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  • LE FOND ET L’INFORME (Macron, la Russie et l’Iran)

    LE FOND ET L’INFORME
    (Macron, la Russie et l’Iran)


    Emmanuel Macron c’est rendu en Russie rencontrer le « dictateur Poutine » (comme ils disent), il était avec Shinzo Abe, Premier-ministre japonais, invité d’honneur du forum économique de Saint Pétersbourg, où il y avait d’alléchants contrats à signer. Un banquier ne crache jamais sur la signature d’un contrat. En particulier pour la compagnie « TOTAL » qui vient de se désengager d’une juteuse affaire en Iran parce qu’elle n’a pas voulu s’exposer aux sanctions américaines.
    Tient donc !

    Nous avons écrit le 4 mai (« République islamique, trois qui la tienne deux qui la viole ») qu’il s’agissait pour la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni (action complémentaire à la dénonciation de l’accord sur le nucléaire par les U.S.A.) d’apaiser l’Iran afin que celui-ci s’en croyant encore loin ne se prépare pas activement à la guerre imminente. Surtout qu’il ne reprenne pas l’enrichissement de l’Uranium, qu’il ne se dote pas de la dissuasion nucléaire qui compliquerait sérieusement les modes opératoires pour les assassins impérialistes internationaux qui ont promis l’écrasement de la nation et la mort du régime.

    Juguler les velléités défensives de l’Iran en maintenant à 4 + 1 l’accord qui avait été conclu à 5 + 1. Le sens de celui-ci était que l’Iran renonçait à l’enrichissement de l’Uranium et à ses ambitions d’accès au nucléaire militaire en échange de la levée des sanctions. Cet accord est mort avec sa dénonciation par les U.S.A. et le retour des sanctions. Son maintien par les autres signataires n’est qu’une illusion, une arnaque d’envergure internationale. L’Iran se verrait ainsi interdire l’enrichissement de l’uranium et l’accès à la dissuasion nucléaire sans la moindre contrepartie et devant subir des sanctions aggravées en sus. Plus qu’un marché de dupes perdant sur tous les tableaux pour l’Iran, il s’agirait là d’un contrat certes, peut-être, mais au sens mafieux de ce terme.

    L’Ayatollah Kamenei, le guide suprême de la révolution iranienne, qui a posé 7 conditions aux partenaires européens de l’accord s’ils veulent éviter que l’Iran le dénonce à son tour, a dit qu’il ne faisait aucune confiance à ceux-ci. D’où l’importance d’amadouer la Russie, de donner à croire que les pays européens aspireraient véritablement à se démarquer des États-Unis, à reprendre leur indépendance économique et politique. La France, l’Angleterre et l’Allemagne, Alliés et valets des U.S.A. ne peuvent gagner la confiance de l’Iran sans l’aide et la caution de la Russie. Voilà pourquoi, sur fond de tensions et de sanctions de plus en plus importantes entre le cartel impérialiste occidental et la Russie, quand on donne foi aux pires mensonges, affaire Skripal, attaques chimiques de Douma, quand on bombarde la Syrie, on maintien tout de même la visite de Macron en Russie.

    Mais voilà pourquoi aussi le langage du Président de la République française a du mal à convaincre. Voilà pourquoi il parait ambigu et faux. Un article publié ce jour dans les pages du Site « sputniknews » porte ce titre évocateur : « Convergences de forme et incompréhension de fond ? La visite de Macron à Saint-Pétersbourg ». Parlant de la langue de Macron, c’est « l’informe » et non « la forme » qu’il eut fallu écrire. Macron est un spécialiste de la « langue de silicon » (version modernisée de la langue de bois), un grand nombre d’auditeurs et même certains de ses contradicteurs, durant la campagne des élections présidentielles de 2017 en France, reconnurent bien des fois qu’ils n’avaient rien compris à ses discours. Il est l’homme des phrases évasives et des exposés creux. On croit avoir entendu une chose et il a dit une autre, opposée. Il défend l’accord sur le nucléaire militaire iranien de 2015 et prétends se désolidariser de la politique des sanctions américaines, mais « Total » le grand groupe pétrolier Français quitte l’Iran illico. Or, chacun sait bien que dans le contexte de fonctionnement des économies occidentales et des circuits financiers et de la prééminence du dollar, ces sanctions s’appliqueront tout de même dans toute leur rigueur et que les entreprises françaises passeront sans broncher sous les fourches caudines de la dictature américaine.

    Un autre article de « sputniknews » le même jour, qui signale lui aussi (l’ambigüité) du pensionnaire de l’Elysée, ( Accord nucléaire : l’Iran annonce la couleur, les 4+1 discutent, Macron reste ambiguë.) cite cette phrase prononcée par celui-ci : «J'ai dit aussi au Président Poutine quelles étaient nos autres préoccupations, et je crois là aussi pouvoir dire que nous les partageons: l'activité nucléaire après 2025, l'activité balistique et l'activité régionale de l'Iran.» Macron est missionné. Sa mission c’est de maintenir l’existence de l’accord mort comme un boulet à « la patte de l’Iran » et de s’efforcer de faire admettre par la République islamique l’idée mortifère que son programme balistique et sa place dans la géopolitique du Moyen-Orient sont aussi des choses négociables.

    Les États-Unis, chef de file du cartel impérialiste occidental et Israël son « mauvais génie » en ont jeté le sort, l’Iran doit-être abaissé, réduit comme le fut l’Irak. L’invasion américaine de 2003 fut préparée longtemps en avance, par la première guerre du golfe de 1991, par les sanctions qui suivirent, par l’accusation onusienne mensongère de posséder des armes de destruction massive et par l’imposition humiliante des inspections internationales, du plan pétrole contre nourriture, et puis au bout du compte, quand la cohésion sociale du pays se fissure à cause des difficultés résultants des sanctions, quand le régime est déconsidéré et affaibli, malgré toutes les concessions et humiliations précédentes, les foudres de la guerre tout de même qui tombent comme une exécution.

    Voilà où ils veulent en venir avec l’Iran. La République islamique poursuivra-t-elle dans cette voie, acceptera-t-elle de se laisser piéger dans cette spirale infernale qui conduit immanquablement à sa perte ? Le rôle de Macron dans cette affaire c’est de convaincre le « condamné » de bien vouloir mettre sans rechigner, la tête dans la lunette de la guillotine de l’Histoire. Voilà des choses qu’il n’est pas aisé de dire en langage clair à qui que ce soit. Voilà pourquoi « la langue fourchue de Macron était semble-t-il la mieux qualifiée pour (mal) formuler ce message.



    Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr. Samedi 26 mai 2018.
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