’abord, sur la question légale, l’accord d’Adana signé en 1998 entre la Turquie et la Syrie de Hafez el-Assad autorisait Ankara à intervenir jusqu’à 5 km à l’intérieur du territoire syrien. Or, aujourd’hui, la Turquie veut aller jusqu’à plus de 30 km. Recep Tayyip Erdogan est dans l’illégalité. Deuxièmement, les exécutions sommaires de civils kurdes qui ont lieu ne donnent pas raison à Erdogan, qui se retrouve avec tout le monde occidental sur le dos. Enfin, la Turquie, en plus de son armée, utilise des islamistes. Les soi-disant groupes rebelles soutenus par Ankara dans la région sont islamistes et nous le savons depuis longtemps. Ces groupes ont attaqué à plusieurs reprises les Kurdes à Minbej et ailleurs au cri d’Allah Akbar. Pas vraiment l’attitude de laïcs…»

    Sputnik France: Est-ce que les États-Unis peuvent réellement nuire à la Turquie au niveau économique en décrétant davantage de sanctions?

    Bassam Tahhan: «Il est fort possible que les répercussions économiques soient très négatives pour la Turquie. Mais il ne faut pas oublier qu’Ankara est soutenu par le Qatar et la banque mondiale des Frères musulmans. D’ailleurs, cela ne m’étonnerait absolument pas que la livre turque se soit redressée, malgré un tel contexte, grâce à une intervention de Doha sur le marché des changes.»

    Sputnik France: Comment expliquez-vous l’attitude des Américains?

    Bassam Tahhan: «Les Américains ont perdu cette guerre et ils en sont conscients. Ils essaient dorénavant de maintenir comme ils peuvent Erdogan dans le giron de l’Otan et ainsi l’éloigner de Poutine et des Russes. Mais l’essentiel est ailleurs. L’offensive turque contre les Kurdes signe la victoire finale d’Assad et de ses alliés contre la France et ses alliés.»

    Sputnik France: La France?

    Bassam Tahhan: «Je dis la France et non pas les États-Unis pour une bonne raison. Ces derniers se sont retirés et le projettent depuis longtemps. Cela fait un moment que Trump a compris qu’il n’avait plus rien à faire en Syrie. Pourquoi la France y est-elle restée? C’est une grave erreur. Il est urgent d’évacuer nos troupes. Dorénavant, la défaite pour Paris est totale. Et tout remonte à l’époque de Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Ce couple avait pour objectif de renverser Assad et de détruire la Syrie. Ils ont été suivis par François Hollande, qui a fait encore mieux. Il a reconnu une opposition illégitime contre un pays souverain qui est la Syrie. La responsabilité de la France est très lourde dans ce dossier. La gravité de la défaite française en Syrie est à la mesure de la médiocrité de sa politique étrangère. Ajoutons à cela que, très vite, il s’est avéré que l’opposition syrienne était gangrénée par les islamistes et de fait, la plupart des responsables français avaient des concordances de points de vue avec les Turcs durant les longues années de ce conflit.»

    Sputnik France: L’Europe semble impuissante…

    Bassam Tahhan: «Il faut tirer les leçons de ses erreurs. L’Europe et ses dirigeants ont joué un rôle important dans cette affaire. Emmanuel Macron a, dès le début de son mandat, commis une erreur. Alors qu’il n’était pas contre reconnaître la légitimité de Bachar el-Assad, il a fait marche arrière. Pourquoi? Car il a hérité de nombreux conseillers qui officiaient du temps de Hollande, en premier lieu desquels figure le chef de la diplomatie, Jean-Yves Le Drian. Or ces gens-là n’ont rien compris au problème syrien et, par orgueil, ont fait changer Macron d’avis. Au final, nous assistons à la victoire d’Assad qui va récupérer ses territoires grâce à l’erreur d’Erdogan. Peut-être poussée par la Russie…»

    Sputnik France: C’est-à-dire?

    Bassam Tahhan: «à mon avis, c’est un coup de maître de la part de Poutine, Assad et leurs alliés. La Russie a bien compris qu’afin de déloger les Américains et les Européens de l’Est de l’Euphrate, elle ne pouvait compter sur la seule armée arabe syrienne pour croiser le fer avec ces troupes étrangères qui occupent illégalement le sol syrien. Au contraire de la Turquie qui a, de plus, la légitimité à intervenir selon les accords d’Adana, s’ils ne dépassent pas les 5 km réglementaires évoqués précédemment. Vladimir Poutine connaît extrêmement bien le dossier syrien. Il a donc donné son blanc-seing à l’intervention turque, tout en sachant qu’à un moment donné, il allait pouvoir tirer son épingle du jeu en convainquant Erdogan de reculer. Dans le même temps, Damas finirait par reprendre une bonne partie de la frontière avec la Turquie et, pour le moment, l’Est de l’Euphrate. Le projet de faire éclater la Syrie et de ne pas respecter son territoire souverain ne verra pas le jour.»

    Sputnik France: La décision de Trump de retirer ses troupes ne sonne-t-elle pas, au moins pour un temps, la fin de l’impérialisme américain dans la région?

    Bassam Tahhan: «Dans la région, non. Dans le dossier syrien, sûrement. D’ailleurs, il faut remarquer avec quel dédain Trump a envoyé balader les Européens en disant qu’il ne s’opposerait pas à une intervention russe, chinoise ou de Napoléon Bonaparte pour défendre les Kurdes. Par contre, si la Syrie n’intéresse plus Trump depuis longtemps, ce n’est pas le cas des pays du Golfe, là où il y a l’argent. Et c’est là que l’on voit très bien que Poutine a compris comment fonctionnait Trump et ce qu’il avait dans la tête. Le 14 octobre, le Président russe était en Arabie saoudite et le lendemain aux Émirats arabes unis. C’est un message directement envoyé à Trump: “Ne pensez pas que c’est parce que l’on défend la Syrie que l’on va vous laisser les coudées franches dans les pays du Golfe”. Vladimir Poutine est bien décidé à signer pour des milliards de dollars de contrats et, pourquoi pas, vendredes systèmes de missiles S-400 à Riyad comme il l’a déjà fait avec la Turquie. Il damerait ainsi le pion aux Américains et aux Européens.»

    FAUT-IL SOUTENIR LES KURDES ?

    De braves gens de chez nous, portés par leur horreur de la guerre et leur compassion pour ses victimes s’indignent de l’intervention Turque et se déclarent solidaires des Kurdes. Mais ont-ils tout à fait raison ? Au-delà des secours sanitaires et de l’aide humanitaire que l'on ne saurait refuser à toute population impactée par une guerre, ce n’est pas certain. Il faut se garder d’être trop simpliste. La situation du Moyen-Orient est-elle infiniment complexe, et le contexte actuel de la politique internationale trop tendu pour s’autoriser une approche « niaise » des situations. Un passage de l’un des articles publiés dans le dossier ci-dessous ("QUE DIRE DE L'INTERVENTION TURQUE EN SYRIE" 28 janvier 2018), est de nature à faire réfléchir les moins bien disposés.

    « Condamner l’intervention Turque ? Mais ne serait-ce pas admettre que par une voie où une autre l’impérialisme américain est justifié à atteindre ses objectifs et que le monde n’a d’autre option que de s’y soumettre. Est-il écrit quelque part que de façon ou d’autre les USA doivent toujours avoir raison ? Comment pourrait-on de manière cohérente s’inscrire en faux contre l’interventionnisme US qui vise à balkaniser le Moyen-Orient, et sous prétexte de solidarité avec la revendication nationale Kurde, admettre que la défense de celle-ci produise les mêmes effets au profit des mêmes acteurs ? » Nous avions écrit cela le 28 janvier 2018 dans l’article réédité ci-après « que dire de l’intervention Turque en Syrie ? »

    DOSSIER SYRIEN :
    Encore une fois sur l’étonnante perspicacité de « LA VOIE DES SANS VOIX ».

    Un sommet tripartite, Poutine, Erdogan, Rohani (Russie, Turquie, Iran) s’est tenu le mercredi 4 avril à Ankara. Un article paru ce jour dans « Sputniknews » en fait la relation. C’est avec une grande satisfaction que nous en avons pris connaissance. Or, notre satisfaction est d’autant plus grande qu’elle est de deux ordres

    1 – D’ordre général et strictement politique. Nous sommes satisfaits tout d’abord, pour le sort de la Syrie que cela sous-tend, et les perspectives pour la suite du conflit au Moyen-Orient, que cela annonce. La Russie, la Turquie et l’Iran sont convenus de s’opposer ensemble aux desseins de partition de la Syrie qui animent l’ingérence occidentale. La suite de l’intervention Turque pour réduire la revendication kurde conduit inévitablement à une confrontation Turco-américaine. La Turquie, qui à cette occasion a pu clarifier sa position concernant le respect de l’intégrité territoriale de la Syrie et de son régime légal, a obtenue l’aval et le soutien de la Russie et de l’Iran pour la suite de son opération.

    2 - D’ordre plus personnel. Pour l’auteur certes mais surtout pour la crédibilité du website que j’anime, lequel administre ainsi la preuve de son « sérieux » et de l’intérêt qu’il convient de lui accorder. Le sommet d’Ankara, ses attendus et les perspectives qu’il ouvre, confirme la totalité des analyses et prospectives sur la question du conflit en Syrie faites ou émises par nous dans les pages de « lavoiedessansvoix.fr »

    Nous rééditons, en annexes sur la présente page les articles suivants : « DE LA BONNE GESTION DE LA QUESTION KURDE. » (21 février 2018). « QUE DIRE DE L’INTERVENTION TURQUE EN SYRIE » (28 janvier 2018) « LE CHEMIN DE RAQQA » (8 juin 2016) « LE JUGEMENT DE SALOMON » (25 Avril 2016) « LE JOKER KURDE D’OBAMA » (23 mars 2016). Leur relecture à la lumière du présent ne manquera pas de vous surprendre par la clarté de la vision dont ils témoignent.

    Dans l’imbroglio Moyen-Oriental où la plupart des analystes se perdent en conjectures contradictoires ou inutiles ou se laissent égarer soit par la propagande occidentale soit par l’esprit partisan, La voie des sans voix » a su elle depuis 3 ans (pour ne pas aller plus en arrière) démêler le vrai du faux et comprendre les véritables ressorts des implications de chacun, ébaucher même des solutions et des perspectives. Nos lecteurs nous en sauront gré et contribueront à recommander à d’autres toujours plus nombreux la lecture assidue de nos pages.

    Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr ». Samedi 7 avril 2018.

    ANNEXES :

    DE LA BONNE GESTION DE LA QUESTION KURDE.

    Je viens de lire sur « sputniknews » la relation des déclarations de Monsieur Lavrov, ministre russe des affaires étrangères, lors d’une conférence de presse tenue avec son homologue Pakistanais.

    « La Russie est convaincue que les intérêts sécuritaires de la Turquie peuvent être pleinement garantis par un dialogue avec le gouvernement syrien, a-t-il dit, appelant ainsi à s’opposer aux tentatives de promotion du problème kurde, visant à approfondir le chaos dans la région. »

    Ce propos dans lequel nous trouvons une confirmation de notre analyse depuis presque deux ans (voir notre dernier article sur le sujet : « QUE DIRE DE L’INTERVENTION TURKE EN SYRIE ? » 28 janvier 2018. »), Résume fort bien et en peu de mots la situation.

    Les USA animent la question kurde afin de provoquer la sécession et l’éclatement de plusieurs Etats de la région (Turquie, Syrie, Iran et Irak), poursuivant leur objectif de « balkanisation » du Moyen-Orient, afin de promouvoir « leur poucet Israël » comme seule puissance régionale.

    L’intérêt bien compris de la Turquie, et réciproquement celui de la Syrie, n’est donc pas de se faire la guerre, auquel cas les USA et leurs alliés Kurdes indépendantistes ne manqueraient pas de « tirer les marrons du feu » du grand « foutoir » qui en résulterait. L’intérêt c’est de s’entendre au contraire, avec l’Iran et l’Irak aussi afin de résister au mieux à cette tentative de partition. L’interface d’une telle approche bien entendu doit passer par une politique d’intégration négociée de la question kurde dans le respect de l’intégrité territoriale des entités nationales existantes.

    Il est encore possible de résoudre le problème dans ce sens, pacifiquement. La Turquie, plutôt que de s’opposer à l’entrée de l’armée syrienne à Afrine doit la négocier. La Turquie n’a pas de prétentions territoriales en Syrie, elle aspire, elle l’a dit, à la restauration de l’intégrité territoriale de la Syrie. Elle doit donc s’engager à cesser son offensive sur Afrine en échange de l’entrée de l’armée syrienne et du rétablissement de l’autorité de l’État légal syrien sur cette province. Les milices kurdes devant être démembrées ou intégrées à l’armée Syrienne légale.

    Le danger pour la Turquie, et les autres États impactés par cette question, est l’éventuelle montée en puissance de la revendication nationale indépendantiste kurde. En se plaçant sous la protection de l’armée syrienne et en reconnaissant l’autorité de l’État syrien, les kurdes d’Afrine renonceraient de fait à cette revendication et ne constitueraient plus une menace pour l’intégrité des États de la région. Justifiant le retrait honorable de l’armée turque sur son territoire.

    Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr ». Mercredi 21 février 2018.

    QUE DIRE DE L’INTERVENTION TURQUE EN SYRIE

    Voilà donc que la Turquie a lancé une importante opération militaire en territoire syrien. Cela fait bien longtemps qu'elle rêvait d’une telle incursion. En 2016 déjà l’hypothèse d’une intervention associée « arabo-turque » avait été envisagée. Il se serait agi en ce cas d’une immixtion de la Turquie dans le conflit syrien aux côtés de ses alliés d’alors saoudiens et américains. Or l’intervention actuelle est tout autre. Visant les milices kurdes alliées des américains elle témoigne du renversement de facto des alliances qui se sont produites dans cet intervalle de temps. Ce renversement d’alliance ressort d’une évolution radicale de la perception Turque du conflit régional consécutive aux errements de la politique américaine.

    Nous avons affirmé de tous temps, et les faits nous ont donné raison, que, ni l’intervention russe, ni la consolidation du régime légal syrien, ni la défaite de Daesh, ne changeaient rien au fond à la politique syrienne de l’administration américaine (et de son indéfectible allié français) qui poursuit toujours les mêmes buts seulement par d’autres voies et moyens. Le cartel occidental était certes bien obligé d’intégrer à ses plans « la nouvelle donne » induite par l’intervention russe, mais … « « Intégrer (la nouvelle donne) ne veut pas dire renoncer à leurs desseins, » écrivions-nous le 23 avril 2016 « « Le jugement de Salomon » (Syrie). Cela signifie seulement « adapter à la nouvelle situation les moyens de parvenir aux mêmes buts.

    Or, « Le but politique général poursuivit, par-delà le fait de se débarrasser des régimes honnis (laïque BAAS iraquien, Jamahiriya libyenne, laïque BAAS syrien, Islamique Chiite Iranien) est la « balkanisation » du Moyen-Orient arabe. Redessiner 3, 4, ou davantage d’Etats ethniques ou religieux, (Kurde, Chiite, Alaouites, chrétiens, sunnites, etc.) dans chacune des nations héritée du partage, en 1916, entre brigands impérialistes, de la dépouille de l’Empire Ottoman.

    Nous précisions « Poursuivre le même combat par d’autres voies et moyens » Ne peut-il s’agir aussi « de la proclamation d’un état Kurde qui ferait exploser la Syrie et l’Irak, et impacterait la Turquie et l’Iran. Celle-ci serait de nature à bouleverser la disposition des forces voire à renverser un certain nombre d’alliances ou d’inimités régionales. » « On le voit, une intense activité diplomatique se déploie autour de la question Kurde qui pourrait bien être le « Joker » avec lequel les USA tenteraient de transformer en victoire la débâcle de leur politique moyen-orientale. » (Le joker Kurde d’Obama 23 mars 2016)

    C’est donc bien ce qui s’est produit. Et l’intervention Turque d’à présent n’est que la réplique induite et inévitable à cette politique.

    Condamner l’intervention Turque ? Mais ne serait-ce pas admettre que par une voie où une autre l’impérialisme américain est justifié à atteindre ses objectifs et que le monde n’a d’autre option que de s’y soumettre. Est-il écrit quelque part que de façon ou d’autre les USA doivent toujours avoir raison ? Comment pourrait-on de manière cohérente s’inscrire en faux contre l’interventionnisme US qui vise à balkaniser le Moyen-Orient, et sous prétexte de solidarité avec la revendication nationale Kurde, admettre que la défense de celle-ci produise les mêmes effets au profit des mêmes acteurs ?

    Nous ne sommes pas indifférents aux revendications nationales Kurdes. Nous avions même un faible pour celles portées par le PKK (Parti communiste du Kurdistan) en cela précisément qu’elles étaient anticapitalistes et anti impérialistes. Mais comment ne pas voir qu’en s’enrôlant dans l’alliance occidentale les nationalistes Kurdes se font l’instrument de la politique impérialiste des USA ? Le PKK a-t-il véritablement suivit cette trajectoire ? Si c’est le cas c’est une faute rédhibitoire et impardonnable qu’il payera sans nul doute au prix du sang comme d’autres partis communistes ( Chinois ou Indonésiens ) avant lui payèrent leurs alliances contre nature.

    Erdogan attaque les Kurdes ? Certes, il entend détruire la nouvelle armée mercenaire recrutée par les USA pour poursuivre par d’autres voies les buts qu’ils n’ont pas réussi à atteindre en enrôlant précédemment les milices radicales islamistes.

    Or, il y a des gens chez nous, assez naïfs pour les uns, assez barbares pour les autres, qui s’émeuvent sincèrement ou pleurent des larmes de crocodiles sur ces « pauvres Kurdes qui ont mené pour nous (occidentaux) et au premier rang la guerre contre Daesh et qu’on laisse seuls aux prises avec l’armée turque. Des imbéciles ou des irresponsables qui voudraient que l’on vole au secours de ceux-ci fusse au prix d’un conflit ouvert des USA avec la Turquie. Des qui militent en vrai, les salauds, pour une extension de l’horrible guerre régionale qui à leur sens, n’a semble-t-il pas encore assez faits de victimes et de dégâts.

    Un conflit ouvert entre Turcs et Américains, entre « OTAN et OTAN » ? A priori les USA doivent se garder d’une telle dérive. Non parce qu’elle ferait rentrer la Turquie de plain-pied dans la guerre régionale, mais parce qu’elle est lourde de conséquences désastreuses pour eux-mêmes et pour l’OTAN. Imaginez, les USA forcés de déménager la base d’Incirlik qui est essentielle à leur présence militaire sur le théâtre d’opération moyen-oriental. L’OTAN qui en perdant la Turquie perdrait du même coup le contrôle des détroits (Dardanelles et Bosphore) qui ouvrent la mer noire vers la Méditerranée, ruinant en cela tous les efforts entrepris dans sa politique ukrainienne, pour le contrôle de celle-ci. Mais la politique moyen-orientale des USA est à la dérive. Elle a subi en Syrie avec ses alliées les milices islamistes radicales, plus qu’une défaite, une véritable débâcle. La carte Kurde tirée par Obama et que Trump veut jouer à présent, est celle de la panique et de la fuite en avant. La politique arabe des USA nage à présent dans des eaux plus troubles que jamais, aux limites du rationnel. Où peut conduire pareille dérive ? Nul ne peut le prédire, et si l’intérêt bien compris des USA est de faire le dos rond face à Erdogan, nul ne peut affirmer qu’ils s’en tiendront à cela.

    La Turquie a pris l’initiative d’une intervention anti Kurde. La tache lui en incombait naturellement. Et quoique en disent les uns et les autres elle fait l’affaire de toute l’alliance régionale (Russie, Iran, Syrie, Irak) Aucun de ces pays ne pouvait prendre une telle initiative, sans s’exposer aux foudres des USA et leur fournir prétexte à une intervention massive directe soutenue par Israël militant de la cause nationaliste kurde. Or tous ont un intérêt bien senti à rappeler les kurdes aux réalités. L’Iran, l’Irak et la Syrie, parce que comme la Turquie ils seraient directement impactés par la montée en puissance de la sécession kurde, La Russie parce que l’éclatement des Etats actuel consacrerait la victoire à l »arrachée des USA et la défaite de son principe de défense des frontières existantes.

    La Syrie entend à juste titre recouvrer totalement son intégrité territoriale. Il lui était difficile, à plusieurs titres d’entreprendre la réduction des zones kurdes sous protection américaine. C’eut été fournir à l’oncle Sam l’occasion de la frapper cruellement. C’est donc le nouvel allié régional turc qui profitant de ses spécificités, partage des compétences, s’est chargée de cette tâche délicate et infiniment dangereuse. La Turquie n’a pas dans cette affaire de prétentions territoriales. Écarter le danger d’une sécession kurde telle est sa préoccupation et en cela elle est l’alliée indéfectible de l’Irak, de l’Iran, et de la Syrie. C’est pourquoi elle restituera à l’État syrien les territoires repris aux kurdo-américains. Tel est son intérêt bien compris.

    Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr ». Dimanche 28 janvier 2018.

    LE CHEMIN DE RAQQA

    J’avais titré l’article ci-dessous : SYRIE : LA PARTITION EN MARCHE. J’ai appris hier soir le déclenchement d’une offensive de l’armée syrienne, soutenue par l’aviation russe, par le sud de la province de Raqqa. Voilà pourquoi j’ai changé le titre initial de » cet article.

    SYRIE : LE DANGER DE LA PARTITION

    Nous avons expliqué en son temps les décisions des USA et de la France, de Frapper Daesh en Syrie, par la volonté occidentale de ne pas laisser le champ libre à la reconquête de son territoire par le régime légal Syrien et ses alliés russes. La problématique des occidentaux disions-nous était : comment déloger Daesh des territoires syriens sous son contrôle sans que ceux-ci retombent dans l’escarcelle de « Bachar Al Assad ». Et nous ajoutions que cette problématique conduisait nécessairement à l’implication directe des occidentaux et une logique « partitionniste »

    .

    Cette arrière-pensée de la diplomatie US nous l’avons décelé il y a plusieurs mois déjà et en avons fait état dans nos articles successifs : « Non, la politique syrienne de la France n’a pas changé »(20 novembre 2015),« La réponse occidentale du berger à la bergère » (12 février 2016) « Kerry jette le masque » (20 février 2016) « John Kerry ou la mauvaise foi criminelle » (21 février 2016), « Trêve en Syrie. Les intentions cachées de la diplomatie US » (27 février 2016) « Le joker Kurde d’Obama » (23 mars 2016)

    Or, ce que l’on avait pu jusque-là définir comme « une arrière-pensée » est clairement apparue sous la forme d’une quasi-revendication lorsque John Kerry a proposé d’établir une « ligne de démarcation entre des zones russes et américaines », dont nous rendîmes compte également dans notre article du 23 avril « le jugement de Salomon ».

    « Nous avons proposé, (disait John Kerry au NewYork times) de tracer une ligne, une ligne absolue, et de dire: vous ne la franchissez pas et nous non plus », « Selon lui, les autorités russes sont en train d’étudier cette proposition. » (« infosmaintenant – Site de réinformation).

    Nous nous étions gardés alors, pour rendre compte dans le même article de ce que pourrait-être vraiment la réponse de la Russie, de paraitre trop affirmatif et avions opté pour une forme interrogative empreinte d’inquiétude.

    « La Russie s’est honorée jusqu’ici en s’en tenant à une ligne de conduite, celle du respect des frontières et de la souveraineté des États, qui a contribué à accroitre son « aura » internationale, Nous ne pouvons croire qu’elle accepterait tout à coup de se départir de cette conduite pour se livrer à des tripatouillages dignes des pires heures de l’Histoire coloniale. Il nous parait exclue que la Russie puisse accepter de discuter dans le dos des États existants et de leurs gouvernements légaux d’un partage de Brigands digne des accords secrets Sykes-Picot que la toute jeune révolution russe s’était fait un honneur de révéler au monde ? »

    Notre inquiétude n’avait cessé de croitre depuis car les nouvelles se succédaient qui semblaient indiquer qu’à défaut « d’un deal » avec les USA, la diplomatie russe laissait se développer, et même parfois a-t-elle d’une certaine manière encouragé, le développement d’une situation du fait accompli dont les conséquences prévisibles sont de la même nature.

    On se souvient qu’il y a 2 mois, ayant repris Palmyre avec l’appui de l’aviation russe, le gouvernement et l’armée syrienne manifestaient ouvertement leur volonté de défaire l’EI en Syrie. « Victoire à Palmyre : vers un démantèlement total de Daesh » titrait le Site « Sputniknews.com » le 27 avril. Et le même relatait le 29 avril : " Les forces syriennes soutenues par l'aviation russe préparent une offensive en direction de Deir ez-Zor et de Raqqa, a annoncé aux journalistes l'ambassadeur de Russie auprès de l'Onu à Genève Alexeï Borodavkine.

    "

    Et puis plus rien. Silence sur les ondes

    .

    Par contre, d’autres nouvelles, inquiétantes se succédaient :

    "Moscou hostile à tout "plan B" américain en Syrie" (15 avril) Cela donnait à entendre que les USA préparait un sale coup.

    "Syrie: les USA s'opposent à la création d'une zone d'exclusion aérienne" (15 avril). Vous souvenez-vous qu’ils militaient pour en imposer une il y a trois ans ? Il s’agissait alors d’interdire à l’aviation syrienne les vols dans son propre ciel. Mais trois ans après il s’agit de toute autre chose, de la reprise de contrôle de son espace aérien par le pouvoir légal syrien. Et là les USA s’y opposent.

    Et, afin de bien mettre les points sur les « i », de bien faire connaitre le sens de son refus « La coalition dirigée par les USA frappe Daech près de Palmyre » (26 mai 2016), sans demander bien sûr l’aval des autorités légales du pays : signification : « on fait ce que l’on veut dans le ciel syrien ».

    "L'Armée syrienne libre se déclare bloc militaire unifié" (1 mai 2016). Signe que les forces hostiles à la Syrie Laïque, Baasiste, se réorganisent.

    Et puis enfin cette nouvelle surprenante dans la forme : « Les Forces démocratiques syriennes se préparent à libérer Raqqa ». Les forces d’opposition seules avec l’appui aérien de la coalition américaine. C’est déjà vouloir installer une autre légitimité sur une portion de territoire. C’est la partition en pointillé. D’ailleurs cette interprétation ne tarde pas « d’être confirmé.

    "Syrie: Washington opposé à une opération anti-Daech conjointe avec la Russie." (25 mai 2016) Comme de bien entendu. Washington dit à Moscou « Vous avez libéré Palmyre », Raqqa c’est nous ! »

    « Kurdes: Raqqa libérée fera partie du système fédéral de la Syrie du Nord » (26 mai 2016). "Comme l'assaut de Raqqa est mené par les Forces démocratiques de Syrie, il est logique qu'après sa prise elle fasse automatiquement partie du système fédéral démocratique que nous créons dans le nord du pays, selon un responsable kurde."

    La partition serait-elle déjà en marche ? C’est ce que nous avons craint alors.

    L’offensive a déjà commencé. « Daech bat en retraite sous les coups des milices kurdes à Raqqa » (24 mai 2016). Et comme il est écrit précédemment « cet assaut de Raqqa est mené par les forces démocratiques »…..

    Or, pour sa part, dans le même temps « L'aviation russe reporte ses frappes en Syrie » (25 mai 2016). "Les chefs de plusieurs groupes armés de l'opposition syrienne ont demandé au « Centre russe pour la réconciliation des parties en conflit en Syrie » de ne pas procéder à des frappes aériennes tant qu'ils ne se sépareront pas des terroristes du Front al-Nosra."

    Et enfin ce titre en forme de constat d’échec : « Libération de Raqqa : la coopération USA-Russie compromise ? » (25 mai 2016).

    Tout donnait à croire depuis deux mois que la Russie, peut-être par crainte d’un affrontement direct avec les USA, laissait faire cette situation du fait accompli qui déboucherait nécessairement sur la partition de la Syrie et l’établissement d’une ligne de partage telle que la souhaitait John Kerry.

    Tout portait à croire cela !

    Jusqu’à Samedi 4 juin où l’on a appris le déclenchement, par le sud de la province de Raqqa de l’offensive de l’armée légale syrienne, avec l’appui de l’aviation russe, dont on entendait plus parler depuis deux m

    ois.

    Une fois encore Assad et Poutine abattent leurs cartes et bouleversent les plans pervers des USA. La partition reste un danger, elle le restera aussi longtemps que les USA auront cette idée derrière la tête. Mais elle n’est pas en marche et pourrait-être même mise en échec.

    Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr » Mercredi 8 juin 2016

    .
    LE JUGEMENT DE SALOMON (Syrie)

    La Russie est intervenue en Syrie et cela, nous l’avons dit maintes fois, a redistribuée les cartes. Les USA qui voulaient faire la loi tout seul et redessiner à leur manière les frontières du Moyen-Orient, ont été dès lors obligés d’intégrer à leurs plans cette nouvelle donne. Intégrer à leurs plans ne veut toutefois pas dire renoncer à leurs desseins. Cela signifie seulement « adapter à la nouvelle situation les moyens de parvenir aux mêmes buts.

    Le but politique général poursuivit, par-delà le fait de se débarrasser des régimes honnis (laïque BAAS iraquien, Jamahiriya libyenne, laïque BAAS syrien, Islamique Chiite Iranien) est la « balkanisation » du Moyen-Orient arabe. Redessiner 3, 4, ou davantage d’États ethniques ou religieux, (Kurde, Chiite, Alaouites, chrétiens, sunnites, etc.) dans chacune des nations héritée du partage, en 1916, entre brigands impérialistes, de la dépouille de l’Empire Ottoman. Diviser pour régner en est la règle, mais aussi assurer de la sorte le leadership israéliens sur toute la région.

    Depuis l’intervention russe en Syrie, nous n’avons eu de cesses de mettre en garde contre la prétendue changement de cap des politiques américaines et française. Nous avons expliqué qu’il s’agissait seulement pour les puissances occidentales de se repositionner afin de poursuivre leurs mêmes buts par des moyens différents. Leur problème majeur étant, nous l’avons souligné, de mener la lutte contre l’EI sans rendre au contrôle de l’État légitime syrien les territoires qui lui avaient échappés. Pour cela, dans un premier temps il ne fallait pas laisser le champ libre à l’alliance de facto russo/syrienne. Il fallait rester dans le jeu, occuper du terrain (et du ciel), rester comme l’une des composantes de la solution.

    Maints évènements ont illustré jusqu’ici la justesse de notre lecture. Mais une récente proposition du département d’État américain vient de jeter une lumière crue sur cette réalité et confirmer notre analyse on ne peut plus clairement.

    Dans un entretien avec le « New-York time » John Kerry en effet vient de suggérer à la Russie le « partage des zones d’influences russes et américaines en Syrie ». (Article paru sur Sputniknews, samedi 21 avril)

    « Nous avons proposé de tracer une ligne, une ligne absolue, et de dire: vous ne la franchissez pas et nous non plus », a déclaré M. Kerry. Selon lui, les autorités russes sont en train d’étudier cette proposition. » (« infosmaintenant – Site de réinformation). Qu’est-ce « une ligne absolue » que les uns et les autres de part et d’autre de celle-ci n’ont pas le droit de franchir ? Une ligne de démarcation ? Un trop célèbre sinistre 17ème parallèle ? « Corée du nord/Corée du sud, Vietnam du nord/Vietnam du sud... Syrie de l'est et Syrie de l'Ouest ? La méthode est éculée. Il s'agit d'un piège odieux pour empêcher dans un premier temps la reconquête des territoires par l'armée syrienne, et ultérieurement pour poursuivre par d'autres moyens la guerre contre le régime légal syrien. Nous tremblons à la simple idée que la Russie puisse abonder dans ce sens et espérons très fort qu'il n'en sera rien.

    Cette odieuse proposition confirme tous les pronostics que nous avons faits depuis plusieurs mois concernant le prétendu changement de politique des USA et de la France consécutifs à l'intervention russe.»

    Ainsi dans notre article du 27 février devancions nous cette odieuse proposition de John Kerry : « Faisons la paix, propose-t-il, sur les bases de la situation présente, faisons la paix pour éviter que vous n’infligiez une défaite totale à vos ennemis nos amis, dépeçons la Syrie, chacun sa part, Bachar et ses amis Russes auront la leur, la Syrie « toujours » amputés de plus de 70 % de son territoire, mais la Syrie tout de même puisque vous y tenez tant. »(Trève en Syrie. Les intentions cachées de la diplomatie US)

    Mis devant un fait incontournable et à moins de faire tout de suite une guerre ouverte à la Russie, John Kerry devine que les USA ne sont plus en mesure de faire leur loi en Syrie. Alors il voudrait, père indigne, résoudre le problème selon le jugement du roi Salomon, fendre l’enfant en deux à partager entre la Russie et USA. Dans l’impossibilité d’obtenir une victoire militaire à court termes KERRY VEUT PARTAGER LA DÉPOUILLE DE LA SYRIE.

    La Russie c’est honorée jusqu’ici en s’en tenant à une ligne de conduite, celle du respect des frontières et de la souveraineté des États, qui a contribué à accroitre son « aura » internationale, Nous ne pouvons croire qu’elle accepterait tout à coup de se départir de cette conduite pour se livrer à des tripatouillages dignes des pires heures de l’Histoire coloniale. Il nous parait exclue que la Russie puisse accepter de discuter dans le dos des États existants et de leurs gouvernements légaux d’un partage de Brigands digne des accords secrets Sykes-Picot que la toute jeune révolution russe s’était fait un honneur de révéler au monde ?

    L’on sait quel fut en définitive le jugement de Salomon. Il débouta la mère indigne qui ne rechignait pas à faire fendre l’enfant en deux et le confia tout entier et sauf à la mère qui pour le sauver eut préféré le céder plutôt que de le voir périr

    .

    C’est ce qui adviendra de la Syrie. Elle sera toute entière, une et indivisible confié à la protection de la Russie si celle-ci s’en tient sans fléchir à sa ligne première.

    Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr ». Lundi 23 avril 2016.

    LE JOKER KURDE D’OBAMA

    L’intervention de la Russie en Syrie, a rebattu les cartes, nous l’avons dit maintes fois. Elle les a rebattu même si efficacement qu’elle a sonné l’heure de la débâcle de la politique occidentale au Moyen-Orient. Pour autant le cartel impérialiste (USA, France, RU) ne veut pas lâcher la proie. Il fait le dos rond et s’affaire à rechercher de nouveaux moyens de poursuivre son action pour atteindre les mêmes buts.

    *

    Nous avons écrit (21 mars) un article dans lequel nous nous étonnions du silence des grands médias audio visuels français (nous ne savons pas pour les autres médias occidentaux) à propos des négociations actuelles sur la paix en Syrie. Eu égard aux souffrances infligées à ce pauvre pays martyr, il nous apparaissait que la tentative, ses chances d’aboutir fussent-elles ténues, d’y rétablir la paix et d’y chercher une issue politique, constituait en soi un évènement majeur qui devait focaliser l’attention des médias. Et nous nous indignions que ce ne soit pas le cas. « L’idée de la paix en Syrie ne parait guère les enchanter. » Telle était notre conclusion.

    Alors, anxieux de savoir si nos craintes étaient fondées nous avons écouté attentivement le lendemain plusieurs journaux télévisés de FR3 et France 2, plusieurs bulletins et flashs d’informations de « France Inter » qui (n’ont fait que les confirmer). Nous sommes venus interroger le Web où une plus grande diversité d’expression donne à espérer d’y trouver quelques informations sur le sujet. Quasiment rien !

    Nous avons tout de même, le 22 mars, trouvé un article du « Monde.fr » du 14 mars, où l’on apprend sous la plume d’Hélène Sallon que « L’équation s’annonce difficile à résoudre pour parvenir à une solution sur la transition politique en Syrie. ». Or, John Kerry y apprend-on aussi a « fustigé la tentative du régime de « faire dérailler le processus », après les déclarations du ministre des affaires étrangères syrien, qualifiées de « provocation » par M. Ayrault. Samedi, le vice-premier ministre syrien Walid Al-Mouallem avait martelé que le sort du président, Bachar Al-Assad, constituait « une ligne rouge » et que Staffan de Mistura ne pouvait se substituer au peuple syrien en parlant d’élection présidentielle. »

    En quoi donc cette déclaration de Mr Walid Al-Mouallem, constitue-t-elle une provocation ou peut-elle être interpréter comme telle alors même qu’elle ne fait que réitérer pour la énième fois ce qui n’a cessé d’être la position constante du régime légal syrien et de ses alliés Russes et Iraniens ?

    Ne peuvent voir là une provocation que ceux qui n’ont aucune intention véritable de faire un pas sur le chemin de la paix et cherchent à justifier leur refus par les positions de la partie adverse.

    « Provocation » le terme, on le constatera en sus, a été utilisé par Jean-Marc Ayrault qui a remplacé Laurent Fabius au ministère des affaires étrangères de la France. Force est d’en déduire que le changement de locataire au quai d’Orsay ne constituait en aucun cas un signal d’inflexion de la politique syrienne de la diplomatie Française. Ayrault, dans la lignée de son prédécesseur, et sous la conduite de François Hollande, campe sur les positions hallucinantes qui sont celles de la France depuis l’accession à la présidence de François hollande, lequel, foin de la volonté du peuple syrien a maintes fois « ordonné » au président Assad de quitter le pouvoir

    .

    « Fruit d’un compromis entre les soutiens de l’opposition, les États-Unis et l’Arabie Saoudite en tête, et ceux du régime, Russie et Iran, cette résolution (de l’ONU du 18 décembre 2015 - NDLR) n’évoque pas le sort du président Assad. Pour les premiers, le chef de l’Etat syrien doit partir pendant la transition, M. Ayrault a d’ailleurs répété dimanche qu’un « retour au statu quo ante » devait être exclu. » (Le Monde.fr)

    Prenant le contre-pied d’un grand nombre d’observateurs qui pensaient que l’engagement de la France dans la lutte contre « Daesh » après les attentats du 13 novembre à Paris signifiait un changement de cap de sa politique Syrienne, nous l’avions écrit dans plusieurs de nos articles : « Non la politique internationale de la France n’a pas changé ! » (*)

    Ainsi encouragé par le soutien politique sans faille de leurs Mentor « Dans une surenchère peu propice à l’apaisement, Mohammed Allouche, le négociateur en chef de l’opposition syrienne, dont les groupes-clés sont réunis au sein du Haut Comité des négociations (HCN), a affirmé samedi que la période de transition devait commencer « avec la chute ou la mort de Bachar Al-Assad ».

    Cet homme est un tenant de la négociation à la « kalach ». Pourtant Monsieur Ayrault n’a pas vu là la moindre provocation ?)

    Dit à renfort de locution latine ou avec le langage de la brutalité, et bien qu’avec l’intervention russe l’initiative leur ait un temps échappé, ils poursuivent toujours obstinément les mêmes buts, la chute de Bachar Al-Assad, c’est-à-dire la chute du régime baasiste laïque qui assure l’unité politique de la Syrie, et l’éclatement de celle-ci en plusieurs états confessionnels ou ethniques.

    La voilà donc l’explication de leur silence embarrassé à propos de la conférence de Genève sur la Syrie. Comme nous l’avions subodoré ils ne veulent pas de la paix.

    Ils poursuivent toujours obstinément les mêmes buts : nous mettions en garde dans deux articles, "La réponse occidentale du Berger à la Bergère" 12 février 2016 et « Kerry ou la mauvaise foi criminelle » 21 février 2016) : la trêve n’est qu’une pause pour se donner le temps de redistribuer les forces afin de poursuivre le même combat par d’autres voies et moyens.

    Un cessez le feu ? Pourquoi faire ? - Avons-nous écrit dans le deuxième de ces articles - Pour se ressaisir et se redéployer, ou pour aboutir à une situation de statuquo de facto où chacune des forces en présence conserverait les portions de territoire qu’elles contrôlent ? Faire cesser l’offensive Russo-Syrienne pour fixer la situation existante, c’est-à-dire la partition, l’éclatement de la Syrie. » Et dans le premier de ces articles : « La voie des sans voix » s’est efforcé d’expliquer que les évolutions apparentes des positionnements américains ou français ne résultaient pas d’un changement de cap de la politique syrienne du cartel occidental, mais des flottements inévitables dans le temps de la recherche des moyens de poursuivre la guerre anti-Assad par d’autres voies et moyens. »

    Poursuivre le même combat par d’autres voies et moyens ? Les autres voies et moyens possibles à la disposition de l’Occident, sont encore nombreux et variés. Il peut s’agir comme nous le disions ci-dessus de la partition de facto de la Syrie sur la base du gel de la situation existante. Il peut s’agir des interventions extérieure des alliés régionaux du cartel occidental : Turquie et Arabie-saoudite/Qatar comme cela a été récemment envisagé. Il peut s’agir aussi de la proclamation d’un état Kurde qui ferait exploser la Syrie et l’Irak, et impacterait la Turquie et l’Iran. Celle-ci serait de nature à bouleverser la disposition des forces voire à renverser un certain nombre d’alliances ou d’inimités régionales.

    Une accumulation de faits viennent ces derniers jours confirmer ces prédictions pessimistes.

    Dans leur intervention « anti-Daesh » en Irak, les USA avaient déjà beaucoup misé sur les milices Kurdes « Peshmergas », auxquelles ils entendaient accorder leurs faveurs et leur appui. Ils ont, on s’en souvient, réitéré la même chose lorsqu’ils ont décidé d’étendre leurs opérations contre « l’EI en territoire syrien». On se souvient que les kurdes étaient alors pourtant majoritairement solidaires du régime syrien et attachés à l’unité territoriale et politique de la Syrie ; Or « Les trois zones autonomes du nord de la Syrie tenues par les Kurdes ont approuvé jeudi la création d'une entité "fédérale démocratique", malgré les mises en garde de Damas et d'Ankara. ». "Le système fédéral a été approuvé pour la région Rojava (Kurdistan syrien), dans le Nord de la Syrie", a affirmé à l'AFP Sihanouk Dibo, un responsable du PYD, principal parti kurde en Syrie. » (Fr.sputniknews.com). De plus, Israël, le protégé et l’indéfectible allié des USA dans la région milite ouvertement pour la proclamation d’un Etat Kurde. Malgré le contexte de confrontation indirecte en Syrie la Turquie et l’Iran viennent de nouer des contacts au niveau des ministres des affaires étrangères, auxquels on le devine la question Kurde n’est pas étrangère.

    On le voit, une intense activité diplomatique se déploie autour de la question Kurde qui pourrait bien être le « Joker » avec lequel les USA tenteraient de transformer en victoire la débâcle de leur politique moyen-orientale.

    Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr » Mercredi 23 mars 2016.

    NB : Un extrait de cet article a été publié sous forme de commentaire à l'article de "sputniknews", paru ce jour, dont il est question ici.

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