Patrick Seignon

La social-democratie est morte

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Patrick Seigno
son contempteur a le plaisir de vous faire savoir que :
LA SOCIAL-DEMOCRATIE EST MORTE
Discussion sur le parti des travailleurs.


AVANT PROPOS


En 1997, à défaut de moyens plus conséquents, j’ai fait paraître en édition d’auteur, la plaquette intitulée “Social-bonapartisme et classe ouvrière”. A ce jour, son existence et sa diffusion sont restées extrêmement confidentielles.

Dans « l’œil du débat »

Je m’étais abstenu alors de toute polémique. 1) parce que les questions soulevées ne faisaient pas encore l’objet d’un débat. 2) parce qu’il s’agissait de fonder les bases théoriques et historiques d’une réflexion nouvelle et que je voulais me garantir contre les risques d’occultation du fond par ses aspects polémiques. La plupart de ceux qui auraient du en assurer le relais et lui faire la place qui lui était dû dans la réflexion politique actuelle, encore à ce jour, ne souhaitent pas ce débat ou n’en comprennent pas les nécessités ni l’importance. C’est pourquoi ce qui était apparemment une sage précaution a eu pour conséquence dommageable de contribuer au peu d’impact de la première parution. Malgré tout le débat est imposé à présent par la vie, c’est pourquoi il s’immisce et progresse tout de même, lentement certes, mais irrémédiablement, de façon multiples et diverses. Je m’apprêtes donc à produire un second tirage de “Social-bonapartisme et classe ouvrière dans le même temps ou je sortirai la deuxième plaquette ci contre intitulée : “La Social-démocratie est morte”.

Le temps est venu en effet d’éclairer mon propos d’alors. De lui donner un second souffle afin de le projeter dans le débat actuel sur la construction d’un nouveau parti des travailleurs.

A cet égard il faut bien admettre que la polémique flatte les reliefs de la pensée, qu’elle permet d’en souligner les contrastes et d’en parfaire la lumière. C’est pourquoi je m’interdit toute mièvrerie qui en atténuerait l’effet, je ne cherche à ménager personne. Mais que cela soit dit une fois pour toute : dans la dispute idéologique, mais amicale, que je fais au uns ou aux autres, il n’y a aucune autre intention, que de voir progresser le débat. Aucune autre finalité que le réarmement politique et théorique sans lequel il ne saurait y avoir de nouveau parti des travailleurs vraiment indépendant.

Je suppose à priori, que tous les camarades que j’épingle plus ou moins vertement au gré de ce texte sont, tout autant et tout aussi sincèrement que moi même, attachés à la naissance d’un tel parti, représentation politique de la classe ouvrière. C’est pourquoi j’imagines qu’ils n’auront aucune peine à m’excuser au nom de l’intérêt du débat et des nécessités du réarmement théorique à l’ordre du jour.

Beaucoup d’entre eux, je l’espère, prendront sous peu une part active à la construction de ce parti. Pour ma part, loin de toute attitude manichéenne, ( ?) je crois de toute façon à la rédemption des idées et n’ai l’intention de précipiter personne dans les enfers ..........

“La social-démocratie est morte” dont voici la première livraison, est (donc) la suite logique de “Social-bonapartisme et classe ouvrière. Elle en est le prolongement naturel dans le discussion qui s’est enfin ouverte sur la construction nécessaire d’un nouveau parti des travailleurs.


I
LA QUESTION DU PARTI DES TRAVAILLEURS
(petit historique)

J’avais écrit, en 1986, en conclusion de “Social-bonapartisme et classe ouvrière” : “la recomposition du mouvement ouvrier ne passe absolument pas, comme le prétend Henri Fizbin, par le parti socialiste. Elle passe contre celui-ci, par le recouvrement de son indépendance politique et organisationnelle,..” (p 129) Ou encore :“La jonction de ce courant (issu du PCF, fidèle à l’idéal communiste) avec le courant marxiste révolutionnaire serait susceptible d’accélérer le processus de construction d’un parti ouvrier indépendant. L’absence d’un tel parti étant, pour l’instant, cruellement ressentie par tous les militants et les travailleurs conscients” (.) (p130) Mais il fallut attendre le début des années 90, pour que la question soit posé par la vie elle même et interpelle une frange militante.

Voilà plus de cinq ans maintenant que le thème en a été clairement formulé par Arlette Laguiller aux termes de la campagne des élections présidentielles de 1995. En vérité ce débat avait été en quelque sorte amorcé avec la création de l’ART (.) qui fit une première tentative de recomposition révolutionnaire à la marge des organisations d’extrême gauche. Cette initiative très confidentielle il est vrai, resta du domaine des « initiés ». L’ART ne faisait du regroupement souhaitable des révolutionnaires, ni le préalable ni la finalité de son action. Sachant la nécessité d’un parti qui soit l’organe d’une politique de classe indépendante, elle était consciente de l’inaptitude avérée des organisations d’extrême gauche existantes, à occuper ce créneau. Elle se voulait donc, le catalyseur qui permettrait enfin la
fusion de la « politique révolutionnaire » avec la classe ouvrière. Pour ce faire elle misait sur la perspective d’un regroupement large, afin de remobiliser ces quelques centaines de militants ouvriers égarés par les trahisons de l’UG, écoeurés par les divisions des révolutionnaires, qui restaient isolés dans leur entreprise, l’arme au pied. Ceux-ci obligeraient les organisations d’extrême gauche à sortir de leur retraite et à s’engager sur la voix de l’unification, seraient le ciment de cet unité, et les garants de cette politique nouvelle, indépendante et offensive. Pour réaliser cette tâche qui était la voie obligée de la résurgence d’un authentique parti de la classe ouvrière, il fallait une accumulation primitive de forces militantes et un grand pouvoir de conviction. La réalisation de cette première tâche d’accumulation primitive des moyens promettait d’être un test de crédibilité qui statuerait sur les chances de réussite de l’entreprise toute entière. Le score électoral d’Arlette Laguiller, son appel à la création d’un grand parti des travailleurs et de tous les opprimés, lors de l’élection présidentielles de 1995, la judicieuse politique de soutien à cette candidature, qui fut sienne, mirent l’ART, en position favorable. La grande mobilisation sociale qui survint à la fin de la même année, contre le plan Juppé, crédibilisaient sa politique, et la mettait en mesure semblait-il de réussir au moins la première phase de son pari démesuré. N’avait-elle pas vu venir le séisme et ses militants, bien que peu nombreux encore, n’avaient-ils pas occupés quelques avants postes dans le mouvement ? A Rouen tout particulièrement ou un comité ................. les militants de l’ART ............... qui fit, quelques temps, de cette association, une véritable force politique régionale. L’ART semblait pouvoir jouer un rôle charnière, d’autant plus que Lutte Ouvrière avait résolu de ne pas donner suite à l’appel d’Arlette Laguiller. La tendance R (.) de la LCR, la “fraction” de LO, la LST (.), le groupe “La Commune”, la “Gauche Révolutionnaire”, qui voulaient prendre LO en défaut, gravitaient alors dans les abords de l’ART qui seule armée d’un certain projet pouvait jouer un rôle fédérateur. Curieusement, c’est à ce moment précis qu’elle s’effondra comme terrassée par le poids d’une tâche dont les enjeux la dépassait trop. C’est qu’en vérité, à la naissance, l’ART souffrait d’un quiproquo présent dans ses gênes. Un certain nombre de camarades, Rouennais pour la plupart, y avaient investi une certaine conception du “ parti des travailleurs”, au sens de parti de toute la classe ouvrière, dans lequel on trouverait des marxistes révolutionnaires, des anarchistes, des « néos » ou « cryptos » staliniens, des réformistes et des travailleurs sans autre appartenance politique. C’était le parti du mouvement social. Une conception “mouvementiste” du parti en opposition à la conception “avant gardiste”. Leur référence en la matière était le Parti des travailleurs du Brésil et Lula, son dirigeant charismatique. Un autre courant de pensée, d’avantage centré sur Paris, entendait “parti des travailleurs”, au sens de l’expression politique des intérêts historiques de la classe ouvrière, le parti qui représente la politique particulière à celle-ci, le parti révolutionnaire des travailleurs. Les deux approches cohabitèrent sans problème jusque en 95. L’existence de ce quiproquo, constituait elle un handicap insurmontable ? Devait il conduire à l’éclatement innévitable ? Je pensais pour ma part que la conscience des taches à accomplir ensemble, l’esprit de « responsabilité » historique qui nous animait, la vie, l’expérience concrète le résoudrait par le haut en transcendant le débat. Il en alla tout autrement. Les francs succès de l’ART à Rouen creusèrent le trou où elle devait s’abîmer. Les camarades Rouennais y acquirent de l’assurance et la conviction que leur approche était la bonne, y trouvèrent matière à confirmer leur grande dévotion pour la magie du “mouvement social” dont jaillirait , politiquement armé et pur, le Parti des travailleurs. Ils en conçurent mépris et condescendance ( ?) pour la partie parisienne de l’ART qui ressemblait d’avantage à un forum de micro organisations. Les mouvements passent, les mobilisations retombent, ce qui en reste est peu de chose au regard de ce que fut le mouvement lui même. Peu de chose et pourtant essentiel pour les mouvement futur, c’est la mémoire fossile portée par les organisations. Persuadé pour ma part que le mouvement, comme tous les mouvements, épuiserait ses potentialités, je ne voulait pas que l’on se défasse de cette accumulation primitive de forces militantes, colonne vertébrale indispensable d’une action sur la durée. pour réaliser les potentialités que le mouvements social de 95 avait suscité. La crise éclata donc entre les branches Rouennaises et Parisienne de l’ART et fût consommée à l’automne 96. Renvoyée à elle même, le caractère composite de l’ART parisienne devînt un handicap, d’autant moins maîtrisable que le crédit du projet global en avait été atteint, que le différent Rouano parisien semblait vouloir nous renvoyer aux vieux démons du scissionnismes, dénoncé par nos discours, à la spirale mortifère de l’éparpillement des forces. Chaque petite organisation fut dés lors tentée de reprendre ses billes. L’ART parisienne disparut laissant sa branche Rouennaise à son tour seule avec elle même. L’épuisement du mouvement faisait sentir ses effets démobilisateurs. L’ART théoriquement porteuse du projet national, qu’est la constitution d’un grand parti des travailleurs, se trouvait ramener à n’être plus qu’un épiphénomène régional. Les organisations nationale d’extrême gauche, quelque temps bousculées par la turbulente association, pouvaient reprendre le contrôle de la situation. Ce fut l’époque au demeurant de l’apparition de “Voix des travailleurs” (VDT) Le refus obstiné de LO de tenter la moindre chose en écho à l’appel d’Arlette Laguiller, creusa les contradictions dans ses rangs. C’est de cette contestation que naquit le groupe ”VDT dont l’apparition allait accélérer la décomposition de l’ART à Rouen. VDT en effet, devînt le champion du “regroupement des révolutionnaires”, c’était (à la foi) sa profession de foi et son credo. Sa forte présence sur Rouen, ......... contribua à soustraire l’initiative à l’ART et une partie de son discours, en accru, de fait, l’isolement et les contradictions. Il ne fallait plus qu’un événement infime pour en précipiter la perte. Je ne conterai pas ceci qui nous ferait choir dans l’anecdotique. L’ART Rouennaise éclata à son tour à ......... Ce qui doit en être retenu, c’est que les thèmes, , dont elle avait été porteuses : “un grand parti des travailleurs, une politique de classe indépendante, le plan d’urgence”, pour une large part empruntés à LO ne disparaissaient pas avec elle. VDT, s’en était emparé à sa manière, mais aussi les groupes “la gauche révolutionnaire” et la “commune” qui ont fusionnés depuis et auxquels ces thèmes fournirent une grande part de leur plate forme d’unification. Les militants regroupés autour de la revue “Carré rouge” se sont aussi largement appropriés ces thèmes. Le débat sur la construction du parti des travailleurs avait donc à ce stade emprunté des voies nouvelles, mais il se poursuivait. VDT se fit le chantre de l’unité des révolutionnaires. “Notre tendance milite dans la perspective du regroupement des marxistes révolutionnaires. Ce regroupement s’inscrit dans la perspective plus large d’un nouveau parti des travailleurs,..” est il écrit dans l’introduction à son document programme (.)(Novembre 1998 p.1) Tous ceux qui se réclament du marxisme, de l’héritage trotskiste et de la révolution, à la condition expresse toutefois “qu’ils n’aient pas de fil à la patte”(.) ce qui n’est pas une condition politique mais un critère moral, étaient invités à se retrouver dans la même organisation. Comme on voit ce discours se fonde sur une vision très organisationnelle et peu politique de la question du parti à construire. En matière de consistance politique son document programme, pourtant exhaustif, n’est là que pour faire illusion. Il s’agit d’une revue générale, une nomenclature historique des acquis, des points d’accords généraux, de tous les grands et bons principes du marxisme révolutionnaire livresque. Cette volonté oecuménique saute au yeux dés l’intitulé : “Pour un parti.. démocratique... des travailleurs... révolu-tionnaires... (socialiste... et communiste...).”. Toutefois, eu égard aux questions clés, ce texte se caractérise par un vide navrant. (Loin) d’être résolues celles-ci ne sont pas même vraiment posées. En cette choses, en effet comme en toute autre, ce document n’est qu’un ressassé, se limite à répéter des formules anciennes, toutes faites, mêmes lorsque de façon criante elles ne rendent plus compte de la réalité. ou .............. Il s’agit là du refus obstiné de voir la réalité bien en face et d’adopter à son endroit la seule attitude qui soit vraiment marxiste l’analyse concrète de la réalité concrète. Or on ne peut avoir une vision juste et équilibrée des choses lorsque on les examine à travers le prisme de catégories politiques qui n’ont plus cours. Si mal armés politiquement il n’y avait rien d’étonnant à la trajectoire suivit par VDT. Il a suffit que LO et la LCR décident de faire campagne commune aux élections européennes de juin 1999, pour que ce courant décide d’intégrer la LCR. subjugués par l’impact électoral annoncé de la liste unitaire et malgré l’absence de tout engagement des deux organisations à s’orienter vers un regroupement organisationnel durable dans le cadre d’une stratégie commune, obnubilé ( ?) par leur préhension très organisationnelle des problèmes ils voulurent y voir le premier acte véritable du regroupement des révolutionnaires souhaité. A la lumière des événements, la démarche de VDT apparaît fort légère. S’il fallait un fait pour montrer qu’à défaut d’un cadrage politique suffisant, le seul regroupement physique des révolutionnaires n’était pas de nature à garantir l’indépendance de la politique qu’ils proposent, ce fut bien le 16 octobre 1999. Ce jour là le secrétaire national du PCF appelait à une manifestation pour l’emploi. Il s’agissait pour lui d’une opération tactique pour faire taire les fortes oppositions naissantes dans son parti à l’approche de l’adoption de la deuxième loi Aubry. Afin qu’avec l’aide des “communistes français” le gouvernement de la “gauche plurielle” puisse poursuivre, sans risque majeur, sa politique de liquidation des acquis des travailleurs, la généralisation de la flexibilité et de la précarité du travail. En fait d’emploi, Robert Hue se mettait en couverture de ce gouvernement de chômage et de précarité. Or, l’on vit ce jour là Arlette Laguiller et Alain Krivine manifestant bras dessus bras dessous avec le secrétaire national du PCF. Les courants trotskistes, marxistes révolutionnaires que sont sensé incarner la Ligue communiste révolutionnaire et Lutte ouvrière, ont certes bien remplit leur contrat, recueillit plus de 5% des suffrages exprimés aux élections européennes, confirmant ainsi l’existence d’un réel courant radical à “gauche de la gauche”. Pour le première fois, dans l’histoire politique de l’Europe occidentale, ils ont réussit à envoyer cinq « euro-députés » trotskistes au parlement de Strasbourg. Mais le regroupement des révolutionnaires n’a pas vraiment progressé et lorsqu’ils se manifestent en commun, dans un semblant de stratégie commune, c’est pour se solidariser de facto ( ?) avec la politique anti ouvrière du gouvernement. Fi soi de l’indépendance de classe. Ces courants de part leur culture politique et l’état actuel de leur réflexion théorique appartiennent à ce qu’ils appellent “la gauche” avant même d ‘appartenir à la classe ouvrière. C’est pourquoi au nom de la solidarité avec celle-ci ils aliènent sans états d’âme l’indépendance politique de celle la. Cet épisode mémorable de l’histoire politique récente prouve que l’on peut, bien entendu, regrouper des révolutionnaires, mais qu’à défaut d’expliciter clairement en quoi elle consiste, cela ne constitue aucune espèce de garantie en matière d’indépendance politique de la classe ouvrière. L’on élabore un outil certes plus efficace mais qui se révèle être celui d’une politique autre que celle à laquelle on prétendait. Est-ce à dire qu’en rejoignant la LCR, VDT a renoncé à la l’exigence d’indépendance qui est un des fondements de sa politique depuis son origine ? Pas le moins du monde. Nos camarades ne ce sont en rien reniés. Ils restent sans nul doute profondément attachés à ce concept. Leur problème en la matière c’est que le concept ainsi énoncé est resté vide de contenu et de ce fait totalement inopérant. Qu’est-ce que l’indépendance politique de la classe ouvrière ? Par quoi se caractérise-t-elle ? Voilà le fond de la question et voilà par où, au delà de VDT, pèchent la plupart des courants révolutionnaires actuels. Par exemple, la tendance R” qui c’est auto dissoute dans la majorité de la LCR, ou encore la fraction de “LO” qui a mis en sourdine l’essentiel de sa critique, mais aussi le courant réunis autour de la revue “Carré rouge” ......... (citer dernier numéro) . GRC elle même n’échappe pas totalement à cette règle. Un courant s’était cristalisé plus ou moins autour de l’ART, dans le prolongement de la campagne dArlette Laguiller aux présidentielles de 95. Son existence ne fut pas sans contibuer à l’expression du courant interne à LO, dont allait naître VDT. A l’heure actuelle se courant a été pour l’essentiel, digéré ou dispersé. Réduit comme peau de chagrin, il subsiste et résiste pourtant. « Gauche Révolutionnaire la Commune » d’une part, la revue « Carré rouge » de l’autre, en sont les dernières expressions conscientes organisées. Il peut rebondir, cela tient à son aptitude à procéder à la clarification du concept d’indépendance de classe. A défaut il disparaîtra totalement, irrémédiablement. Tous les courants et groupes sans exception seront happés à un moment ou l’autre par l’attraction de “la gauche d’alternance”, ou gommés s’ils ne sont pas assez forts et cohérents pour résister. Voilà pourquoi, à qui veut véritablement construire un grand parti des travailleurs, la question du contenu de sa politique sur les bases de l’indépendance de classe est cruciale et incontournable. Qu’est-ce donc que l’indépendance politique de la classe ouvrière.
II
A PROPOS DU CONCEPT D’INDEPENDANCE POLITIQUE DE LA CLASSE OUVRIERE.
S’il est un concept qui nous réuni tous, et préside aux convergences qui se sont manifestées récemment comme à celles qui subsistent encore entre plusieurs courants et groupes, c’est celui de l’indépendance politique de classe. Bien que nous ne lui donnions pas tous, ni toujours, le même contenu, nous désirons tous et militons pour l’apparition d’un parti ouvrier, vecteur indispensable d’une telle politique. Mais qu’est-ce aujourd’hui qu’une politique de classe indépendante, et comment se caractérise-t-elle ? L’approche intellectuelle la plus répandue dans les rangs de ceux qui se proposent de construire « un grand parti des travailleurs » est toute pragmatique. C’est ainsi que les plus radicaux eux mêmes accordèrent un temps moral au gouvernement de la gauche plurielle, avant de passer à la critique ouverte de celui-ci. Ca n’est qu’après quelques semaines, ou mois, d’expérimentation, qu’ils s’aventurèrent à déduire de la politique gouvernementale qu’elle était anti ouvrière. Ce pragmatisme prudent, on le voit, a pour défaut majeur, immédiatement perceptible, de contraindre, à chaque échéance électorale alternante, a faire les mêmes redites, à débiter les mêmes fadaises, à reproduire les mêmes erreurs. Et si d’aventure « le balancier de l’alternance va à gauche » il met les pragmatiques en demeure, pour une période probatoire, de refaire l’expérience. Faudra-t-il attendre quelques mois de pratique d’un gouvernement “de gauche” éventuel, après celui de “la gauche plurielle” pour revendiquer, ou pas, notre indépendance à son endroit, pour se ranger à nouveau clairement sur la ligne de l’indépendance de classe ? David Caméron paraît vouloir prendre les devant à cette question il répond non : “De manière générale, l’expérience d’une gauche socio-libérale ne peut que conduire à de nouvelles déceptions pour les travailleurs” Mais en vérité sa réponse est flottante et indécise. N’ajoute-t-il pas “ cela conduisant imanquablement au retour de la droite” (.) (“La Commune” “la gauche au pouvoir en Europe” p.10). La déception qu’il annonce tient moins dés lors, dans son raisonnement, à la politique de droite anti ouvrière qui est celle de la « gauche socio-libérale », selon ses termes, qu’au retour de la droite qu’elle laisse présager. La gauche est baptisée socio-libérale, (nous reviendrons sur cette caractérisation) ... qui fait une politique libérale, c’est à dire ouvertement de droite. Pourtant le pire, semble-t-il nous dire, serait le retour de la droite, qui ferait la même politique. Ce qui se manifeste là c’est que David reste prisonnier des tenailles idéologiques de l’alternance. Il ne peut justifier par rien son attachement à la gauche alors il se limite à le perpétuer par défaut. Et dans le cas ou une autre coalition de gauche ne succéderait pas immédiatement à la gauche plurielle, dans l’intervalle plus ou moins long entre deux « gouvernement de gauche », dans la période “d’opposition” s’il y en a une, dans la période préparatoire, dans la campagne électorale préalable, défendra-t-on jalousement cette ligne d’indépendance de classe à l’égard des partis de “la gauche d’alternance”, de leurs projets gestionnaires, de leurs promesses mensongères ? Ou bien cultivera-t-on le floue, participerons nous à entretenir l’illusion, seront nous objectivement complices de la prochaine duperie, au prétexte qu’il faut attendre et voir, que seule l’expérience de la pratique gouvernementale est de nature à nous édifier ? ... L’existence du gouvernement de la gauche plurielle dans l’hypothèse la plus favorable ne dépassera pas l’échéance de 2002. défendra-t-on de même, au delà de cette date, cette exigence d’indépendance ? Dans l’hypothèse d’une présidence Jospin avec une majorité présidentielle de gauche participera-t-on, quelques mois durant, de l’état de grace” cependant que les coups pleuves drus comme à Gravelotes ( ?) sur la classe ouvrière, avant de se résoudre à le traiter en adversaire, d’affirmer notre indépendance à son endroit ? Or, ce serait bien là encore le cas de figure le plus simple à gérer, car le caractère réactionnaire et anti ouvrier, prévisible de la politique de cette majorité, nous obligerait tout de même à nous définir assez rapidement. Mais dans l’autre hypothèse, celle d’une deuxième présidence Chirac avec une majorité présidentielle de droite, la chose serait moins aisée que ferait-on ? Certes l’on n’auraient aucune difficulté à assurer notre indépendance à l’égard de la droite aux commandes. Pour autant entrerait-on dans la logique pernicieuse :“il faut chasser la droite” ? Cela est moins que clair dans la position exprimée par David qui ne nous prépare nullement à répondre à une telle situation. Or craindre le retour de la droite ou la vouloir chasser, cela consiste de façon objective, même modeste, à apporter sa pierre au combat pour la défense ou le retour de la gauche, à prendre objectivement la défense de la même politique du capital dés lors qu’elle est faite par la gauche, à entrer dans le jeu de l’alternance au détriment du combat de classe pour la transformation sociale. Une telle posture n’est pas cohérente avec la prétention à l’indépendance politique. C’en est même le contraire, c’est déjà l’aliénation. On le constate, l’approche pragmatique impose à l’exigence d’indépendance politique une existence à géométrie variable. En collant au présent elle ne permet pas de se projeter dans l’avenir. Elle est au demeurant restrictive et condamne ses chantres ( ?) à la myopie politique. En formulant l’exigence d’indépendance de classe rèactivement à tel ou tel gouvernement d’alternance et à sa pratique politique, elle s’interdit de généraliser son analyse, d’extraire de l’étude de la réalité concrète des conséquences théoriques qui s’imposent. Toute l’ère Mitterrandienne et ses gouvernements successifs, Mauroy, Fabius, Cresson, Rocard, pour ne pas parler des gouvernements de “cohabitation”, doivent-ils être appréciés autrement que comme anti ouvrier ? Depuis la réalisation de la première “grande alternance” de la cinquième république, en 81, y a-t-il eut un seul gouvernement de “ gauche” qui puisse être caractérisé autrement qu’anti ouvrier ? Et quand le cadre donné reproduit invariablement les mêmes conséquences, ne faut-il pas en déduire qu’il s ‘agit d’un système ? Ne faut-il pas se résoudre à en tirer des conséquences au plan théoriques ? Est-ce à dire que les pragmatiques n’ont rien retenu, rien décrypter, tirer aucune conséquences des trois décennies qui viennent de s’écouler ? Pas vraiment. Des conséquences ils en tirent, nous l’avons vu dans l’article déjà cité de David Caméron, nous en donnerons tout à l’heure d’autres exemples, mais versatiles ( ?) ils refusent obstinément de les projeter au plan théorique. Ils ne les réinvestissent pas dans leur pratique politique autrement que sous la forme d’une certaine défiance, orale et écrite, sans suite ni conséquences concrètes De telles dispositions d’esprit ont certes de quoi surprendre chez des marxistes plus souvent remarqués pour leur propension à passer aisément du particulier au général. On s’en douterait le pragmatisme frileux qu’ils affichent en la circonstance n’est pas sans raisons (causes) ni fondements. IL signifie que ceux-ci ménagent, dans leurs esprits et dans leur conception politique, une ouverture pour “le cas où”. IL signifie que ceux-ci cultivent l’illusion, gardent ouverte l’hypothèse qu’un tel gouvernement, “de gauche”, nonobstant le cadre des institutions actuelles, puisse s’engager dans une véritable politique de rupture avec le système. A défaut que les masses puissent la lui imposer. On l’a compris, David Caméron qui a pressentit cette conséquence du pragmatisme, caractéristique pourtant de son approche personnelle, est soucieux de s’en garantir. Il imagine s’en tirer en claquant la porte : “ De façon générale, il faut rompre avec l’idée que la social-démocratie pourrait mener une autre politique que celle qu’elle mène, une politique plus dans les intérêts des travailleurs”.(.) (“la gauche au pouvoir en Europe” revue la commune n° 3, 4e trimestre 1999.) Le constat paraît clair et sans appel. Mais il ne s’agit en vérité que d’une affirmation péremptoire ( ?), relevant d’exigences plus morales que politiques. David Caméron admet, on le voit, qu’il n’est point besoin d’attendre ses oeuvres pour savoir ce que sera, quand à sa nature de classe, la politique d’un autre “gouvernement de gauche d’alternance”. Tenterait-il de s’émanciper du seul point de vue pragmatique ? On est en droit, dés lors, d’espérer le voir progresser sur la voie de l’analyse théorique. C’est ce pas qu’il ne fait pas. Il ne nous dit pas pourquoi il faut rompre avec cette idée. Motivée par l’indignation que lui suggère l’inclination toujours renouvelée de « la gauche » à faire la politique de la droite, (arcquebouté) sur le seul constat pragmatique, sans aucun fondement théorique, sa déclaration d’intention ne nous fait pas avancer d’un pouce. Extrêmement fragile, ce qui n’est dés lors quedisposition d’esprit contingente, sujette à toutes les variations de conjoncture, ne donne pas la moindre garantie contre d’éventuelles régressions de la pensée politique ni les déviances opportunistes induites.


III
OÙ ÇA COINCE


David Caméron pétrifié reste sur le seuil. Il est loin d’être le seul à s’arrêter ainsi, circonspect à la porte du « sain des sain » de l’héritage théorique. nous l’allons voir tout de suite. Léonce Aguirre et max Dormoy ont écrit “Ce rôle nouveau que joue la social-démocratie, ajouté à l’affaiblissement de ses liens avec la classe ouvrière,... pose par ailleurs le problème de la justesse de sa caractérisation classique de parti ouvrier bourgeois” (.) (Carré rouge n°10, page 41).Affirmation dans laquelle se manifeste clairement une volonté d’approche théorique nouvelle. L’espérance renaît. Mais est elle bien fondée ? Les mêmes n’ont ils pas écrit “ Et cela d’autant plus que les réformistes ont été incapables d’organiser la moindre riposte tant sur le plan politique que syndical ”(.) (page 39) Retour à une préhension pragmatique où l’on voit que le questionnement qu’il se font sur la nature de la Social-démocratie n’a aucune conséquence pratique sur l’analyse qu’il font des choses relatives à celle-ci. Elle a probablement changé de nature, mais ils persistent à demander d’elle ce qui ne corresponds plus à sa nature nouvelle. Ils écrivent encore “La social-démocratie est de plus en plus bourgeoise et de moins en moins ouvrière” (.) (page ..) où l’on voit poindre une tentation doctrinaire qui est le moyen d’équilibrer les effets de l’approche pragmatique à défaut d’une réelle élaboration théorique. Car si la Social-démocratie selon leur formule est de plus en plus bourgeoise et de moins en moins ouvrière” (.) elle reste tout de même “la social-démocratie” - Qu’est devenue de changement de nature supposé ? - Notre attente est insatisfaite. Les solutions tardent à venir, mais le débat lui surgit et s’impose. Il ne pourra plus être éludé ni différé. Pour une large part il se focalise, semble-t-il, autour de la question de caractérisation de ce qui est désigné encore sous l’appellation de partis “sociaux-démocrates”. C’est pour le moins ce qui ressort de l’article Dormoy/Aguirre cité précédemment mais aussi nous l’allons voir de celui de Charles -André Udry :“La social-démocratie (sous la forme du New Labour, ou du PDS italien) représente aujourd’hui une force politique qui ne peut être analysée dans les termes traditionnels de « parti ouvrier bourgeois » de « restaurant ouvrier avec cuisine bourgeoise ».” (.) (Carré rouge n°9), de celui de Charles Jérémie qui écrit que l’intégration depuis les années 80 “de la social-démocratie aux appareils d’état a progressivement modifié la donne. Il ne s’agit plus de lieutenants ouvriers de la bourgeoisie mais de lieutenants bourgeois.. etc.” (.) (Carré rouge n°9). On pourrait ainsi en citer à foison. La liste des citations témoignant de l’exigence de débat sur ce sujet précis, pourrait être fort longue, nous l’arrêterons là. C’est donc bien ici que Gordios paraît avoir noué le fil du débat en cours, qu’il convient de dénouer ou de trancher. Mais ce qui caractérise tous les questionnements évoqués ci-devant, c’est moins leur angle d’attaque que leur angle de fuite du problème. Il y a sans nul doute, nous venons de le voir un incontournable questionnement, que chacun selon son style formule plus ou moins clairement. Mais paradoxalement la plupart des protagonistes se refusent à entrer de plain-pied dans le débat que suggèrent leurs propres questions, préférant éluder ou battre en retraite. Nous avons vu par exemple que pour Aguirre et Dormoy malgré son changement de nature annoncée la social-démocratie restait la social-démocratie. Mais c’est Charles Jérémie qui exprime le plus totalement et le plus clairement ce refus “ .., la social-démocratie reste reliée par un fil quasi invisible au passé du mouvement ouvrier. C’est un parti ouvrier dégénéré, fossilisé.” (.)(Carré rouge n°9, p 21). Charles Jérémie “insulte” (tance) la social-démocratie pour mieux sauver ce qui lui paraît essentiel, sa caractérisation comme parti ouvrier. C’est qu’il y a des raisons profondes aux difficultés d’un tel débat. A l’évidence la question de l’indépendance politique de la classe ouvrière ressort étroitement aujourd’hui de ses conclusions en ce qui concerne la caractérisation des partis dits “sociaux-démocrates”, et, conséquemment de la tactique du Front Unique Ouvrier (FUO). Or ces deux catégories politiques relèvent toutes deux de concepts à la fois culturels et structurels pour le mouvement trotskiste. Celui-ci ne s’est il pas formé, construit, n’a-t-il pas lutté soixante ans durant sous ces signes ? Ils étaient ses seules garanties contre les risques de repli sectaire qui lui eurent été fatal, ils constituaient en quelque sorte le manifeste par lequel il revendiquait son identité comme « partie » du mouvement ouvrier réel, par quoi il affirmait depuis les marges où il était refoulé, sa volonté de reconquête. A cette aune on comprend mieux et l’on respecte, même si on ne partage pas, la réflexion de Charles Jérémie “Si pourri soit-il le PS demeure un parti fondé historiquement comme produit de la lutte des classes du prolétariat pour se doter d’un instrument dans sa lutte contre le capital ?” A cette aune on comprend et l’on respecte également la réflexion de Daniel Bensaïd qui disait lors des premières journées d’étude de “Carré rouge”, (le 24 janvier 98) “Je ne veux pas apparaître ici comme le défenseur du front unique ouvrier. Mais il faut avoir le soucis de convaincre les autres.” (Allemagne pré-nazi) Comprendre et respecter de telles réflexions et mises en gardes, c’est possible et même souhaitable en ce qu’elles sont jusqu'à un certain point justifiées. Cela aussi longtemps qu’il s’agit de se préserver des risques de repli sectaires qui pourraient, il est vrai, découler de la redéfinition de nos concepts relatifs à la nature des partis « sociaux-démocrates » et à la pratique subséquente ( ?) du « FUO ». Mais les mêmes deviendraient dangereuses et inacceptables, et devraient à ce titre être fermement combattues, si elles se muaient en incantations cabalistiques, en entraves au débat, en ultime barrière de défense des vieux tabous. La mauvaise méthode pour dénouer les termes du débat. Ces craintes quand aux conséquences ultérieures du débat sont-elles la cause ou l’effet de cela, peu importe, mais le raisonnement s’en trouve vicié. Charles Jérémie écrit “Quand elle veulent voter contre les candidats de Juppé les masses utilisent sans beaucoup d’illusion les candidats du PS.” Mais en vérité, les masses électorales qu’il ne faut pas confondre avec la classe ouvrière, n’utilisent elles pas les candidats du PS, quand elles veulent sanctionner la politique de Juppé, non parce que le PS reste un parti ouvrier relié par un fil invisible.. etc., mais plus prosaïquement, parce qu’il est la seule voie, étroite, que le système institutionnel met à leur disposition ?.. Non on ne doit pas se satisfaire nous marxistes, de l’allégation simplificatrice selon laquelle l’élection de Tony Blair ou de Gérard Schreder signifient d’abord la défaite de Madame Tatcher et de Helmut Kohl. Cela n’a pas plus de signification que si l’on avait dit en 1965 que l’élection de Degaulle signifiait avant tout la défaite d’Alain Poher, ou celle de Valéry Giscard d’estaing en 1974, la défaite de Chaban Delmas. Car au fond, c’est sur la grille de lecture des rapports entre les classes qu’il convient que cette question, comme bien d’autres, soit analysée. Et dés lors la question est au fond : l’élection de Tony Blair ou celle de Gérard Schroeder sont elles des défaites pour la bourgeoisie ?..Pour la fraction dominante du capital qui est aux commandes ?.. Et comme la réponse ici, pour aucun de nous ne souffre la moindre hésitation, il convient d’en déduire que le vote des masses a été tout simplement instrumentalisé au bénéfice de la pérennité du système, et, que les outils de cette «instrumentalisation » du vote populaire, ce sont les partis ex “sociaux-démocrates.” Il n’y a pas le moindre contenu de classe, la moindre charge d’affrontement social, dans ce qui n’est que comportement électoral, manifestation d’un jeu de balancier, parfaitement conçu, programmé, encadré, maîtrisé, et qui a pour nom « l’alternance politique ». Ce que traduisent les alternances successives c’est le plus ou moins bon fonctionnement d’un système institutionnel dont la finalité est d’assimiler, de canaliser, de digérer les humeurs de l’opinion, les conflits éventuels, avant même qu’ils n’acquièrent un caractère d’affrontement de classes, ouvert, extra institutionnel. Ce système se caractérise précisément en ce qu’il a pour but d’éluder, dissoudre les luttes sociales et les oppositions de classes en simples jeux d’oppositions électorales ; en ce qu’il dissous politiquement la classe ouvrière en tant que classe luttant pour la conquête du pouvoir, et, la transforme en simple réservoir de voix au profit du jeu d’alternance politique qui est renonciation à sa mission historique de transformation sociale. Le raisonnement est d’ailleurs vicié en un autre point. Il n’intègre pas le phénomène abstentionniste qui est pourtant un produit de ces évolutions institutionnelles, une manifestation grave de délitement du vote ouvrier en tant que réflexe de classe. Une fraction de l’ancien électorat ouvrier, ne ressentant plus l’effet polarisateur d’une politique de classe, et ne se retrouvant par ailleurs nullement dans le nouveau jeu électoral pipé, du bipartisme et de l’alternance, se réfugie dans l’abstention. Charles Jérémie ne renonce-t-il pas lui même à nous dire en quoi le PS est toujours un parti ouvrier ?.. Certes, il nous a dit bien haut, et à la cantonade ( ?), qu’il l’est puisqu’il l’a été. Mais cela n’a rien de convainquant. Lorsqu’il s’aventure plus loin, il affirme que le PS est toujours un parti ouvrier parce qu’il reste relié “par un fil quasi invisible”. C’est précisément son grand défaut à ce fil que d’être quasi invisible. Certes voilà de la sorte son découvreur libéré de la difficile tâche de l’identification des liens. Mais, et je suis persuadé qu’il en conviendra lui même, la ficelle argumentaire en l’occurrence ( ?), pour être invisible n’en est pas moins grosse. Or, d’une certaine façon, cela est tout de même vrai que le lien qui relie, encore de nos jours, le PS au mouvement ouvrier est invisible. Il est strictement conceptuel, une manifestation en quelque sorte de la mémoire rémanente. Il se loge dans les têtes d’un nombre encore non négligeable de camarades, gardiens du temple et de ses tabous. Car, ainsi que nous l’avons déjà dit, le débat touche ici au « sain des sain », au « sacré », aux références « identitaires », culturelles et structurelles du mouvement trotskiste. L’on pourrait presque dire des concepts qui s’attachent aux deux questions, de la caractérisation des partis « sociaux-démocrates » et du « front unique ouvrier », qu’ils ont valeur de dogmes dans nos rangs. A cet égard il conviendrait de dire qu’en vérité la méthode pragmatique dissimule une (tentation) posture dogmatique. La pensée politique stagne sur le terrain de la simple description factuelle par crainte consciente ou inconsciente de ses conséquences iconoclastes. Elle reste alors figée, suspendue au passé, dans le confort des certitudes révolues. Malgré les évidences criantes elle garde cette disposition d’esprit, parce que la conception théorique n’a fondamentalement pas évoluée, parce qu’ils s’obstinent à analyser le Parti Socialiste comme un parti ouvrier bourgeois « Social-démocrate », et conséquemment les coalitions gouvernementales que celui-ci est appelé à former comme des cadres de « front unique ouvrier ». Je ne tiens à blesser personne. C’est pourquoi je n’insisterai pas trop sur cet aspect du débat. J’ai choisi pour définir l’état actuel de celui-ci de parler plutôt de l’existence d’une « ligne rouge » virtuelle, définie par les acteurs eux mêmes et qu’ils s’interdisent de dépasser. Mieux encore, littérairement plus joli, je ferai appel à une métaphore (ou allégorie) ( ?), je parlerai dés lors de l’existence symbolique d’un « Rubicon » de la pensée qui, comme chacun sait, est la rivière qu’il convient de ne pas franchir. Des voies en impasses et bateaux percés. La question que je poserai à ce stade, de façon très directe, est la suivante : et si le fil avait été rompu depuis un certain temps déjà ? Si son invisibilité, son immatérialité résultait tout simplement de son inexistence ? Les camarades du « comité pour une internationale ouvrière » (CIO) ont voulus aller plus loin que le simple constat du problème posé par la caractérisation des partis « sociaux-démocrates ». Ils ont refusé le repli effarouché sur les acquis « immuables », ils ont tenté une incursion en direction de l’analyse concrète de la réalité concrète. Ils ont élaboré à cet effet le concept de « bourgeoisification ». Parce qu’il fait chorus avec ceux, qui ciblent le problème de caractérisation des partis « sociaux-démocrates » comme l’un des noeud du débat actuel, parce qu’il ébauche une timide incursion sur le terrain des réponses possibles, nous devons reconnaître deux mérites à ce concept. Mais ce sont, les seuls et ils sont limités. Le concept de « bourgeoisification » est insatisfaisant car, le débat qui affleure ne peut se développer. Il porte en effet des défauts intrinsèques bien plus grands que ses mérites. Il y a des « partis bourgeois » et des « partis ouvriers », et entre les deux ?.. Des partis mutants ? Transsexuels ? En voie de ?.. Des partis qui sont d’une nature et en passe de devenir l’autre. En nous prenant ainsi en tenailles dans le dilemme simplificateur : « parti bourgeois » ou « parti ouvrier », ce concept tue en vérité le débat sur les particularités concrètes des partis réels, leurs évolutions historiques, sociologiques, environnementales, structurelles, institutionnelles, etc. En disant : parti ouvrier ou bourgeois, il faut choisir, ils se font peur de leurs propres audaces. Dans ce contexte en effet dire clairement, par exemple, le PS, n’est plus un parti ouvrier, revient à dire qu’il est un parti bourgeois. Cela ne permettant pas de faire état ni de sa nature réelle, ni de ses particularismes apparaît exagéré et donc faux. C’est une manière de nous inviter à différer « la sentence ».. On ne poussera pas l’analyse à son terme, on s’arrêtera juste avant : de plus en plus bourgeois, mais tout de même encore « social-démocrate ». L’on en sort pas. Le grand défaut du concept de « bourgeoisification » est autre, toutefois. C’est de n’être ni chèvre ni choux. Qu’est-ce qu’un parti en voie de bougeoisification ? C’est selon les circonstances, aux convenances de la démonstration à produire, tantôt un parti ouvrier et tantôt un parti bourgeois. Cela se prête à tous les accommodements, à toutes les aventures opportunistes aussi bien qu’à toutes les déviances sectaires. Ca ne permet en aucun cas de « plomber » une orientation politique. C’est, en l’état, un concept pour ne servir à rien sinon à éluder la vrai question. Ce concept qui réagit à un réel problème d’analyse et le résous, en quelque sorte, à sa manière, par une approche plus sociologique que politique : “bourgeoisification des partis sociaux-démocrates”, clôt le débat en l’ouvrant. Il n’autorise pas le réarmement théorique que l’on attend. Les camarades du CIO ont mis ainsi un pied dans l’eau du Rubicon et l’on retiré immédiatement en s’effrayant eux mêmes de leur audace iconoclaste. Pour l’heure, à ma connaissance, seul Charles-André Udry fait une tentative réussie de franchissement du Rubicon : “La jonction organique entre des cercles centraux de la social-démocratie et le grand capitalisme privé (par exemple en France, dans le cercle de l’industrie, crée par D Strauss-Kahn) fait de ces partis des vecteurs efficaces d’un projet social libéral”. Projet social-libéral et non social-démocrate, c’est un progrès que je souligne. Pour la première fois un des auteurs cités nous propose une conséquence théorique aux évolutions objectives constatées. Charles André Udry est tout proche ainsi d’achever la traversée. Paradoxalement il reste dans le gué, sa barque était percée. C’est que le « libéralisme » n’est pas une catégorie, ni économique, ni sociale, politique peut être ? tout juste (un petit mot) de politique politicienne. Un voile sémantique, assurément, dont se parent pudiquement les secteurs les plus agressifs du capitalisme d’aujourd’hui. Il conviendrait donc de dire « projet social-capitaliste » et non social-libéral. Mais, même ainsi n’est-ce pas faire abstraction de l’un des apports fondamentaux de Lénine à la pensée économique marxiste, qui structure celle-ci depuis ? Celui-ci n’a-t-il pas écrit un opuscule intitulé “L’impérialisme stade suprême du capitalisme” ? A l’heure de la mondialisation économique qui est l’instant historique d’universalité de l’impérialisme, sous les vocables de libéralisme économique se cache fort mal l’impérialisme agressif et monopolistique. Ne faut-il pas enfin oser appeler un chat une chat. Le libéralisme n’ayant pas d’existence propre il ne peut y avoir de “projet social-libéral”, il faut donc convenir, sans plus tarder et sans détour, que la politique qu’incarne le nouveau cours social-réformiste ne peut être désigné autrement que « social-impérialiste ». J’ai conscience, pour le connaître un peu, que Charles André Udry sait tout cela bien mieux que moi même. Si il dit “social-libéral”, je craint que ce ne soit la manifestation d’une ultime faiblesse face aux tabous qu’il faut bousculer. N’est-ce pas par un ultime soucis de ménager les consciences rétives et les susceptibilités ? Car dans libéral subsiste le préfixe « liber » qui adoucit la sentance alors que « social-impérialisme » dit la réalité toute nue sans le moindre soucis de ménagement. Mais le ménagement est une démarche politique qui s’accommode mal des exigences de la rigueur théorique. Charles André Udry, on l’a vu, n’aura pas atteint l’autre rive de la rivière interdite sans se mouiller un peu. Il l’atteint toutefois lorsque dans un ultime effort il prolonge son propos de la sorte : “ deviennent ainsi des vecteurs efficaces d’un projet social-libéral s’inscrivant dans un bipartisme émergeant qui rend caduque les approches « traditionalistes » sur le changement de majorité gouvernementale (gauche-droite ou l’inverse).” Il touche là à la question institutionnelle, sur laquelle il projette un éclairage nouveau, mettant en évidence son lien indissoluble d’interactivité avec la précédente (la nature des ex partis « sociaux-démocrates »). Le “bipartisme émergeant”, selon sa formule étant, en l’état actuel des choses avec l’alternance qui lui est corrélative, la forme institutionnelle idéale de maîtrise politique des sociétés par la fraction dominante du capital impérialiste. L’éclairage qu’apporte ainsi Charle André Udry, m’apparaît un concours considérable venant étayer mes propres thèses développées dés 1986 dans “social-bonapartisme et classe ouvrière”.


IV
LA QUESTION INSTITUTIONNELLE


Il y a eu de tous temps, et en toute société, une étroite corrélation entre les conditions économiques qui les sous-tendent, la nature des classes sociales aux prises, les rapports de forces qui les régissent et les institutions politiques qui en résultent et constituent le cadre de maintien d’une certaine cohésion sociale. Ainsi, les partis sociaux démocrates ont ils étaient en leur temps les produits subséquents ( ?) de l’expression politique de la classe ouvrière dans le cadre institutionnel des républiques parlementaires bourgeoises. Ne devaient-ils pas bien naturellement disparaître avec l’environnement institutionnel qui avaient présidé à leur existence ? L’ultime moyen de contester cette évidence serait bien entendu de nier la précédente. Pour justifier de la présence parmi nous de la social-démocratie ne faut-il pas analyser les régimes politiques actuels comme des républiques parlementaires ? « Impossible n’est pas Français ». Aussi désuet, que cela paraisse, de telles attitudes existent pourtant. Elles se manifestent par exemple dans les écrits de « voix des travailleurs » de façon sommaire mais cohérente, mais également dans ceux de Léonce Aguirre et max Dormoy, dans ceux de Daniel Bensaïd aussi. L’argumentaire de VDT ainsi que celui de Aguirre et Dormoy procèdent de la négation des évolutions institutionnelles. Ils font l’impasse sur trente, voire cinquante ans, d’histoire institutionnelle. Le stratagème consiste à conférer aux « ersatz » ( ?) de parlements subsistants, une signification institutionnelle qu’ils n’ont pas. “ Il y a nécessité impérieuse d’avoir une claire compréhension de la nature de l’état, ce qui implique une critique radicale du parlementarisme,..” (.) écrivent Léonce Aguirre et max Dormoy (Carré rouge n° 10, p. 45). “derrière le parlementarisme et la démocratie bourgeoise, la dictature du capital” annonce « Voix des travailleurs » en titre de l’un des chapitre de son document programme (p.12). La claire compréhension de l’état, j’ai la faiblesse de croire que tous les marxistes révolutionnaires la partage depuis que Lénine a écrit à leur intention “L’état et la révolution” Mais cela , on doit se rendre à l’évidence, n’exclue pas une grande confusion quand aux avatars politiques dans lesquels il s’incarne (métempsycose) . La critique radicale du parlementarisme a été faite depuis longtemps par les marxistes à commencer par Fiedrich Engels (“Critique des programmes de Gotha et d’Erfurth”) (vérifier) par Lénine dans “L’état et la révolution” et de nombreux autres écrits, par Trotsky, Rosa Luxembourg et bien d’autres. Au demeurant le parlementarisme n’existe plus de nos jours. Il a été rayé de notre paysage politique national avec la mort de la IVème République, qui n’en était elle même qu’une survivance, conséquence atemporelle du croisement contradictoire entre les rapports de force entre les classes au sortir de la deuxième guerre mondiale et la politique dite de Yalta. Il a survécu semble-t-il en Italie, comme un ectoplasme, comme l’ombre de lui même, pour des raisons similaires. L’opération « mains propres » et la réalisation de l’alternance, dont le PDS, ancien parti communiste, est devenu un des piliers, ont mis à l’ordre du jour l’euthanasie prochaine de se dernier spécimen du genre. L’état aujourd’hui, nulle part dans le monde ne se caractérise plus par le parlementarisme ni la démocratie bourgeoise. Les parlements, héritages surannés ( ?) et décoratifs d’un passé révolu, sont des instruments d’occultation de la réalité des rapports politiques. Ce qui caractérise les formes politiques de l’état de nos jours, c’est la domination des exécutifs et l’alternance qui est substitutive du parlementarisme. Tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains de l’exécutif. (article 49-3 de la constitution française, pour ne citer que celui la). Les parlements sont de simples chambres d’enregistrement sans la moindre parcelle de pouvoir réel Il faudra bien admettre un jour la réalité concrète, à qui veut être à la hauteur des exigences de l’analyse concrète laquelle a seule qualité d’analyses marxiste. L’obstination à faire la “critique radicale du parlementarisme”, qui n’existe plus, n’a-t-il pas pour effet d’occulter la critique nécessaire des institutions réelles, celles qui existent et qui sont les nôtres, celles autoritaires et anti-démocratiques, de la Vème République ? Mais, pour ceux qui s’en rendent coupables, la finalité de cette obstination est autre toutefois. Il s’agit, de façon consciente ou instinctive, d’établir une certaine cohérence, au moins apparente, avec le refus de caractériser les partis sociaux-réformistes actuels autrement que comme « sociaux-démocrates ». En effet, pas plus que les poissons hors de l’eau, les partis sociaux-démocrates ne peuvent exister en tant que tels hors des cadres institutionnels des républiques parlementaires. C’est pourquoi ceux qui veulent justifier de l’existence des uns, se voient contraints, contre toute évidence, de jurer de la survie des autres. Le Parti Socialiste SFIO (section française de l’internationale ouvrière), à l’image de la république dans les cadres de laquelle il évoluait, n’était déjà lui même qu’une pâle survivance de la social-démocratie d’avant guerre. Il périclite et dégénère jusqu'à ouvrir lui même, par l’entremise de Guy Mollet son chef, les portes du pouvoir à De Gaulle. Or, la naissance de la Vème République, qui met fin à l’ère des république parlementaires en France, détruit les bases objectives de son existence. Et de fait, la SFIO recule dés lors et se meurt. Les élections présidentielles de 1969 avec le tendem Deferre Mendès-France réduit à 5% ( ?) du corps électoral, en marque l’agonie. Daniel Bensaïd, ne nie pas les spécificité de la Vème République, il les cibles au contraire et les vilipende ( ?). Mais paradoxalement cela ne le conduit pas à contester à celle-ci son caractère supposé de démocratie parlementaire. Il se limite à remarquer que ceux qui prétendent qu’elle “est la forme supérieure de la démocratie”, doivent “au moins jouer le jeu jusqu’au bout” (p.136). Comme s’il n’existait pas d’autres formes possibles de Républiques bourgeoise que les Républiques parlementaires.. Ainsi autoritaire et Bonapartiste soit, “pourquoi ne pas soulever l’épineuse question de l’élection du président de la République au suffrage universel, qui est au cœur de la perversion des institutions démocratiques” (p.137) la Vème République serait en quelque sorte une République démocratique pervertie, une République parlementaire dégénérée, mais République parlementaire tout de même. Comme si le contenu n’avait aucune espèce de réactivité sur le contenant. Jean-paul Cros (quand à lui), intègre une partie, mais une partie seulement, de l’histoire institutionnelle de cette deuxième moitié du vingtième siècle. Il admet (lui aussi) les spécificité de la Vème République, dont il souligne les caractères autoritaires et bonapartistes. “ machine à faire passer des mesures antisociales, la Vème République n’est pas autre chose qu’un dispositif monté de toute pièces pour imposer des mesures et des lois scélérates ...” elle n’a donc plus rien à voir avec les Républiques parlementaires. Mais, paradoxalement, son analyse reste suspendue dans l’avant 1968. Sa pensée fige la Vème République dans son état premier, celui d’institutions “ taillées à la mesure exacte de De Gaulle...”. Comme s’il ne s’était rien passé, au plan institutionnel, depuis l’effacement de celui-ci en 1969. Il nie nous l’avons vu, la réalité même des aménagements institutionnels majeurs que sont le bipartisme et l’alternance qu’il perçoit comme une « marotte » de politologues. Il affirme ensuite que “les tentatives de « modernisation-réformes » de la constitution deviennent aussi aventureuses que vaines”. Des institutions inadéquates et incapables d’évoluer cela débouche sans nul doute sur une crise majeure. C’est pourquoi selon lui, l’histoire institutionnelle depuis trente ans, se réduit à la longue agonie de la cinquième République qui en annonce la mort prochaine. Une agonie de trente ans, au regard des réalités cette affirmation paraît friser le ridicule. afin de prévenir le contradicteur éventuel il s’efforce de donner à l’agonie dont il parle une échelle historique. A cet effet il fait appel a Trotsky qui écrivait en 1939 “un gouvernement dés lors qu’il est établi, peut durer plus longtemps que le rapport de forces qui lui a donné naissance ? C’est précisément d’une telle situation que sortent les révolutions, les coups d’état, les contre révolutions” Or cette citation en l’espèce, n’est pas opérante pour l’usage auquel elle est employée. Ce que dit en l’occurrence Léon Trotsky c’est que la détention des leviers du pouvoir permet à ceux à qui elle échoit de maintenir l’état des choses existant même quand les rapports de force réels se modifient en leur défaveur. Il ajoute qu’à termes ces circonstances donnent naissance à des coups d’état, des révolutions ou contre révolutions, c’est à dire des situations de crises ouvertes. Mais à aucun moment il n’assimile ces situations de pouvoir qui peuvent perdurer à la crise elle même, encore moins bien sur à l’agonie qui même à l’échelle de l’histoire identifie les moments qui précèdent la mort. Mais Jean-Paul a de la répartie “a première vue, affirmer mordicus que ce qui est établi depuis longtemps va sombrer fait l’effet d’une illumination”. Or le débat n’est pas là. Bien sur, la Vème République, comme tout ce qui relève du pouvoir temporel ( ?), périra un jour. Cela ne fait aucun doute. Je le souhaite moi même ardemment, que ce soit le plus vite possible et que périssent avec elle le système capitaliste tout entier et le sacro-saint tabou de la propriété privée. J’ai l’espérance comme je l’ai écrit ailleurs que ce sera alors pour céder la place à une constitution socialiste et démocratique. Mais il convient de ne pas prendre ses désirs pour la réalité. Que ce soit pour l’option du socialisme ou celle de Le Pen d’une VIème République, ou celle du « Parti des travailleurs Lambertistes » “d’une véritable démocratie”, la fin de la 5ème République n’est pas vraiment à l’ordre du jour et son agonie n’a pas commencée. Parce qu’il a nié les évolutions institutionnelles majeures que sont l’alternance et le bipartisme, Jean-Paul Cros s’est mis lui même en situation de ne pas comprendre le sens ni les enjeu réels des péripéties politiques actuelles. Il confond crise de la droite institutionnelle et crise des institutions. ................. En vérité toute cette analyse de la crise institutionnelle prétendue, n’est que la conséquence induite de la négation du bipartisme et de l’alternance. Cette négation en effet oblige, à leur tour, ceux qui la porte à une fuite en avant intellectuelle afin d’établir une certaine cohérence de leur raisonnement. Mais la finalité vrais de cette approche particulière, à travers la négation du bipartisme et de l’alternance, est la suivante : ne pas être contraints de tirer les conséquences que cela induit à l’endroit de la social-démocratie, quand aux évolutions de sa nature intrinsèque et de sa relation à l’état bourgeois et aux institutions. Voilà une constitution que l’on nous présente comme malade. Que dis-je ? agonisante même. Pourtant les mêmes qui la décrivent ainsi nous disent qu’elle reçoit les soutiens unanimes de toutes les forces politiques. Jospin et le leitmotiv du respect de la cohabitation, Robert Hue (avec) le respect des institutions de la Vème République, Elyzabeth Guiguou s’inclinant devant la primauté présidentielle, l’extrême gauche elle même qui, en se situant dans « la gauche » ou à sa marge, c’est à dire dans les cadres impartis par l’alternance institutionnelle, fait acte d’allégeance passive (aux institutions). On peut appeler cela “soumission”, “enchaînement” (......) afin de ménager son fantasme, de ne pas contredire le dogme sacro-saint de l’existence de la social-démocratie, le résultat n’en est pas moins édifiant. Une constitution, des institutions, qui reçoivent autant de marques d’allégeances, pour le moins, ne sont pas en danger immédiat. Alors... Impuissance des institutions ? Qu’elle impuissance ? Prenons 1995, il s’est agit d’une crise sociale d’importance. Elle fut pourtant maîtrisée, différée, digérée par les institutions et transformée dans la « petite alternance de gauche » de 1997, pour le plus grand bonheur de la bourgeoisie Maastrichienne. Prenons les évolutions récentes de la CGT, consacrées par son 42ème congrès, c’est « l’intégration syndicale » qui a fait de la sorte un pas de géant en avant, la solution, presque acquise à présent, de l’une des tâches les plus difficiles et les plus délicates de l’après Degaulle. Ce qui est à l’ordre du jour dés lors c’est l’institutionnalisation du syndicalisme. Des exigences commencent à se manifester dans ce sens. Le président de la République a lui même récemment souhaité la mise en chantier d’une révision constitutionnelle ( ................. social). L’on peut certes s’obstiner à ne voir que l’effet des hasards, une succession ininterrompue d’approximations d’erreurs d’échecs, de renoncements (renoncement suppose volonté préalable) dans la conduite des affaires. La gauche de 81 à 86 aurait à cette aune été qu’une vaste période d’échecs : échec de la relance, échec des nationalisations, échec de la lutte contre le chômage,... Et cela se serait poursuivit échec de Juppé en 95, échec de la dissolution en 97, échec de la droite aux législatives, .......... Les dirigeants politiques de ce pays seraient-ils donc tous obtus, ignares, butés, incompétents. ballotés comme des barques sans gouvernail, se limiteraient-ils à aller vau-l’eau, à gérer le présent, à faire face tant bien que mal aux contingences. Dominés par les éléments, auraient-ils perdu toute maîtrise de ceux-ci ? Selon cette façon de voir chacune de leur tentative de reprendre l’initiative seraient vouées à des revers cuisants . Ils seraient donc atteints du syndrome de l’échec, frappés d’impuissance et d’inanité politique. Le paradoxe c’est que ces échecs sont surtout des victoires successives du capital sur le travail. Le malheur pour la crédibilité d’une telle vision c’est que tout dans la réalité la contredit, (en signale le caractère désuet) béate ........ Chômage, destruction des bastions industriels, restructurations, délocalisation, désindexation des salaires, pertes massive de pouvoir d’achat, dégradation de la couverture sociale, flexibilité, précarité généralisée, ............. Le paradoxe c’est qu’en fait d’impuissance et d’inanité politique les faits traduisent une cohérence troublante et une continuité sans faille de l’action gouvernementale, par delà les péripéties politiciennes des alternances grandes ou petites des cohabitations longues ou courtes. Ainsi Rocard, commanditaire du livre blanc sur les retraites à inventé la CSG qui est l’outil fiscal indispensable à la mise en œuvre du plan juppé dont l’un des objectifs essentiels est la fiscalisation de la sécurité sociale. Œuvre que parachévera Martine Aubry. Dans le même esprit on peut ne voir dans les évolutions récentes du paysage syndical, qu’une suite d’erreurs, d’approximations et d’échecs. Ainsi, Edmond Maire, avec le « recentrage » de la CFDT en 1979 aurait-il été victime selon Daniel Bensaïd, ............. Le malheur pour cette vision fataliste c’est que la nouvelle stratégie adoptée par la CGT, l’infirme totalement. ...................... Pour son intelligence, l’histoire contemporaine du syndicalisme Français, oblige à recadrer les évènements dans la grille de lecture de l’action consciente des divers acteurs Alors, ceux qui a la longue risquent d’être frappés à leur tour du sceau de l’inanité politique, de se couvrir de ridicule, ce sont ceux qui persisteraient à ne pas vouloir regarder la réalité bien en face ? De cette aptitude à surmonter les contradictions sociales, à maîtriser les conflits, à canaliser les tensions, il faut bien déduire que les institutions de la Vème République fonctionnent plutôt bien et font preuve même d’une grande (efficacité) ? La vérité est donc, semble-t-il, bien différente de la description (partisane) qu’en fait J-P Cros. La réalisation des conditions de l’alternance depuis 1981 a projeté au contraire, les institutions de la Vème République dans l’avenir. L’alternance n’est pas un corps étranger qui est venu en détruire le fragile équilibre bonapartiste, elle les sublimes au contraire, plus... elle les transcendes. Dans “Social-bonapartisme et classe ouvrière” j’ai proposé une lecture des faits autrement plus sérieuse, cohérente et équilibrée, plus scientifique, politique et historique aussi. La disparition de De Gaulle de la scène politique mettait ses successeurs en demeure de réaliser certaines évolutions institutionnelles que j’ai baptisées « les tâches insolubles de l’après De Gaulle » : . Alternance politique . Bipartisme . Régionalisation . Intégration syndicale . Raccourcissement du mandat présidentiel . Mise en concordance des échéances électorales. François Mitterrand a commencé à résoudre celle-ci avec l’alternance de 81. Situation exceptionnelle et homme exceptionnel. J’avais qualifié cette période, et elle seule, de “social-bonapartiste”. La constitution n’a pas été conçue, nous dit-on, pour l’alternance. Elle ne pouvait en effet instaurer celle-ci, ni le bipartisme qui lui est subséquent ( ?), car cela est du domaine de la vie et ne se décrète pas. Mais par la bipolarisation de la vie politique qui en résultait entre majorité présidentielle et opposition, elle en créait le cadre et les conditions. Avec l’accès à « la culture de gouvernement » (1981-1986), le parti socialiste a cessé d’être un Parti social-démocrate, il s’est mû en rouage institutionnel, partie intégrante du régime et de ses institutions. L’incapacité à entreprendre la solution des tâches de l’après De Gaulle qui caractérisa les présidences de Georges Pompidou et de Valéry Giscard Destaing, avait crée une situation de crise institutionnelle larvée (1969-1981). C’est l’époque où la LCR parlait de “vacance du pouvoir”. A tord, car le pouvoir était, par les vertus de la constitution, tout de même solidement assuré. La prolongation de cette situation qui mettait en charge d’une constitution césariste des hommes qui n’en avaient pas la stature, aurait à terme débouchée sans nul doute sur une crise institutionnelle ouverte. Mais 81 survînt qui écarta ce risque. Depuis 1988 on peut dire qu’une autre situation de crise institutionnelle potentielle s’est crée du fait des difficultés de la droite à constituer, face au PS, un parti d’alternance unifié. L’on peut même ajouter que la prolongation de cette situation pourrait déboucher, à termes, sur une crise institutionnelle ouverte, dans un avenir proche, peut-être 2002 ? Si aucun homme politique de droite, n’est apte à tirer profit de l’effet de bipolarisation que l’échéance présidentielle ne manquera pas de réactiver, pour mettre de l’ordre dans les rangs. Mais nous n’en sommes pas encore là. Pour l’instant la crise est celle de la droite institutionnelle, pas celle des institutions. Au demeurant si une crise institutionnelle se précisait à l’horizon 2002, ce ne pourrait être pour l’heure qu’une crise larvée. Aussi longtemps que PS et PCF, verts et extrême gauche s’évertueront à drainer le mécontentement populaire dans l’ornière institutionnelle, celles-ci ne sauraient courir un véritable danger. Ca n’est que lorsqu’un parti ouvrier indépendant assurera la mobilisation populaire sur le terrain extra institutionnel, lorsqu’il armera politiquement celle-ci contre les institutions autoritaires et anti démocratiques de la Vème République, que la crise ouverte de celle-ci sera vraiment à l’ordre du jour. Quand sa réalité intrinsèque n’est pas purement niée par les uns, pour les autres la Vème République ne serait en quelque sorte, qu’un accident de l’histoire, une parenthèse sans grandes conséquences sur les réalités politiques du moment. Née de la volonté de De Gaulle en 1958 elle serait désuète, voire sur le point de disparaître. La parenthèse refermée les choses resteraient égales à elles mêmes. Bien qu’ayant subie des évolutions, liées à celles du capitalisme ambiant, pour l’essentiel la République reste parlementaire et la social-démocratie reste la « social-démocratie. Or, loin d’être un (épiphénomène), l’histoire de la Vème République est l’expression institutionnelle des évolutions structurelles du capitalisme. A ce titre elle n’est pas une parenthèse de l’histoire politique française, mais bien l’expression nationale d’un puissant mouvement à l’œuvre dans toute l’Europe.
Bien loin d’être obsolètes ou dépassés, les principes sur lesquels sont fondées les institutions de la Vème République, sont ceux que la fraction dominante du capital s’efforce de généraliser. Des évolutions sont ainsi à l’œuvre depuis la décennie 70, dont la finalité est l’harmonisation des institutions politiques des états membre de l’Union ou désireux d’y adhérer. Partout en Europe, ce que d’aucun appellent encore les social-démocratie, jouent un rôle majeur dans le pilotage de ses évolutions institutionnelles. Plus même, comme modèle le mieux adapté de sa propre domination, ce sont celles que l’impérialisme tante d’imposer un peu partout dans le monde : un président ou un chef de l’exécutif élu au suffrage universel direct, le bipartisme et l’alternance comme cachet démocratique et outil d’assimilation des tensions sociales. C’est le modèle de référence, prétendu démocratique. Les évolutions institutionnelles ne sont bien entendu que l’expression concrète des rapports politiques réels qui se caractérisent par la domination incontestée de la fraction impérialiste du capital. Elles sont sensées en asseoir et en pérenniser l’emprise sur les appareils d’état.


V
CONSTAT DE CECES
DE LA SOCIAL-DEMOCRATIE


.................................................. ......................................... C’est sur cet arrière plan que se composa dans les années 70, (ainsi que je l’ai écrit ailleurs,) le phénomène appelé à tord « renouveau des social-démocraties ».A tord, (disais-je,) car les conditions objectives de son existence ayant disparues, il n’y avait pas de place pour un quelconque renouveau de la social-démocratie. Il s’agissait en vérité d’un courant politique entièrement différent. Son seul lien avec les vieilles « social-démocraties » était l’utilisation de leurs défroques au profit d’un projet politique extérieur. Le PS que nous connaissons aujourd’hui en France n’a ainsi rien à voir avec feu la SFIO. Il s’agit du nouveau PS “refondé”, selon les propres termes de ses initiateurs, au congrès d’Epinay en 1971. Ce congrès fut le moment historique du subterfuge par lequel François Mitterrand s’empara, pour un autre projet politique, de la défroque historique de feu la social-démocratie française. (J’ai analysé longuement dans ma plaquette “social-bonapartisme et classe ouvrière” les conditions dans lesquelles cette transformation fut opérée en France. J’indiquais quelques pistes pour l’étude de leur cheminement en Allemagne et ..............) « la République de 81 » situe cette date charnière. Au regard de ce qu’elle inaugurait, elle est l’acte de naissance politique du (« social-impérialisme ») (ici ?) en France. Mais en vérité, de façon plus précise il conviendrait d’arrêter comme date de naissance de celui-ci, 1983, qui fut celle du tournant « de la rigueur » et les premiers pas dans l’acquisition de « la culture de gouvernement ». A l’égard de la période qu’elle clôturait on pourrait dire de 81 et de la période programme commun et Union de la gauche qui l’avait précédé, qu’il c’était agi (du chant du cygne) de la social-démocratie Française. L’esprit sur lequel était fondé le programme commun et l’union de la gauche était encore en partie d’essence social-démocrate. En partie seulement, car il était en vérité ambivalent. Il contenait deux projets antinomiques. Pour « la galerie », pour ceux qui se sentaient engagés par leur croyance dans les promesses électorales, comme l’eut dit Charles Pasqua, c’était un projet social démocrate. Pour Mitterrand et son équipe rapprochée c’était un projet de liquidation des illusions populaires et de refondation du PS comme parti d’alternance et de gouvernement. La politique Mitterrandienne de la période 81/83 a consisté précisément à liquider les fondements « marxisants » de l’idéologie d’alors de la gauche française. “Il fallait rompre avec la culture du « changement de société » et lui substituer celle du « consensus social ».”(.). Ce bagage culturel (marxisants) « (l’union de) ( ?) la gauche » le tenait de la tradition stalinienne du PCF d’alors, mais pas seulement, de ce qui restait aussi d’héritage « social-démocrate » dans la culture politique de certains cadres du PS, mais également dans le subconscient des masses, dans la relation que celles-ci entretenaient encore avec le PS et le PCF. Cette culture politique marxisante qui était celle de la gauche d’alors peut être ramenée à deux grands principes, ses « piliers » idéologiques : les nationalisations et la relance économique. Vous pouvez le constater, depuis ce tournant le discours politique de « la gauche » a fondamentalement et définitivement changé de ton et de contenu. La suite a largement démontré la perspicacité de cette analyse. Force est de constater que depuis cette époque qui fut celle « du chant du cygne » de la social-démocratie française, l’on n’entend plus son credo traditionnel. Même en période électorale, l’on entend plus, le moindre discours fondé sur « la relance » « les nationalisations » « le plein emploi » « les réformes constitutionnelles visant à changer la nature des institutions de la Vème République dans un sens plus démocratique. C’est à cet endroit précis que s’interrompt en effet la filiation historique de la « social-démocratie » avec le mouvement ouvrier politique. C’est par voie de conséquence l’endroit où le fil devient invisible. En intégrant le jeu du bipartisme institutionnel et de l’alternance politique, les ex partis sociaux-démocrates, ne font pas qu’adopter un cours nouveau, ils changent aussi fondamentalement de nature. De recours, contingent et ultime qu’ils étaient pour la bourgeoisie, ils deviennent des pièces essentielles et permanentes de son système institutionnel, des outils directs et pérennes de la domination de la fraction dirigeante du capital. “là se situe d’ailleurs la première différence de taille entre « social-démocratie » et « social-impérialisme ». Alors que la première résultait de l’assimilation d’une partie du mouvement ouvrier politique dans le cadre de la démocratie parlementaire bourgeoise, le second est un cadre politique étranger au mouvement ouvrier” (.) (Social-bonapartisme et classe ouvrière. P. 126.) C’est ce que pressent Charles André Udry quand il écrit : “ce constat ne renvoie pas à une simple prise en compte de la glissade « social-bourgeoise ».. initiée (officiellement) en 1914 !... On assiste à une mutation qualitative des cercles dirigeants et des partis sociaux-démocrates”(.)(Carré rouge n°9, p.16). C’est ce changement qualitatif, ce point de rupture de la filiation historique que pressent également, semble-t-il, Denis Collin cité par Charles Jérémie “L’abandon à la fois officiel et de facto de toute référence à la transformation socialiste inscrit clairement la social-démocratie actuelle dans une trajectoire qui ne la distingue plus des partis libéraux comme les démocrates américains” (.)(Carré rouge n°9, p.20). Pour ma part j’écrivais cela dés 1986 : “ l’idée dont procédait « la social-démocratie » était celle de la réforme du système capitaliste. Elle voulait transformer celui-ci par l’injection indolore de réformes à doses homéopathiques. Elle n’en restait pas moins ouverte ainsi aux idées du socialisme et rattachée quelque part à l’aspiration à un profond changement de société ... Le social-impérialisme procède lui de l’idée de l’alternance, il est de ce fait, totalement et définitivement, fermé à toute idée de changement de société. Il rompt, par là aussi toute attache avec le mouvement ouvrier indépendant et l’idéal socialiste dont celui-ci est porteur... (p.127). Telles sont les conséquences théoriques, pleines et entières qu’il faut oser déduire pour accéder à l’autre rive du Rubicon de la pensée politique marxiste actuelle. L’avènement du social-impérialisme rend caduque l’idée de réforme, elle même. Celle-ci perd toute justification historique et tout attrait idéologique. L’alternance supposant que tout ce qui a été fait un jour peut-être défait le lendemain” (.) (Social-bonapartisme et classe ouvrière.) ... (commenter) Le recours à la dogmatique Aussi évidentes qu’elles soient les évidences ont pourtant du mal à s’imposer. La pensée retarde sur la réalité. Frileux et craintifs, beaucoup des militants préfèrent s’en tenir aux approches classiques, celles qui ont fait leur preuves dans le passé, qui leur procurent une grille de lecture toute faite de la réalité, au demeurant authentifiées par « les maîtres fondateurs ». De telles attitudes conduisent invariablement, à défaut de faire bouger les concepts pour rendre compte de la réalité, à tordre, déformer, travestir, celle-ci pour justifier les concepts. Ainsi fossilisés ceux-ci, se parent des caractéristiques qui des idées font des « dogmes ». Cette postures dogmatique de la pensée est apparente dans les positions exposées ci dessus, de VDT ou celles d’Aguirre et Dormoy, elle ne le sont pas moins dans celles défendues par Jean-Paul Cros dans les débats qui animent GRC. Les gardiens du dogme (du temple) ne désarment pas. Voilà une de leur dernière ligne de défense: “Malgré tout il serait dangereux pour les révolutionnaires d’enterrer aujourd’hui le réformisme”. A défaut d’en nier la mort il voudraient interdire qu’on l’inhume. Est-il tout à fait mort ? Ne va-t-il pas comme Lazare se lever à nouveau et marcher ? à défaut de certitude ils optent pour une apparente sage prudence. Cette attitude superstitieuse peut paraître même ne pas être dépourvue d’un certain bon sens inattaquable. Il va de soi en effet que le « réformisme » au sens général de la «réforme » n’a pas disparu. Depuis Henri IV, et même avant la lettre, sous Philippe Le Bel déjà, dans l’avenir encore, probablement bien des siècles durant, les réformes se succéderont pour adapter les réalités politiques et administratives aux évolutions techniques, économiques et sociales. Suivant le groupe social auquel on appartient, on les baptise réformes ou contre réforme. Il ne s’agit là que de (précautions) de langage désuètes, qui ne changent rien à la réalité. En politique, comme en algèbre ou plus et plus font moins, les contre réformes ne sont que les réformes des réformes. gouvernements de droite ou de gauche, révolutionnaires mêmes, en réaliseront encore et encore une infini succession. L’action politique est par essence réformatrice. Or les réformes peuvent bien sur susciter des espoirs dans le meilleur fonctionnement de la « sécu » ou de la « justice », des illusions mêmes dans l’amortissement des excès du libéralisme. Mais est-ce bien le sujet ? Il convient de ne pas confondre « action politique réformatrice » et « réformisme politique ». Au prétexte que l’action politique réformatrice ne saurait être enterrée il n’est pas juste d’en déduire que le réformisme politique est bien vivant et la social-démocratie avec. Certes le réformisme au sens populaire, à celui de la réforme en général, a encore de beaux siècles devant lui. Mais le réformisme politique qui consiste à prétendre transformer la société capitaliste en société socialiste, sans révolution, sans violence, par la vertu de la réforme, le réformisme au sens que le marxisme donne à cette catégorie, est bien mort, définitivement mort, sans aucun espoir de résurrection. Nous n’avons d’ailleurs, nous autres révolutionnaires, nul besoin de l’enterrer. Ce sont les réformistes eux mêmes qui s’en sont chargés voilà déjà plus de quinze ans. Car tel était le sens de ce que Mitterrand et Mauroy ont appelé la transformation du PS, de parti d’opposition, en parti de gouvernement. L’acquisition de « la culture de gouvernement » de 1981 à 1986, qui fut l’occasion pour le PS de se défaire des rares oripeaux du marxisme qui encombraient encore son habit de parti institutionnel respectable. (.) (voir Social-bonapartisme et classe ouvrière, chapitre IV, “la politique du social-bonapartisme”). Les mêmes qui viennent d’écrire qu’il ne fallait pas l’enterrer affirment peu après que “les racines économiques du réformisme sont asséchées”. Mais prolongeant la confusion entre « réformisme général » et « réformisme politique », ils assurent que malgré cela “La Social-démocratie peut se maintenir, voire retrouver une influence importante”. Et comme ils ne sont plus à une contradiction près, il ne rechignent pas à reconnaître que leur prétendue social-démocratie est “..incapable de mettre en place des réformes”. Ce faisant toutefois, ils révèlent une vision bien sélective de la réalité. Ils pensent, semble-t-il disant cela, aux seules réformes favorables aux travailleurs, telles qu’en fit le front populaire en 1936, qui viendraient à point nommé pour justifier de la nature social-démocrate du PS et accréditer sa caractérisation comme parti ouvrier. Parce que pour le reste, des réformes, ces sociaux-démocrates prétendus en font tout de même. La loi Aubry n’en est elle pas une, et de quelle ampleur ? Mais dut-elle attester de quelque chose, ce serait au contraire, du caractère anti ouvrier du PS. Ne pas intégrer à son raisonnement ce genre de réformes sachant qu’elles contredisent sa démonstration, relève d’une attitude pour le moins désinvolte. Comment se tirer de ce mauvais pas ? Tout simplement par une grande envolée lyrique, une formule à prétentions théoriques, dissimulant son vide sous son emphase ( ?) “nous sommes à l’époque du réformisme sans réformes”. Le bon sens et la parfaite objectivité eut voulu qu’ils écrivent au minimum : nous sommes à l’époque du réformisme avec des réformes anti ouvrières. Mais restons quelques instants au réformisme sans réforme. Pour ma part je m’en tiens à cet axiome du matérialisme historique qui veut que l’existence détermine la conscience. Il faudra dés lors expliquer comment, par qu’elle exception, qu’elle magie, le réformisme politique pourrait-il bien survivre à la disparition, tant des conditions institutionnelles nécessaire à son expression comme nous l’avons vu précédemment, qu’à celles du substrat économique (marges de manoeuvres ) utiles à son existence comme nous venons de le voir ? Disparition des Républiques parlementaires, absence de marges de manoeuvres économiques, réalisation de réformes anti ouvrières, renonciation a tout projet de transformation sociale, cela fait beaucoup d’indices concordants qui attestent que l’être politique connu sous le nom de « Parti socialiste » n’a plus rien de commun avec la Social-démocratie. Il en a usurper l’apparence externe et l’arbre généalogique. Mais la social démocratie est bien morte et enterrée. Il faudra bien que les marxistes se résolvent à en authentifier l’acte de décès.
Nul ne peut avec des mots ramener à la vie, sur la rive de la réalité, la social-démocratie dont le cadavre flotte dans les eaux croupies de l’histoire. Certains pourtant s’y essayent. Ils croient y avoir réussit dés lors qu’ils ont baptisé, “sociaux-démocrates”, le PS, le parti du réformisme anti ouvrier, et le PCF qui dérive inexorablement vers lui. Le réformisme ne saurait être enterré, donc la social-démocratie existe, donc le PS et le PCF sont sociaux-démocrates. A leur sens le débat est clôt. A la poursuite de ce leurre ils vont pouvoir à présent s’adonner à la lecture des faits selon la grille rassurante de l’analyse classique. Dans cette fuite en avant intellectuelle ils perdront leurs repaires. Dés lors, en effet, que l’on part de prémisses fausses, sitôt que la pensée se laisse désorienter par un aiguillage théorique mal positionné, elle s’expose au risque de poursuivre sa course dans l’erreur, parfois jusqu'à l’absurde. (L’on assistera alors à ce qu’il convient d’appeler l’abaissement de la pensée marxiste révolutionnaire.)

Deux hommes parmi tant d’autres, deux militants de valeur, pour lesquels j’ai par ailleurs la plus grande estime, se sont laissés récemment fourvoyer. Afin d’illustrer notre propos nous allons suivre un moment dans leur trajectoire intellectuelle. (retour aux vieux démons)


VI
L’HISTOIRE BEGUE SELON JEAN-PAUL CROS


(Premier exemple, de fuite en avant intellectuelle.) Il affirme que le régime de la Vème République n’a pas été conçu “pour ce que les politologues appellent « l’alternance » entre une vraie droite et une fausse gauche” de quoi il conclue que “le gouvernement Chirac-Jospin n’est pas un gouvernement d’alternance mais un gouvernement de crise, un gouvernement de type front populaire.” Un gouvernement de front populaire est en effet un gouvernement de crise, d’ultime recours de la bourgeoisie pour sauver avec l’aide de la social-démocratie, avec quelques concessions et beaucoup de trahisons l’essentiel de sa domination ? Pour qu’une telle analyse soit crédible il faut caractériser la situation française comme une situation de crise sociale et politique aiguë, la mobilisation ouvrière et populaire comme extrêmement puissante, le rapport de force entre les classes indécis. Qu’à cela ne tienne. Conscients de ce qu’implique son affirmation il ne s’embarrasse guère des évidences qui la contredisent, “au sens où il survient
comme l’une des dernières ressources politiques du capital pour sauver l’état bourgeois” justifie-t-il aussitôt sans sourciller.

Dés lors au service de sa démonstration il va accumuler les indices au risque de se prendre les pieds dans ses propres contradictions. .................................................
.................................................. .....................................
L’histoire ne se répète pas disait un certain Karl Marx, et si elle le fait, c’est en farce (.) (Le 18 brumaire de Louis Bonaparte). Jean Paul Cros lui, veut la faire bégayer, Cela tourne vite à la farce en effet.

Mais comme cela est souvent le cas, les propos en apparences les plus radicaux se révèlent n’être qu’un paravent pour dissimuler une glissade opportunistes. .................................................. ............... .................................................. ........................................ Derrière tout se discours, alarmiste pour le moins, où “l’histoire semble à nouveau nous mordre la nuque”(.) (formule chère à Daniel Bensaïd au début de la décennie 70) se profile en vérité une orientation politique bien traditionnelle.

Ce que l’on voit poindre tout de suite derrière la caractérisation du PS comme social-démocrate, c’est la politique du front unique ouvrier dont la social-démocratie est une composante incontournable. Fut elle rebaptisée “politique d’unité des travailleurs et des organisations,.. front unique des masses” il n’échappe à personne que les organisations qui ne sont pas nommées, ne sont pas vraiment celles des travailleurs, qu’elles leur sont extérieures, sans quoi la formule « unité des travailleurs et des organisations » n’aurait aucun sens. Qu’elles sont elles ses organisations dont on n’ose pas prononcer les noms? Celles qui existent bien entendu, les centrales syndicales, le PCF et le PS. On revendique véhémentement l’indépendance politique de la classe ouvrière, mais à la première occasion, subrepticement, on se réfugie dans le giron des « organisations traditionnelles », on restaure leur tutelle sur le mouvement social, on fait peu de cas les velléités d’indépendance politique des travailleurs dont on se voulait pourtant les avocats les plus déterminés. On le voit, derrière la formulation qui se veut nouvelle et originale se dissimule donc la tactique éculée du front unique ouvrier, judicieuse dans les années 30, mais qui à l’époque ou nous vivons conduit nécessairement, via l’union de la gauche, à atteler son petit wagon au train de l’alternance institutionnelle.

Avec les mêmes ingrédients on fait les mêmes farces
(Désarmement idéologique) - (dérive idéologique)

D’abord la période depuis 1995, marquée par un renouveau des mobilisations et de la lutte de classe ont ramené le balancier à gauche dans la société française”. Cette formule paraît établir une filiation harmonieuse et sereine entre la grève de 95 et la petite alternance de 97. Nous voilà nous mêmes emportés par le mouvement oscillant et moelleux de l’alternance politique. “pour des millions de travailleurs, de chômeurs, de jeunes, de militants, il est clair que la droite n’a pas été chassée pour que continue à s’appliquer le traité de Maastricht”. (J’ai dit précédemment, en réponse à Daniel Bensaïd ce qu’il fallait penser à mon sens de «la victoire électorale » de 1997.) Cette allégation est révélatrice de la manière dont certains voient dans la réalité, non la réalité elle même mais, le reflet de leur illusions. Pasqua a dit que les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient. Les rédacteurs d’une telle phrase vont plus loin. Ils s’engagent, parce qu’ils y croient, je suppose, sur des promesses qui n’ont été faites par personne. Où a-t-on jamais vu que le vote Jospin était un vote contre Maastricht ? “Après la victoire aux législatives de 1997, la gauche arrivait au pouvoir avec bien des ambitions... En fait beaucoup plus vite qu’en 1981, la gauche a été mise à l’épreuve des faits...” Cette phrase voudrait-elle attester la sincérité de « la gauche », pleine d’allégresses et de belles ambitions pour nous ? Elle y paraît en tout cas. Elle établit de plus un trait d’égalité entre les situation de 81 et de 97, nonobstant tout ce qui c’est passé depuis. Comme si autant le PS que le PCF de 97 pouvaient être un seul instant comparés à ce qu’ils étaient en 81, comme si leur alliance d’à présent, dans un contexte international et national entièrement différent, souffrait la moindre comparaison avec celle de 81. (Se prêter à de tels artifices c’est soit révéler l’inanité de son analyse politique soit sa grande mauvaise foi). Les ambitions prétendues étaient des phrases creuses, des discours fourre tout, dont les doubles sens et les intentions inavouées étaient évidentes à qui garde son sens critique,
Daniel Bensaïd les a qualifiées de publicité électorale mensongères, passibles de ............................... (.). Telle est bien le caractère qu’il convient d’attribuer à ses propos à fonction électorale. Quand à l’épreuve des faits, pas plus en 97 qu’en 81, la gauche n’en avait besoin pour faire consciemment la politique de gestion loyale des intérêts de la fraction dominante du capital dont elle est directement comptable. La boucle est bouclée. Elle nous renvoi, si tant est qu’elle s’en soit jamais éloigné, aux structures de la pensée politique qui fut celle de l’extrême gauche depuis 1981. Nous voilà rendu à répéter les fadaises ( ?) que PT et LCR surtout, ressassent encore contre toute évidence, et qui les ont acculés aux échecs et à la marginalité, voire à se faire cannibaliser de temps à autre par le Parti socialiste.

Pourtant il existe il est vrai une filiation entre ces deux événements, que furent le mouvement social de 95 et la petite alternance de 97, mais elle est de nature contradictoire et conflictuelle. C’est la mort du mouvement social, sa trahison par les organisations traditionnelles qui ont préparé les conditions de « l’alternance ». (la liaison est mauvaise... revoir). Dans la même veine nous apprenons que “le PS et le PCF sont soumis et enchaînés au régime gaulliste”. Ca n’est pas leur faute au pauvres « petiots », en tout cas pas vraiment leur nature, ils sont sincèrement « sociaux-démocrates » mais, ils sont faibles, ils courbent l’échine sous la pression des capitalistes, ils obtempèrent en rechignant aux injonctions du pouvoir économique. “La dureté de la concurrence internationale, le carcan de l’Europe de Maastricht, l’internationalisation des flux de capitaux enlèvent toute marge de manoeuvre aux réformistes”, on croirait lire là un (resucé) de la prose Weberiste (.) (par exemple : Le Monde....). Mais il faut être un minimum cohérent, la politique juste en la circonstance n’est elle pas d’exiger d’eux qu’ils ne se soumette pas, qu’ils se « déchaînent » même pourquoi pas ? La logique qui découle de cette façon de voir, est donc bien celle du « cap à gauche », celle de « la vrai gauche », celle que pratique consciemment la LCR, et LO de fait sans le revendiquer clairement. Dés lors il n’y a plus de justification sérieuse à l’existence d’une organisation trotskiste particulière, hors du giron LCR-LO-VDT. (Or il n’y a pas loin entre cette pratique et les discours que voici).

VDT, derrière l’écran de fumée de la doctrine

Mais que l’on ne se méprenne pas. L’exemple ci dessus n’est pas un exemple unique, un cas isolé, le discours de VDT est dans son essence fondamentalement semblable. Ce groupe, compilateur et gardien de l’héritage politique du mouvement trotskiste, issue de lutte ouvrière, se veut puriste en matière d’idées. Il voit dans cette posture le moyen de se prémunir contre les déviances opportunistes voire sectaires. Des déclarations d’intentions très radicales “Pour les marxistes, la démocratie la plus large, la « dictature révolutionnaire du prolétariat », est l’étape vers une société enfin libérée de l’exploitation de l’homme par l’homme”, aspirent à en « plomber » la ligne, mais paradoxalement, débouchent de même sur des formulations concrètes très amorties (p16) “A l’opposé des gouvernements qui sont des instruments de la bourgeoisie, les intérêts du monde du travail ne pourraient être représentés que par un gouvernement démocratique des travailleurs et de leurs organisations” Comme dans l’exemple précédant les organisations dont il est question ne sont pas clairement nommées. Le texte de VDT décline sous trois formes la formule précédente le : « gouvernement des travailleurs et de leurs organisations », devient « gouvernement constitué des organisations des travailleurs » ce qui n’est plus tout à fait pareil, ou encore, gouvernement « qui tirerait sa force et sa légitimité d’être l’émanation des travailleurs en lutte et des organisations nées de ces luttes »(p23), ce qui est encore autre chose. Ce qui différencie la première et la deuxième formulation qui font référence à un processus électoral, de la dernière formulation qui est l’émanation des luttes, est peu de chose n’est il pas vrai? ça n’est, en quelque sorte, que la mobilisation révolutionnaire des masses. Ces diverses déclinaisons dans le même paragraphe ont pour effet d’entretenir la confusion quand à ce que cela veut vraiment dire. Mais une formule pourtant vient jeter un éclairage cru sur cet enchevêtrement et permettre d’en dégager le sens exact. “les révolutionnaires pourraient non seulement apporter leur soutien à un tel gouvernement mais leur participation active”. S’il s’agit d’un gouvernement dans l’esprit de la troisième formulation, cela ne fait aucun doute, et le conditionnel « pourraient » ne se justifie pas. Les révolutionnaires ne pourraient pas seulement en ce cas, ils devraient, activement certes, impérieusement même, être d’un tel gouvernement, aux avants postes. Mais s’il s’agit des première et deuxième formulation, alors cette profession de foi à pour effet de se préparer, à l’instar du PRC Italien, au soutien voire à la participation à des gouvernements d’union, issus d’un processus électoral, dans les cadres institutionnels actuels qui ne sont à aucun moment contestés clairement. Et la troisième formulation en ce cas n’a pour objet que de saupoudrer d’un discours plus radical, pour mieux les faire avaler, la glissade opportunistes que constituent les deux premières. Il faut en convenir, eux aussi, avec des mots presque semblables, nous resservent, sous une forme en apparence innovante la vieille soupe aigre du front unique ouvrier qui, en l’état objectif des choses n’est que le pseudonyme prononçable de « l’union de la gauche ». A leur décharge il faut convenir toutefois qu’ils ont su en tirer des conséquences organisationnelles logiques et immédiates en rejoignant la LCR.

Il y a là toute une école de pensée qui ne parvient pas à s’extraire des dogmes et clichés datés de la tradition politique marxistes pour accéder aux nouveaux concepts nécessaires à la pensée marxiste vivante. Cette école s’englue dans la toile d’araignée de la « gauche d’alternance », elle a beau se débattre et s’agiter, tel un insecte, elle n’en est pas moins prisonnière. Victime ...... Daniel Bensaïd nous donne l’exemple le plus achevé de cet enfermement


VII
“LA GAUCHE” COMME
HORIZON INDEPASSABLE


Dés les premières lignes, que dis-je, dés le titre même de son livre, on sait que Daniel c’est embarqué dans une galère. “Lionel qu’à tu fais de notre victoire” (.). Quelle victoire sommes nous tenté de demander.

Lionel se posait le problème de refonder le clivage politique droite gauche. Et Daniel lui répond, candide, que ce clivage n’est pas bien difficile à trouver, qu’il suinte en quelque sorte par tous les pores du monde réel, qu’il existe à l’état naturel “à condition d’en revenir au contenu, qu’est la lutte des classes ” (.) (P.30). Mais Daniel est hors sujet, il réponds à coté. Lionel a peut-être oublié ce qu’il sut, pour autant il n’est pas devenu gâteux. La question qu’il pose est bien celle de l’identification du clivage droite gauche et non pas celle du clivage des classes fondamentales de la société. S’il se posait cette dernière question, il aurait probablement tôt fait de la résoudre. Point n’est besoin en effet d’être un génie pour la résoudre dés lors qu’on se la pose. Mais précisément Lionel ne la pose pas, surtout pas, il ne veut pas la poser, il ne la posera à aucun prix car il veut au contraire l’occulter. Car le clivage droite gauche est précisément l’outil conceptuel d’occultation des clivages réels fondamentaux. Car le clivage droite gauche est l’outil idéologique de l’amortissement, de l’assimilation, du dévoiemment institutionnel, des contradictions sociales. Le problème de Lionel n’est nullement de restaurer celle-ci, mais de savoir comment en les effaçant, faire fonctionner tout de même l’alternance politique. Comment en niant la lutte des classes, en renonçant à l’avenir de transformation sociale, en faisant allégeance à l’économie de marché, en faisant ouvertement la politique de la fraction dominante du capital, entretenir le mythe qu’il existe tout de même encore une différence entre la droite et la gauche. L’entretient de se mythe est vital pour le fonctionnement du système.

Lionel se pose donc la question que puis-je inventer pour faire croire au bon peuple que la gauche est différente de la droite, afin de continuer à contenir la colère sociale dans les cadres institutionnels de la République, pour qu’elle ne déborde pas dans la rue et les usines sur le terrain de la lutte sociale réelles. Et Daniel lui réponds, candide : la lutte des classes. (pour le plus grand bien des possédants)
C’est que Daniel s’obstine à voir dans Lionel ce que Jospin n’est pas ni ne veut être, “un homme de gauche”. Daniel Bensaïd, querellant Laurent Fabius nous renvoi lui même à l’historicité des choses de ce monde. “....”. La gauche elle même n’appartient pas à l’éternité “...........
.............”. Alors pourquoi ne devrait-elle pas mourir aussi la gauche ? N’avait-il pas quelques pages avant posé la question suivante “qui peut croire au redressement du PS .......” et quasiment affirmé que celui du PCF était improbable”. Un rais de lumière paraît sortir de ces allégations, sa lumière falote réchauffe notre espérance. La « gauche » en ce cas doit elle même être réputée « iredressable », il va de soi. L’idée n’est pas sans l’effleurer “ .............. ”. En diagnostiquant enfin la mort du .......... Daniel va-t-il retrouver sa vrais langue, sa verve révolutionnaire ? La déception éteint bien vite l’espérance. “Quelque soit le nom qu’on lui donne...................................... ” (.) (p.37). Le voilà à nouveau retombé dans le noir. L’économie de marché est l’horizon indépassable de jospin, Fabius et Cambadélis, soit ! (.) (pages : ). La « gauche » paraît être l’horizon indépassable de Daniel Bensaïd.

Il raille le politologue Pascal Perrineau qui voit le conflit de classe s’effacer derrière le nouveau clivage central (p.51). Mais que fait Daniel Bensaïd lui même ? Il conceptualise les luttes ouvrières, les mobilisations populaires, le mouvement social, comme “la nouvelle gauche”, “la gauche rebelle”, pour mieux la river à l’autre comme ............ à son rocher. Il apporte de la sorte sa propre contribution à l’œuvre de substitution du clivage politique droite gauche au clivage de classe, donne ainsi
raison au politologue qu’il brocarde. Daniel à beau (s’égosiller) à rappeler à chaque chapitre la réalité de la lutte des classes, cela n’authentifie pas le caractère marxiste de son analyse. Tout d’abord parce que la lutte des classes n’est pas en soi une découverte de Marx ni une idée exclusivement marxiste (Engels-Manifeste ?). Mais ensuite et surtout parce que s’efforçant sans cesse de réduire la lutte des classes à l’opposition droite gauche, à résoudre l’une en l’autre, à dissoudre l’une dans l’autre, il abandonne en fait le point de vue de classe pour se ranger à celui (du démocrate petit bourgeois) des politiciens traditionnels.

Mais, derrière la gauche et la droite, si fluctuantes et incertaines que soient ces notions, il demeure une opposition sociale déformée. Qui vient de loin.” (p.150)
Soit, l’opposition droite - gauche, est en partie, le reflet déformé de la lutte des classes. Mais en partie seulement car l’un ne se résous pas totalement dans l’autre. La gauche ça n’est pas seulement l’expression politique de la classe ouvrière, c’est cela plus autre chose, des partis bourgeois ou petits bourgeois, progressistes, issues des traditions jacobine, républicaine, ou laïque. Mais surtout, la gauche c’est la traduction parlementaire de cette réalité politique et non la réalité elle même. C’est déjà, dans les Républiques parlementaires le moyen d’intégrer l’opposition irréductible capital travail dans le cadre amorti du fonctionnement institutionnel. De la domestiquer. « La gauche » ne se réduit donc pas à être le reflet déformé des oppositions sociales fondamentales, c’est surtout le moyens d’occultation de celle-ci. Un positionnement de classe conséquent ne peut donc pas consister à restaurer la gauche comme cadre d’expression de la lutte des classes, mais au contraire à l’en singulariser . ................................

Chevènement suit le fil bleu de la République. Nous préférons le fil rouge de la lutte des classes” (p.143) Le malheur en l’espèce c’est que le fil rouge de la lutte des classes, invariablement, sert à Daniel Bensaïd pour tenter en vain de recoudre l’habit de parade de « la gauche ». “Il n’est pas étonnant qu’à brouiller les frontières de classe on finisse par déclarer périmée la différence entre la gauche et la droite” (p.149) Daniel lui veut la réhabiliter, restaurer son clinquant historique et sa pertinence politique. Il s’y éreintera, il n’y parviendra pas.

Car, comme toute autre catégorie politique « la gauche » est sujette aux règles de l’historicité, qui veut que tout naisse vive et meure un jour. Catégorie historique, la « gauche » peut donc mourir. Mieux elle mourra même nécessairement un jour. En attendant ce jour, Daniel affirme qu’elle est mal en point mais pourtant fort vivante “............”, que la tâche du moment est même de la rendre à elle même “..............
.............”. Mais si en fait de devoir mourir dans un futur lointain indéfini, la « gauche » était déjà morte dans un passé, certes récent, mais tout à fait définissable ?
La « gauche » (ai-je écrit) “...........................................”

Dans « l’hémicycle », la Montagne s’asseyait sur les bancs de gauche et la Gironde sur ceux de droite. C’est de cette circonstance anecdotique et tout à fait (dérisoire), de l’histoire parlementaire qu’est naît la distinctionpolitique droite gauche. Et c’est à la « pertinence » douteuse de ce clivage que s’attache tant Daniel Bensaïd, auquel il essai de rendre une consistance politique qu’il n’a plus en rappelant sans cesse qu’il fut en un temps révolu l’expression parlementaire déformée, et non exclusive, des oppositions de classes. (leurs illustres postérieurs).

La « gauche » (notion) vague s’il en est, et fluctuante au gré des alliances et tripatouillages parlementaires, à pris un sens et une consistance nouvelle, à la foi plus précise et historiquement plus déterministe et plus fugitive sous la Vème République. La « gauche » y fut la résultante de la pression institutionnelle, s’exerçant sous la forme de la bipolarisation de la vie politique. Celle là même qu’à imposé l’élection du président de la république au suffrage universel et la stratégie électorale majoritaire qui en découlait. Réponse historique particulière au contexte de la décennie 70, elle eut pour objet d’opérer cette polarisation concrète de l’un des membre du binôme institutionnel, et d’en assurer la transformation historique en une chose entièrement nouvelle, un parti de gouvernement, un pilier pérenne du pouvoir politique du capital.

C’est, le sens de cette époque historique (de 71 à 86), qui échappe à Daniel Bensaïd comme à bien d’autre. Ce sont les métamorphoses opérées durant cette période, qu’ils occultent et qui leur ferme l’intelligence de l’avenir. La tâche du moment n’est nullement de faire revivre les fantômes de l’histoire, d’agiter leurs chaînes pour se donner des raisons d’y croire. La tâche du moment c’est au contraire d’extraire les mânes qui hantent encore les conscience rémanentes ( ?) de les enterrer définitivement afin que les masses dégagées des tenailles du bipartisme trouvent le chemin de leur expression politique autonome. Etre révolutionnaire aujourd’hui ça ne consiste pas à jouer les médium “gauche si tu m’entend tape trois coup”, ni les marionnettistes d’un théâtre guignolesque au service d’une hallucination collective. Etre révolutionnaire aujourd’hui consiste à s’émanciper de la problématique « gauche - droite » qui réduit la lutte des classes à une opposition présentable, gérable, compatible avec le bon fonctionnement et la stabilité institutionnelle. A rendre au contraire à la lutte des classes sa force messianique, sa vocation révolutionnaire de transformation sociale. Etre révolutionnaire aujourd’hui, c’est prendre en charge immédiatement, et cela ne peut se faire que contre la « gauche » et contre le système institutionnel de l’alternance, la construction d’un parti ouvrier indépendant, c’est à dire l’élaboration d’une politique ouvrière d’alternative sociale. L’objet de cette politique, c’est la lutte directe et immédiate pour le pouvoir, non de la gauche ou d’un quelconque de ses avatars, mais des travailleurs eux même. C’est cette lutte déclarée pour le pouvoir qui consacre son caractère de classe et sa qualité d’indépendance.

La mécanique de l’ornière

Nous venons de décortiquer quelques exemples de ce qu’il faut bien appeler des dérives opportunistes de la pensée marxistes révolutionnaire actuelle. On s’interroge. Sont elles le produit conscient ou cynique de leurs auteurs ? Pas le moins du monde, j’en suis convaincu. Il n’y a pas le moindre machiavélisme dans les approches d’aucun d’entre eux. Seulement les conséquences d’une
nécessité qui fait loi. Il existe des réalités objectives qui se comportent parfois comme des ornières à l’égard de l’action politique. L’ornière possède ses propriétés mécaniques particulières. La trajectoire d’un véhicule en mouvement se trouve en quelque sorte happée, si elle aborde l’ornière selon un angle incident insuffisant. Il en va de même dans le mouvement de l’histoire. L’histoire possède ses propres ornières : culturelles, religieuses, traditionnelles, institutionnelles, auxquelles il est moins facile d’échapper qu’il n’y paraît. ................................................

L’on peut certes tenir un tel discours qui nous ouvre
et résister tout de même, refuser l’assimilation. Dés lors cela ne se justifiant plus politiquement on ne peut se sauvegarder comme organisation particulière que par l’adoption d’un cours sectaire. Autrement dit les bases d’un tel discours politique qui nous désarme nous accule à ce cruel dilemme opportunisme ou sectarisme.

On le voit, c’est une constante . Dés lors que l’on refuse de caractériser le PS et le PCF autrement que sociaux-démocrates, la politique du front unique ouvrier garde toute sa validité et cela de façon necessaire, inéxorablement, nous conduit à adopter une posture .............
Toute ces approches p........ par où elles ont pécher.
Invariablement, d’où que parte leur constat elle penchent dans le même sens
Elles ont toutes pour défaut majeur de désarmer les vélléités d’indépendance politique et de livrer militants et organisations aux influences dominantes de la gauche d’alternance. Ne pas réagir c’est laisser mourir ......... dissoudre l’existence politique de la classe ouvrière


VIII
ESSAI D’UNE LECTURE MARXISTE DE LA REALITE
Notre victoire ? Quelle victoire ?... (Le refus) de comprendre le sens exact des évolutions institutionnelles consécutives à l’alternance de 81, d’en déduire les conclusions qui s’imposent quand à la nature du PS, condamnent les marxistes révolutionnaires à l’obscurcissement de la pensée, les acculent à l’inanité politique. la victoire électorale de “la gauche plurielle”, pas la notre, pas celle du mouvement social, pas celle des travailleurs, fut une victoire par défaut. La droite, même là restait électoralement majoritaire dans le pays. Daniel Bensaïd lui même en fait état : ........................................... Mais il s’accroche tout de même à sa prétendue victoire.. Mais au delà de ces considérations somme toutes évidentes, pour de multiples raisons qui le sont moins, cette victoire n’est en rien celle des travailleurs. Dés novembre 1995 le mouvement social, contre le plan Juppé, avait mis à mal le gouvernement et frappé le premier ministre de sceau de l’impopularité. Cette marque ne devait plus le quitter sauf peut-être dans le regard subjugué de Nicole Notat. Son autre « grand plan », celui de la réduction des impôts sur le revenu, apparut immédiatement comme une vaste fumisterie, dans laquelle il prenait d’une main et préalablement, ce qu’il promettait de lacher de l’autre, ultérieurement. Les grèves des médecins libéraux, puis celles des internes hospitaliers contre la convention qui déclinait la plan Juppé à leur endroit, la grève des ouvriers camionneurs, celles des conducteurs de bus, la lutte des “sans papiers”, les lois Debré, l’appel des cinéastes à la désobéissance civile, Moulinex, Renault Vilvorde, tout cela contribua à fixer le mécontentement et à le faire diffuser dans un large échantillon social. Alain Juppé avait subi l’usure du pouvoir. C’est l’un des rôles que la Vème République dévolu à la fonction de premier ministre. Le président de la République pouvait lui demander de démissionner et nommer un nouveau premier ministre afin de donner un second souffle à la majorité présidentielle. Craignait-il vraiment la défaite de la droite en 98 comme d’aucun l’on prétendu ?.. Dans ce cas Jacques Chirac, qui n’a pas voulu se défaire de son premier ministre fin 95, ce qui aurait été interprété comme une victoire de la rue, la sâle besogne faite par celui-ci «étant acquise, aurait pu le congédier fin 96 ou début 97, afin de requinquer sa majorité avant des législatives en 98, ou, anticipées. Pourquoi le président n’a-t-il pas opté pour cette solution simple ?... La plupart des observateurs semble se satisfaire de l’idée selon laquelle jacques Chirac voulait réarmer sa majorité naturelle de droite. En fonction de quoi il aurait jouer et perdu. Cette vision simpliste est bien moins que satisfaisante. Voilà un président qui dispose d’une majorité écrasante à l’assemblée nationale, dont il est assuré jusque en 1998, et qui décide en 1997 de s’en défaire au prétexte de créer un nouvel élan. Or quelque soit le cas de figure envisagé, de l’avis unanime des mêmes observateurs, la majorité de droite ne pouvait sortir de l’opération que largement amoindrie. A supposer qu’elle garde la majorité, “la majorité présidentielle en était réduite à attendre de ces élections, au mieux, une défaite partielle. Etait-ce ainsi que le président entendait donner son nouvel élan ? En ponctionnant de son propre chef la majorité dont il disposait ? Cela ne tient pas debout. Cela interpelle les observateurs en leur posant la question suivante : qu’elle était vraiment la signification du « nouvel élan » dans l’esprit du président ? Qu’entendait-il vraiment par cela ? Qu’attendait-il vraiment de ces élections ? Mais, allons plus loin encore. Voilà un président, une majorité présidentielle, qui en la personne de l’impopulaire monsieur Juppé dispose d’un fardeau qu’ils ne peuvent ignorer. Voilà un président de la République dont la cote aux alentours de 35% est bien mauvaise dans les sondages d’opinions et dont celle de son premier ministre, aux alentours de 25% est carrément exécrable. (La plus mauvaise qu’est jamais réalisée un premier ministre de la 5ème République). Et ce sont eux qui décident eux mêmes ( rien ni personne ne les y contraints), de déclencher, et dans l’instant, une compétition électorale, et aux dires de certains, qui prétendent la gagner. Nous voilà même rendus au niveau des scénarios les plus mal ficelés du plus mauvais cinéma contemporain quand on nous explique que c’est pour suciter ce nouvel élan » pour oeuvrer à la préparation de cette victoire qu’ils ont précisément choisit ce même monsieur Juppé comme chef de campagne ?... Cela semble n’avoir aucun sens. Autant aligner un quarteron d’unijambistes au départ d’un relais quatre fois cent mètres. A prendre cette vérité officielle pour argent comptant on en est réduit à évoluer en plein irrationnel. Nous voila même carrément rendus dans la 4ème dimension quand on semble dire que de surcroît ces deux hommes n’auraient même pas envisagé le risque de défaite, au moins comme hypothèse de travail. Dans le contexte social qui est le sien, la France des possédants ne peut aborder sans risque les nouvelles étapes de la construction Européenne. Il faut un nouvel élan, une recette miracle, quelque chose pour franchir l’obstacle, cela ne fait aucun doute. Rassembler les français, galvaniser les forces et les volontés, certes. Mais en toute honnêteté, si telles sont vraiment ses intentions, choisit on pour atteindre ces buts de s’appuyer sur un homme qui ne peut en aucun cas incarner un nouvel élan parce qu’il est déjà l’incarnation du rejet, et focalise les mécontentements ? En 1995, jacques Chirac, nouvellement élu, était loisible de dissoudre l’assemblée de 93 (Balladurienne) pour en appeler une autre majorité, certes moins vaste, mais refondée autour de sa personne et de son action. Une majorité présidentielle selon l’esprit le plus fidèle de la Vème République. Pourquoi ne le fit-il pas alors ? Une législature 1995/2000 lui aurait pourtant laissées les mains libres pour la préparation de l’échéance de 1999 de la monnaie unique, le champs libre à l’action gouvernementale dans ce domaine. La situation vécue aujourd’hui sous la direction du président Chirac me paraît avoir quelques ressemblances étranges avec celle de 1984, sous la direction du président Mitterrand. Lui aussi pouvait alors, si il l’avait voulu, changer la donne en assouplissant, à défaut de l’abandonner, la politique d’austérité, en différant la mise en œuvre des restructurations industrielles les plus douloureuses. Il pouvait mettre la gauche en mesure de gagner les législatives de 1986. Il pouvait tout au moins le vouloir, le tenter. Il n’en fit rien. En maintenant le cap il condamnait celle-ci à l’échec annoncé, de la sorte il s’imposait à lui même la probabilité de la première cohabitation. Etait-ce (encagnement) ou idiotisme ? Pas le moins du monde. C’est que la réalisation d’autres objectifs, plus importants à son sens que les simples considérations électorales guidaient alors sa pensée et son action. Il pouvait aborder l’échéance électorale avec d’autant plus de détachement qu’eu égard à ces considérations supérieures, l’issue des élections, qu’elle qu’elle fut, n’était pas de nature à faire peser une hypothèque sur la réalisation des objectifs qu’il s’était assignés. Au demeurant, appeler la droite aux affaires, et son principal challenger à la prochaine présidentielle, à Matignon, deux ans avant, s’était relativiser dans les mémoires le lourd passif de la gauche, faire retomber tout droit le mécontentement sur l’opposition, assurer sa propre réélection en 88. De même jacques Chirac pouvait éviter l’humiliante défaite de la droite institutionnelle. Mais ne poursuivait-il pas lui aussi des objectifs plus importants ? Objectifs qu’au demeurant, droite ou gauche, qu’elle que soit l’issue des élections, nul n’a l’intention de remettre en cause. Et si le « nouvel élan » dont parlait le président incluait l’hypothèse d’une probable victoire électorale de « la gauche » ? La montée en puissance de l’action gouvernementale dans la perspective de l’intégration européenne et de la monnaie unique sont de nature à accroître encore le mécontentements et les tensions sociales. A supposer que Monsieur Chirac s’engage dans cette dernière ligne droite avzc Monsieur Juppé, ou un autre, peu importe qui, c’est sur la construction européenne et contre la monnaie unique que se seraient focalisés la grogne voire la colère. Les élections législatives ayant lieu en 1998 auraient alors nécessairement servit de défouloir, pris la tournure d’un débat pour ou contre la poursuite de cette politique européenne, ne risquait-elle pas d’aboutir à une véritable remise en cause de celle-ci. Qu’importait au regard de telles considérations que la majorité dont il disposait fusse de droite ou de gauche, pour vu que le cap et le calendrier de la construction européenne soient maintenus, que soit levée l’hypothèque électorale qui pesait sur ces échéances. Ca n’était donc pas tant la défaite de la droite en 98 que Chirac voulait conjurer que l’éventuelle remise en question de la construction européenne telle que définie par le traité de Maastricht. Certes, François Mitterrand a dit de Jacques Chirac qu’il était homme à faire des gaffes. De là à le prendre pour un idiot il y a tout une abîme que pour ma part je refuse de franchir. J’en laisse l’entière responsabilité aux journalistes et chroniqueurs, . qui sans jamais dire cela franchement l’accréditent pas leurs écrits. Le nez collés à leur copies, ceux-ci manquent souvent du recul nécessaire pour comprendre, au delà des sinuosités de sa trajectoire sous le vent, vers quel rivages navigue une politique Pourquoi faire en 97 avec des risques ce qu’il aurait pu faire sans risque en 95 ? Peut-être tout bonnement pour les raisons que voilà . Le pouvoir de dissolution de l’assemblée est l’un des attribue majeur du président de la Vème République dont il faut qu’il sache faire toutefois un usage parcimonieux et pondéré, sous peine de ridiculiser les institutions. Dissoudre en 95 c’était congédier une majorité introuvable pour lui substituer une majorité resserrée. Cela eut immanquablement été interprété à son désavantage. L’effet majoritaire présidentiel n’a pas joué eut on dit, le président Chirac ne bénéficie que d’un capital confiance réduit. C’est pourquoi il renonça à cette possibilité préférant se réserver cette carte majeure pour un usage ultérieur. L’usure du pouvoir qu’avait subit le gouvernement Juppé, mettait le président en demeure d’agir. Il ne pouvait être question d’aborder les prochaines échéances européennes dans une situation aussi dégradée. Que faire ? Congédier Alain Juppé, appeler un autre premier ministre ? eu égard à la situation cela fut apparu comme du simple rafistolage bien en deçà des nécessité de l’heure. Au demeurant, aborder les nouvelles étapes majeures de la construction européenne avec une majorité et un gouvernement de droite, par delà les risques inhérents à la grogne populaire, était prometteur de difficultés supplémentaires pour le président de la République, liées aux contradictions internes de cette majorité sur ce dossier. De plus, en ce cas, la majorité présidentielle aurait dû assumer seule et jusqu’au bout la responsabilité de l’entrée de la France dans la monnaie unique et de toutes les décisions et coupes drastiques impopulaires que cela suppose. Arriver ainsi user au terme de la législature, réduisant les chances de rebond du président avant l’échéance présidentielle de 2002. Utiliser la carte de la dissolution qu’il avait gardée en réserve ? cela conduirait probablement à confier cette mission à la gauche et pouvait présenter au contraire plusieurs avantages et en tout premier lieu les deux suivants : l’assurance d’une meilleure maîtrise du mécontentement avec le concours probable du PCF et de la CGT, une plus grande cohérence de l’action gouvernementale sous la direction d’un PS, champion toutes catégories de l’intégration européenne. J’avais écrit cela, sous la forme d’un article intitulé “Jacques Chirac joue à qui perd gagne” daté du 02 juin 1997, à publier dans “l’égalité”. Or, dans la discussion, du bureau national, sur l’analyse des raisons de la dissolution, le décalage se révéla tel, entre l’équipe dirigeante d’alors de GRC et moi même, que je me suis limité à faire oralement état de mon point de vue, mais m’abstint de proposer cet article à la publication. Durant l’été 1999, le président de la République donna pourtant une interview télévisée durant laquelle il fit de la dissolution de 97, certes en termes allusoires mais tout à fait décryptables, une justification proche de celle-ci dessus. Certes, ce renfort n’accrédite en rien du caractère marxiste de la lecture des événements faite ici. Il pourrait bien toutefois témoigner de sa lucidité qui pour ne pas être un monopole de l’analyse marxiste en est toutefois une condition indispensable. Autre avantage induits. Ce serait dans ce cas la gauche qui conduirait cette nouvelle phase de l’intégration européenne, l’entrée de la France dans la monnaie unique. Ce serait elle qui s’exposerait à cristalliser les colères et mécontentements inhérents. Ce qui devrait permettre à la droite de souffler, faire un grand toilettage et revenir en force au terme de la législature. Si de surccroit Monsieur Jospin acceptait pour lui même la charge de premier ministre, il y avait de grands risques à lui que cela hypothèque ses chances dans la prochaine présidentielle. Jacques Chirac en sait quelque chose lui qui fut le premier ministre de la première cohabitation en 1986 avec Mitterrand, et candidat malheureux, contre celui-ci, aux présidentielles de 88. Le jeu institutionnel de la bipolarisation induite par l’élection du président de la République au suffrage universel, avait contribué à faire de Lionel Jospin un “présidentiable” légitime. Une éventuelle victoire électorale de la gauche consécutive à la dissolution projetée ne manquerait pas d’en faire un adversaire crédible. En le neutralisant, c’est quelque part à sa propre réélection que monsieur Chirac commençait à travailler. La cuisante défaite de la droite institutionnelle, mais surtout la présence d’un électorat Le peniste à 15% met à présent la droite française en demeure de procéder à une profonde recomposition. Le problème est celui de la fondation d’un grand parti “conservateur” d’alternance. Il est en fait posé depuis 1984. A cette époque, l’apparition du phénomène électoral Le peniste l’avait mise en devoir de se disposer à reconquérir le pouvoir en assumant la première cohabitation. Mais elle s’en tînt alors à un simple bricolage, un programme RPR-UDF “pour gouverner ensemble”. Ce type de réponse politicienne, suffisante dans le contexte du temps, serait à l’évidence désuète aujourd’hui. Avec le Front National à 15%, ça n’est plus de mise en demeure qu’il s’agit, mais d’ultimatum. La droite institutionnelle ne peut plus différer sa recomposition. Dans ce cas elle aura toutefois un épineux problème à résoudre, que faire de l’électorat Lepeniste ? Comment intégrer à ce parti conservateur tout ou partie du mouvement Lepeniste ? La crise du FN incarnée par la rivalité Lepen Maigret, le premier revers électoral depuis 15 ans, subit par l’extrême droite aux élections européennes de juin 99, l’apparition du RPF des Pasqua De Villiers, ont commencé, semble-t-il, à donner des éléments de réponses concrètes à cet angoissant problème. Avec les élections anticipées de 1997, le hasard (mais est-ce seulement un hasard ?) fait que la législature prendra fin en 2002 tout comme le mandat présidentiel. Cette concordance ne pourrait-elle être l’occasion de réaliser l’une des évolution institutionnelle majeure au programme des tâches de l’aprés De Gaulle, ainsi que je les ai définies moi même en 1986 dans “Social-bonapartisme et classe ouvrière” ? Puisque c’est un des objectifs dont s ‘est toujours réclamé le président Chirac, et que c’est l’un des points, pas nouveau du tout, du squelettique programme “socialiste” de Jospin. Pourquoi le président de la République, qui est seul juge en la matière, ne se saisirait-il pas de cette opportunité historique pour procéder à la fois au raccourcissement à 5 ans du mandat présidentiel et à la mise en concordance des échéances électorales majeures ? Cela transformerait la 5ème République en un régime présidentiel à l’américaine. Dans la dernière année du septennat, après l’échéance des municipales, la convocation du “Congrès” (assemblée nationale et sénat) à versaille pourrait entériner de telles évolutions qui deviendraient effectives dés 2002. Le président Chirac, alors paré de l’auréole de la modernité, briguerait un deuxième mandat présidentiel, mais de cinq ans seulement. Ceux qui le chahutent aujourd’hui, ne sont pas loin de le prendre pour un lourdeau ou un ........ au mieux, un “guignol” ou un idiot au pire, pourraient bien alors déchanter, être forcés de lui reconnaître un certain génie politique et une bonne dose de machiavélisme, dignes de son célèbre prédécesseur. ------------------------------------------------------------------------ à condition bien entendu, 1) de ne pas craindre de bousculer le dogme, 2) de se prévenir des raccourcis doctrinaires qui nous guettent. 2) Les tentations doctrinaires. C’est celle qui ayant émit un jugement de valeur disqualifiant à l’endroit de la « social-démocratie », l’exclue une fois pour toute en tant qu’interlocuteur possible, afin de se garantir contre les dangers de déviance opportuniste C’est au constat de l’espace laissé ouvert aux errements politiques et aux aventures opportunistes, par cette approche pragmatique, que prennent consistance les tentations doctrinaires, soucieuses de se garantir contre les déviances opportunistes. Il existe un groupe issue de la mouvance “L.O.”, qui c’est emparé de la catégorie de l’aristocratie ouvrière définie par Lénine et en a extrapolé l’analyse, jusqu'à en faire la source de tous les maux. Manichéenne par essence, faisants plus d’emprunts à la psychanalyse qu’à l’analyse politique, à ma connaissance, exception faite du groupe “l’ouvrier”, une telle approche ne s’exprime guère, à l’état pur, sous la forme d’un courant ou d’une tendance dans nos rangs. Elle existe toutefois à l’état dilué et partiel et se manifeste épisodiquement dans un certain nombre de positions. Les approches pragmatiques et doctrinaires sont en vérité complémentaires. Le caractère anti-ouvrier des politiques des gouvernements “de gauche” ne doit-il être déduit que de leur pratique ? Ou bien doit on le déduire d’une tare génétique qui conduirait invariablement, des partis ouvriers à faire une politique bourgeoise ? Pragmatique ou doctrinaire, ces deux angles d’attaques du problème évacuent ou contournent la question de fond quand il ne la rendent carrément opaque ou inintelligible. 3) La méthode marxiste ( ?) prend en compte la totalité des évolutions, structurelles, historiques, environnementales et institutionnelles de la domination capitaliste. Elle s’efforce de restituer sur cette toile de fond les évolutions propres aux partis « sociaux démocrates » dont elle déduit, sans craintes et sans complexe, toutes les conséquences.


VI
EBAUCHE D’UNE POLITIQUE DE CLASSE INDEPENDANTE.


Caractère indispensable du débat institutionnel. Ce qui fonde un parti, ce ne sont pas des critères statutaires d’appartenance, c’est un projet politique. On voudrait nous enfermer dans le dilemme La question est Pour garder sa nature de classe, la politique des travailleurs est-elle condamnée à un repli sectaire ? Pour gagner à elle les larges masses, est-elle condamnée à se dissoudre dans le « marais » de la gauche ? De jeunes militants, ennuyés par le débat sur la question institutionnelle qu’ils trouvent tantôt, abscons ou trop académique, s’en détournent avec dédain. Ils boudent cette question qu’il considèrent désuète car abstraite et sans incidence sur la réalité, l’action politique, les tâches du moment. Qu’importe, pensent-ils, la coquille institutionnelle, l’important c’est d’en finir avec la domination politique du capital. Ce qui doit caractériser en tout premier lieu la politique ouvrière et consacrer son indépendance c’est son caractère clairement anticapitaliste. Cette dernière affirmation n’est pas fausse bien évidemment, mais partielle et donc insuffisante, à plus d’un titre nous le verrons. Ce qui est faux en tout cas c’est de prétendre que les formes institutionnelles de cette domination seraient sans importance. On ne lutte pas de la même façon, ni avec les mêmes outils, contre le système dans le cadre d’une République parlementaire ou dans celui d’un régime présidentiel. On ne lutte pas de la même façon contre le système dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle ou dans celui d’une dictature fasciste. On ne lutte pas de la même manière contre le système dans le cadre .................................................. .... . Ceux qui nieraient de telles évidences feraient preuve d’une grande ignorance politique. La politique anti ouvrière des partis “sociaux-démocrates” ou ex staliniens ne peut seule conditionner l’exigence de l’indépendance politique de classe. .................................................. .......................................... Lorsque l’on se déclare “indépendant” à l’égard de la politique de la “gauche plurielle”, ou tout autre, cela n’est encore qu’un mot, une déclaration d’intention, une formule sans consistance. Certes, cette déclaration d’intention manifeste l’agacement, voire l’opposition à l’action gouvernementale mais ne caractérise nullement l’indépendance de la politique de la classe ouvrière. L’indépendance politique de la classe ouvrière ne se définit pas relativement à la politique de tel ou tel gouvernement, mais à l’égard du système tout entier de domination du capital dont l’alternance est l’outil censé assurer la pérennité. L’indépendance politique c’est chasser la droite aussi bien que la gauche réunies, c’est chasser surtout le système institutionnel de domination du capital, tête, corps et bras gauches et droits. L’indépendance politique c’est oeuvrer pour en finir avec l’alternance, c’est travailler à construire et à rendre crédible une véritable alternative ouvrière. Ceux qui sous estiment la question institutionnelle et ces incidences sur la réalité politique du moment, se trompent gravement. La définition d’une politique indépendante pour les travailleurs, commence où finit l’alternance. Elle suppose la lutte contre le système institutionnel qui assure la continuité de la domination de classe de la bourgeoisie. D’où l’importance stratégique de la question institutionnelle, dans la définition d’une politique ouvrière indépendante. D’où la nécessité d’avoir une claire connaissance et une parfaite maîtrise de celle-ci. Voilà un point de vue que je partage avec Jean-paul Cros. A défaut d’accord sur le fond, la substance des institutions de la 5ème République, nous voilà d’accord sur la forme du positionnement politique nécessaire à son endroit. Daniel Bensaïd lui aussi “On objectera qu’en matière institutionnelle, le consensus est important, que le caractère présidentiel du régime est entré dans les moeurs, et que « les Français » s’en satisfont plutôt. Sans doute. Mais, à force de n’en plus parler, de renoncer même à soulever le problème, on finit par accréditer l’idée que la Constitution de la 5ème République est la meilleure, ou la moins mauvaise, ou la plus « naturelle » du monde. Si l’on veut espérer en changer un jour, il faut bien commencer par remettre la question sur le tapis.” (p.137) En fait cette discussion fonde la séparation des genres entre la simple action de propagande anticapitalistes des petits groupes marginalisés à l’égard de l’action politique réelle et la volonté de définir une authentique politique ouvrière, globale et alternative. Caractère identitaire L’action pour un parti des travailleurs politiquement indépendant et pour le plan d’urgence, constitue -t-elle une base identitaire suffisante ainsi que l’affirme Pédro ? .................................................. ........................................... C’est la question de l’indépendance politique de la classe ouvrière qui constitue notre spécificité politique du moment et justifie notre existence comme organisation trotskiste particulière. Or celle-ci est entièrement dépendante de la caractérisation que l’on fait des anciens partis sociaux démocrates et de la question institutionnelle qui lui est étroitement liée. Procéder à l’armement idéologique d’une organisation pour en faire un outil efficace, c’est donc tout d’abord clarifier ces questions. C’est dans cette lutte idéologique et théorique qu’il nous faut gagner la première grande bataille politique pour la construction d’un parti des travailleurs. La lutte déclarée pour le pouvoir (question du mot d’ordre de gouvernement) Le problème particulier de la classe ouvrière, comparativement aux autres classes révolutionnaires qui l’ont précédée dans l’histoire, c’est qu’elle ne possède ni le savoir ni la richesse, aucun pouvoir, aucun point d’appuis préexistant. Sa seule force découle de la place qu’elle occupe dans le processus de production, de son nombre, de l’organisation et de la discipline que lui enseigne l’activité industrielle, de ses organisations surtout : associations, syndicats, partis, comités de grèves, qu’elle forge dans la lutte pour les besoins de celle-ci. Idéologiquement dominée la classe ouvrière engendre des organisations : Syndicats, associations,partis et même comités de grèves, imprégnés par l’idéologie dominante et inféodées à celle-ci. D’où la difficulté de s’organiser en tant que classe luttant pour le pouvoir politique, dans le cadre même du système capitaliste existant. D’où le caractère illusoire et contre productif, des idéologies et doctrines diverses (anarchisantes, spontanéistes, « mouvementistes ».) qui prétendent faire l’économie de la lutte déclarée pour le pouvoir, conséquemment se dispenser d’un outil adapter à celle-ci, un parti !... Car, conséquence inéluctable de la pression de « l’idéologie dominante » la lutte de la classe ouvrière pour le pouvoir, en termes organisationnel, prend un caractère « duel » nécessaire. La partie la plus éclairée de la classe ouvrière, avec ses alliés naturels ou potentiels, se regroupe dans une (ou des) organisations spécifiques, « le parti révolutionnaire des travailleurs », en plus et en dehors de toute autre organisations : syndicats, partis, associations. A défaut d’un tel parti qui lui permette d’engager une telle lutte, instrumentalisée, la classe ouvrière est le jouet des partis politiciens bourgeois, ouvrier bourgeois, sociaux-démocrates ou sociaux-impérialistes. Autrement dit, et en clair, il n’y a pas d’indépendance politique possible de la classe ouvrière sans la lutte déclarée pour le pouvoir de la classe ouvrière. Nos camarades de « Voix des travailleurs » ont eu le mérite de comprendre que l’exigence d’indépendance politique de la classe ouvrière passait par “la lutte déclarée pour le pouvoir”. Ils ont eu au demeurant l’audace, le mot n’est pas trop fort, de tenter une formulation de celle-ci. L’audace ai-je bien dit, car jusque là c’était une hérésie que d’oser cela. C’est une démarche « autoproclamatoire » se voyait-on rétorquer. Le tabou est vaincu et cela sera bénéfice pour nous tous si ayant motivé un débat approfondi sur la question, la formule de pouvoir de VDT, nous permet de faire quelques pas en avant. Ouvrir et légitimer ce débat, lui donner consistance, tel est le mérite de cette première tentative significative. Car pour le reste elle est insatisfaisante comme nous l’avons déjà signalé précédemment. La lutte déclarée pour le pouvoir de la classe ouvrière, n’est pas la lutte pour “chasser la droite” ni pour l’accession au commandes de l’état, d’un parti ou d’une coalition de gauche. ....................................


ANNEXES
Réponse à Gilles Martinet
I. LA GAUCHE N’EST PAS SOCIALISTE !..
ELLE EST « SOCIAL-LIBERALE »*


Le quotidien « Le Monde » a publié, dans son édition du 03 décembre 1997, dans la rubrique « horizons-débats », un article de Gilles Martinet, ancien secrétaire national et ancien membre du conseil national du Parti Socialiste, intitulé : “La Gauche va bien, mais est elle toujours socialiste ? ”. Je vous livre les réflexions que celui-ci m’a inspiré.

Vous vous souvenez “ du temps, pas trop lointain, ou le socialisme annonçait la dissolution de l’ordre capitaliste ”. C’est en cela qu’il était “ socialiste ”, parce qu’il proposait un système social différent, antagonique au capitalisme. C’est par cette aspiration qu’il restait attaché à « la culture marxisante » de la classe ouvrière et méritait sa caractérisation de mouvement social-démocrate. Or, vous dites vous même que « les socialistes ne préconisent plus la socialisation des moyens de production et d’échange. Ils acceptent que la régulation de l’économie soit principalement assurée par le marché... ». Ce constat fait, il conviendrait d’en tirer la conclusion qui s’impose dès lors : ayant renoncé à ce qui le caractérisait, en constituait l’essence même, « la transformation sociale », le mouvement que vous persistez à nommer socialiste, c’est auto-liquidé. Sous ce rapport, la social-démocratie est morte.

N’ajoutez-vous pas : « Dans un monde où le capitalisme apparaît triomphant, le mouvement socialiste n’a plus pour ambition que d’en limiter la toute puissance, d’en corriger les règles... ». Mais le mouvement qui ne veut que cela, doit-il être encore caractérisé comme « socialiste » ?.. Social-Chrétien, peut-être ?.. Social-libéral, pourquoi pas ?.. Social-Impérialiste, assurément !.. Mais pas « socialiste », pas « social-démocrate ». Certes, il peut garder comme survivances, ou simples stigmates du passé, le nom, les titres, quelques vagues nostalgies enfouies dans sa mémoire reptilienne, mais il n’en a plus ni l’essence ni l’objet. Eu égard au mouvement socialiste, comme fait historique, il n’en est qu’un ectoplasme. Le Parti Radical avant lui, « bourgeois - démocrates - parlementaire », parti par excellence de la troisième République, s’est ainsi survécu longtemps comme l’ombre de lui même. N’a-t-il pas engendrés quelques avatars qui hantent, aujourd’hui encore, notre paysage politique national ?
C’est ce constat de décès « du mouvement socialiste, social-démocrate », que vous-même et bien d’autres avec vous, n’osez formuler clairement, écrire ni signer. Vous vous arrêtez, circonspect, au milieu du gué. C’est pourquoi, dés lors, vous et tous ceux qui comme vous refusent de pousser la réflexion jusque sur l’autre rive, êtres condamnés à vous embarquer sur la première périssoire venue et à vous laisser porter au fil de l’eau et des circonstances.

Je sais ce qui vous arrête, je sais la réalité qui emplit tellement votre champs visuel qu’elle vous fait désespérer de l’autre rive : c’est l’existence d’un « Parti Socialiste » (puisqu’il se nomme encore ainsi) fort, qui représente une réalité incontournable de la vie politique. L’existence de celui-ci paraît mettre en doute la pertinence du parallèle, que je faisais ci dessus, concernant les devenir historiques de la social-démocratie et du parti radical. Si celui-ci s’est longtemps survécu, ce ne fut pas sans péricliter ni dégénérer. Nul ne peut dire, au même titre, que le P.S. se réduit à n’être qu’une survivance de l’ancienne social-démocratie, un avatar de sa dégénérescence.

C’est tout simplement que le P.S., tel que nous le connaissons aujourd’hui, n’est pas la simple prolongation historique, en ligne directe, de la social-démocratie. I l a été « REFONDÉ » par le congrès d’Epinay de 1971. Il été refondé, non bien entendu, comme « social-démocratie », celle-ci est bien morte, mais comme autre chose, comme un parti nouveau, de nature totalement différente.

Qu’elle est la nature du nouveau P.S. ? Aborder ce sujet c’est accoster sur l’autre rive de la réflexion. Vous faites dans votre article le constat de la disparition des fondements politiques et moraux du mouvement socialiste. Je ne dit pour ma part rien de très nouveau si j’ajoute que cette disparition tient à des causes objectives : les évolutions structurelles du capitalisme, les évolutions institutionnelles induites. Une fraction capitaliste dominante c’est emparée des leviers de commande étatiques, a adapté les institutions politiques aux besoins de sa propre domination. Cela est vrai pour la quasi totalité de l’Europe occidentale. Ces évolutions institutionnelles ont consisté dans le renforcement de l’exécutif et sa domination sur le législatif.

Elles furent en France, conduites sous la direction politique du Général De Gaulle tirant parti de la crise de la quatrième République : avènement de la cinquième et de sa constitution, élection du président de la République au suffrage universel, approuvé par référendum en 1962, (plus quelques autres adaptations de moindre importance). « Un président, une majorité » ainsi en était défini l’esprit selon la formule lapidaire de Michel Debré. Cela eut pour effet d’imposer la division politique du pays en deux camps, sous couvert de deux catégories politiques nouvelles, la « majorité » et « l’opposition ». C’est sous ces auspices que fut entreprise la « bipolarisation » de la vie politique nationale. Cette situation mettait « l’opposition » en devoir de réunir une « majorité présidentielle » pour espérer accéder à nouveau à la gestion des affaires de l’état. Elle était condamnée à s’unir, par-delà les particularismes des partis, en une vaste formation à « vocation majoritaire ». C’est ce que se proposa d’entreprendre, sous l’impulsion de François Mitterrand, le P.S. refondé, d’Epinay. C’est ce qui ouvrit la voie à « l’Union de la Gauche », désirée du P.C.F. d’alors, et à travers celle-ci à la marginalisation électorale du P.C.F., à la constitution du P.S. comme premier parti de la gauche française et pôle dominant de la nouvelle alliance (1972-1978), à la réalisation de la première « grande alternance » (1981), à la liquidation de la culture marxisante de la gauche française (1981-1993) et à son réarmement idéologique( ?) sur la base de la nouvelle « culture de gouvernement » (1983-1986). Ce qui était refondé ainsi, le nouveau P.S., n’avait plus, déjà, de socialiste que le nom. C’était un parti moderne, de gestion du système, entièrement au service de la fraction dominante du capital.

Mais la conscience, c’est connu, retarde souvent sur l’existence. Si certains cercles dirigeants du P.S., autour de François Mitterrand, de Michel Rocard, ont assez parfaitement compris et assumé, voire même piloté, ces évolutions, ça n’a pas été le cas, loin s’en faut, de la totalité du parti. Certains, nombreux, s’illusionnent encore quant à sa nature réelle et la finalité de son action. Cela est normal, je dirai même vital pour l’existence d’une telle formation qui ne peut être et jouer son rôle d’entraînement social qu’en trompant sa propre base quant à ses buts réels. C’est ce décalage entre ce qu’est le P.S. et ce qu’il prétend être, source de malentendus nécessaires, que Henri Weber, dans un article également publié dans « Le Monde », le même jour, à coté du vôtre, prend pour « la crise de la social-démocratie d’après guerre ». Il ne se rend donc pas compte (ou est-ce qu’il ne veut pas en convenir ?) que cette crise là a été depuis longtemps résolue, à sa manière, par la fraction dominante du capital, en s’emparant et en faisant vivre, à son usage exclusif, les défroques des social-démocraties européennes.

Ayant laissé paraître votre nostalgie du bon vieux temps pas si lointain, « quand les socialistes formulaient un grand projet historique », vous dites, en conclusion, aux nouvelles générations qui souffrent, ce credo de fatalisme et de désespérance : « Eh bien, en attendant, vive Jospin et le réalisme de gauche ».

Credo de la désespérance, car il se trouve que le réalisme de gauche ressemble comme un frère de lait au réalisme de droite. Quoi d’étonnant ? N’ont-ils pas été, tous deux, allaités à la même mamelle, celle de la pensée unique ?.. Nous voilà donc à l’Ecrou, dans l’univers kafkaïen du capitalisme libéral, réputé indépassable jusqu'à une date ultérieure, lointaine, indéfinie. Droite et gauche se trouvant n’être que les deux visages de Janus, les deux apparences alternatives et interchangeables d’une même réalité.

La social-démocratie est morte et le stalinisme aussi, mais ils n’ont pas réussi à entraîner, avec eux, l’espérance au tombeau. Elle est falote la petite flamme, j’en conviens, mais elle est ailleurs, dans « l’alternative sociale ouvrière » que nous avons entrepris de refonder politiquement. Elle est dans la perspective de transformation sociale, plus que jamais nécessaire, pour arracher le monde à la barbarie dans laquelle il s’installe. Elle est dans la « République sociale universelle » de demain. Elle vacille, la petite flamme, mais n’est elle pas l’espérance dont l’humanité a besoin comme de pain, d’au et d’air ? Elle est petite l’espérance, mais c’est « l’espérance » et c’est sa force.

* Je préfères pour ma part le terme de social-impérialisme qui est plus scientifique.
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