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  • LETTRE OUVERTE AU BUREAU CONFEDERAL DE LA CGT A Monsieur Philippe Martinez secrétaire confédéral Monsieur, « MES PAUVRES CAMARADES »

    LETTRE OUVERTE AU BUREAU CONFÉDÉRAL DE LA CGT

    A Monsieur Philippe Martinez secrétaire confédéral

    MONSIEUR, « MES PAUVRES CAMARADES ». Un mouvement venu du plus profond de la société c’est coagulé récemment autour de la question des prix des carburants et de la part des taxes d’État dans ceux-ci. Ce mouvement populaire fédère les protestations et les revendications multiples d’une France qui souffre sous les coups de boutoir d’une politique ultra libérale brutale, conduite pour le plus grand bien des plus hautes couches de la finance et du capitalisme de (format) international.

    La logique eut voulu que les organisations syndicales de salariés qui ont échouées jusque-là à mobiliser pour s’opposer à cette politique infernale, accueillent avec enthousiasme cette réaction populaire salutaire qui rallume l’espérance dans la résistance des masses. Or c’est le contraire que vous faites. Au lieu d’enfourcher le cheval de la contestation vous le snobez et l’insultez, tentez même de lui trancher les jarrets.

    Ce mouvement serait inspiré et manipulé par le « front National », et cela à vous entendre constituerait un motif rédhibitoire.

    Moi, Cégétiste de cœur, de culture, et d’adhésion, je vous le dit tout net camarades, vous vous fourvoyez gravement. Par votre positionnement à l’égard des Gilets jaunes, vous êtes en passe de sceller votre propre sort, de clouer le cercueil de la CGT historique, syndicat de classe et de masse.

    Moi qui vais à la rencontre et au contact du mouvement des Gilets jaunes, moi qui prend une part active et sans arrières pensées à celui-ci, je peux vous l’affirmer, votre caractérisation de ce mouvement fait à l’emporte-pièce du sectarisme le plus ignare, est en total décalage avec la réalité.

    J’ai rencontré des petits salariés des associations d’aide à la personne, des aides-soignantes, des salariés mal payés d’entreprises du secteur de l’agriculture, des conducteurs de poids lourds, des caissières et rayonnistes de grande surface, des agriculteurs, des autoentrepreneurs, des artisans des petits commerçants et moult retraités, de la SNCF, de Renault et d’ailleurs. Un grand nombre d’entre eux m’ont dit leurs opinions politiques « de gauche », le contenu du cahier revendicatif des Gilets-Jaunes est lui-même éloquent. : Certes la diminution des taxes qui grèvent le pouvoir d’achat des plus modestes, mais aussi le développement des transports en commun et la « renationalisation » du secteur public. Non pas vraiment un programme, ni fasciste ni même de droite extrême.

    Alors oui, je vous le concède, il y a parmi les « Gilets-Jaunes » des gens qui ont voté « Marine Le Pen » aux dernières élections présidentielles, qui partagent les idées du « RN » sur l’immigration. Ce sont souvent des salariés parmi les plus modestes. Ceux que, dans le sillage du P.S. et de « l’Union de la Gauche », vous avez abandonnés depuis si longtemps, ceux dont vous avez ces dernières décennies, délaissés les intérêts et les préoccupations. Abandonnés par vous, désorientés, certains se sont tournés vers le F.N. Auriez-vous l’outrecuidance de leur faire reproche de votre propre défaillance ?

    Des travailleurs, des salariés qui tentent de gagner leur vie en travaillant, que le pouvoir politique précipite toujours plus vers le déclassement et la misère, seraient-ils moins respectables parce qu’en désespoir de cause ils se tournent vers d’autres qui les écoutent et paraissent les entendre. Serait-ce, de les rejeter ou de les insulter, la bonne méthode de les convaincre d’emprunter d’autres voies ? Au lieu d’aller à la rencontre de ces gens dont la souffrance devrait interpeller des syndicalistes conséquents, vous les laissez seuls aux prises avec l’influence du « R.N. ». Une telle attitude de votre part ne peut que les confirmer dans leurs vues. Elle est entièrement contre-productive. Il faut en déduire que votre argument ne tient pas debout, que votre ostracisme n’est de force à démontrer que vos limites intellectuelles, pas votre volonté de gagner le peuple à votre cause et à votre façon de voir, encore moins celle de vous battre avec lui pour la victoire de ses revendications.

    Les Gilets Jaunes sont mes frères et sœurs de combat. Tous ne partagent pas ma façon d’appréhender les choses fondé sur la culture du mouvement ouvrier, syndical et socialiste-internationaliste ». Mais moi, j’ai pris langue avec eux, pour partager leur juste combat. Voilà me semble-t-il la bonne façon de les inviter à emprunter des voies plus compatibles avec ma culture et ma morale politique.

    Mais vous,.. Avez-vous seulement le droit de leur reprocher leur sentiment « pro-FN », réel ou fantasmé, vous qui ne faites rien pour leur ouvrir d’autres voies ? Vous vous vous dérobez, vous démissionnez, vous jetez le bébé avec l’eau du bain. Vous faites preuve de cécité politique totale, peut-être même est-ce elle qui vous empêche de comprendre que vous êtes en train de vous suicider.

    Bien sûr, j’espère encore très sincèrement que vous allez vous reprendre, rectifier le cap, rejoindre avec humilité la lutte « tous ensemble. »


    Mais si vous ne le faites pas, sachez alors que moi et d’autres comme moi, ramasserons le pauvre drapeau rouge des combats ouvriers du passé que vous insultez en le trainant dans la boue de l’ignorance et du sectarisme, non contre l’horrible pouvoir des banquiers, mais contre le combat de nos frères et sœurs « Gilets-Jaunes ». Nous le brandiront, nous sauverons l’honneur de la CGT. Oh bien sûr pas la vôtre, que vous vous proposez de trainer ce jour culs parterre, non pour vous joindre à la lutte commune mais pour tenter de faire diversion, de la diviser, d’interdire à vos adhérents de la rejoindre. Mais l’autre C.G.T., celle de la mémoire et de l’Histoire, celle des Monatte Rosmer, Tillon, Fajon, Sémard, et des dizaines de milliers d’autres célèbres ou anonymes. Celle qui marche debout et qui refuse de s’assoir ou de se coucher face au pouvoir des « gavés ».

    Vous voudriez prononcer le divorce sans retour du jaune et du rouge au nom duquel je vous dénie d’ailleurs le droit de parler. Moi et d’autres militerons au contraire pour le mariage du rouge et du jaune prometteur des grandes victoires sociales de demain.

    Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr » Samedi 1er décembre 2018.

    (Patrick Seignon, Cheminot retraité CV Syndical et de luttes revendicatives : 1er adhésion à la CGT à 15 ans, branche métallurgie, organisateur de plusieurs sections syndicales CGT dans plusieurs entreprises petites ou moyennes de la métallurgie et de la réparation navale. Organisateur d’une section syndicale CGT dans une entreprise du bâtiment et organisateur de la grève de Mai 68 dans le secteur du bâtiment à Aix-en-Provence. Rentré à la SNCF fin 1970, adhérant CGT début 1971, exclu de la CGT en 1982, ré-adhésion à la CGT durant la grande grève de 1995 après un court passage de 4 années (1988 1992) à la CFDT au nom de laquelle je fus délégué du personnel. A participé activement et souvent même aux avant-postes, aux grèves : dans le privé « Mai 68 » 5 semaines, mars 69 4 semaines, dans le secteur public SNCF, juin 1971 cheminots 2 semaines, Mars 1976 conducteurs SNCF 3 semaines, décembre 1979, conducteurs Paris-Lyon/Charolais, 3 semaines, 1985, Conducteurs, une journée fulgurante, novembre décembre 1986 « conducteurs »4 semaines, 1988 « conducteurs » une autre journée fulgurante, Fin 1995, Cheminots, enseignant, aéronautique, Postes, etc. 4 semaines contre le « Plan Juppé ».)

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