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  • L’ARROGANCE ET LE MÉPRIS

    L’ARROGANCE ET LE MÉPRIS



    Voilà les deux mots qui résument l’analyse des mesures adoptées par le gouvernement censées désamorcer la grogne des français contre la hausse du prix des carburants.

    Les Français disent leur inquiétude face à la hausse des prix à la pompe qui grèvent lourdement leur pouvoir d’achat, et s’inquiètent de ne pouvoir payer leur pleins : 60, 70 ou 90 euros, et Édouard Philippe (versus Macron) leur répond « achetez donc un véhicule neuf hybride ou électrique à 27 000 euros. » C’est de la même trempe que la célèbre répartie que l’Histoire prête à Marie Antoinette : « Ils n’ont pas de pain qu’ils mangent de la brioche ».

    La première remarque générale qu’il convient de faire à propos de « ces mesures d’urgence », c’est que les français posent une question et que le gouvernement répond autre chose, à côté. Quand on répond à côté d’une question c’est une marque de dédain et d’arrogance à l’égard du questionneur. C’est un peu comme si l’on vous avait répondu M… à la façon de Cambronne.

    Alors certes, comme Juppé en 95 Macron prétends rester toujours « droit dans ses bottes », il ne cédera pas, c’est tout au moins ce qu’il dit, le cap sera gardé et quand vous vous plaignez de l’augmentation du prix des carburants, la seule réponse qu’il fait à propos, c’est que cela va continuer et de plus belle (14 milliards de recettes fiscales supplémentaire envisagées sur le quinquennat.). Dès lors il est bien naturel que toutes les pseudos solutions qu’ils proposent soient désuètes ou à côté de la plaque.

    Outre qu’il s’agit d’assistanat, d’aumônes, de charité publique, c’est quoi au juste ces aides promises « aux plus démunis ». Tout d’abord, mais nous l’avons déjà dit d’une autre manière, c’est une façon d’esquiver la question de fond. La perte de pouvoir d’achat, les difficultés qui en résultent ne touchent pas que les plus démunis. Et quand bien même certains sont un peu mieux lotis que d’autres ce n’est pas une raison pour qu’ils acceptent de se faire spolier, ce n’est pas une raison d’accepter de se faire précipiter dans l’indigence par un gouvernement de requins de la finance. Mais regardez-y de plus près, les conditions auxquelles sont assujettis l’attribution de ses aides (distance travail domicile minimum 60 Km/jour, cylindrée de l’automobile 2 et 3cv ou 4cv maxi, pour l’indemnité kilométrique, niveau de revenus, revenus non imposables « c’est pas lourd) etc. réduiront à peu de chose leurs attributions, peu de français y auront droit. Les gouvernants des banquiers affichent leur pingrerie jusque dans leur manière d’en disposer avec la charité publique.

    Les Français exigent une autre politique fiscale des carburants, ils veulent payer leurs carburants moins cher, ils veulent pouvoir se payer eux-mêmes leur carburants avec leurs maigres revenus, Les Français ne veulent pas d’aumônes pour quelques-uns avec une faible part de l’argent que vous avez extorqué à tous. Les Français ne veulent pas être assistés, ils ne veulent pas de votre charité publique dont vous les priverez quand bon vous semblera et dont vous les humilierez avec quelques-unes des saillies insultantes dont vous avez le secret.

    Une prime à la conversion de 4000 euros pour « les classes populaires et les gros rouleurs non imposables.. ?

    Il y a trois ans de cela j’ai « vendu » un vieux véhicule, une Citroën visa, contre un pot de confiture d’abricots. J’avais mis une petite annonce sur « le bon coin » et le même jour j’avais plus de vingt demandes. Tous ces gens, jeunes qui postulaient un premier emploi, moins jeune dont le véhicule tombé en panne était hors d’usage, femme qui allait travailler loin de son domicile, avaient besoin d’un véhicule qu’il ne pouvait pas se payer. Et ils se souciaient peu de la vétusté ou de l’état esthétique du véhicule. Je fus bien embêté, je ne pouvais satisfaire qu’une demande. Un monsieur vint chercher le véhicule pour sa femme. Il était enchanté d’une telle aubaine. Il m’offrit un pot de confiture d’abricot maison de la part de cette dernière*. J’étais pour ma part ravi de ne pas avoir mis mon véhicule à la casse ce qui est un gaspillage intolérable quand tant de gens tire le diable par la queue », et d’avoir ainsi rendu cet insigne service à ces braves gens. Si je vous ai raconté cette petite histoire émouvante, c’est surtout parce qu’elle est édifiante. Ce sont ceux-là les plus nécessiteux, je les ai rencontré. Qui osera dire, sinon des énarques imbus d’eux-mêmes et arrogants, que ceux-là seront candidats à l’achat d’un véhicule neuf à 24 ou 27 000 euros au prétexte que l’Etat dans sa grande « mansuétude » offre une prime d’incitation de 4000 euros ?

    S’il voulait véritablement « voler » aux secours (voler oui, mais pas au secours) des plus nécessiteux l’Etat n’ordonnerait pas, car sa politique revient à cela, la casse de véhicules quasiment neufs, en tout cas tout à fait fiables, mais aménagerait au contraire tous les dispositifs (Primes à la casse, contrôles techniques,) afin de ne pas pousser des milliers d’automobiles vers les broyeurs, quand des travailleurs modestes en aurait tant besoin.

    La super-prime de 4000 voire 5000 euros que l’Etat offre ainsi aux plus démunis c’est en quelque sorte « le diner que le renard offrit à la cigogne »** qui n’en put « attraper miette, servit sur une assiette plate » L’offre est alléchante mais elle est inaccessible. Jean de La Fontaine qualifiait le stratagème de « compère Renard » de « tromperie ». Celui des compères Macron, Philippe est surtout méprisant.

    Si quelques-uns en bénéficient ce ne seront en tout cas pas véritablement les plus défavorisés. Peut-être les petits malins ?
    Mais supposons un moment, cas d’école, que ces « primes » soit véritablement efficaces et que des milliers de Français les sollicitent. Ou mieux, ne nous limitons pas dans notre raisonnement ‘à la super-prime » de 4000 euros, réservée prétendument aux plus démunis. Envisageons dans sa globalité toute cette politique, d’incitations à l’achat d’un véhicule censé être plus moderne et moins polluants, de primes à la casse pour parler vrai (comme Renaud Honoré dans « Les Echos de ce jour), et autres « jupettes ». Ne sont-elles pas en vérité que « des entourloupettes » productivistes ? Ne s’agit-il pas tout simplement de soutenir à bout de bras la conjoncture du marché des véhicules neufs dans un contexte économique défavorable ? Ne s’agit-il pas soyons clairs, d’un stratagème « mafieux » pour transférer des fonds publics dans la trésorerie des constructeurs automobiles ? On écrase de taxes multiples les consommateurs modestes, on les agonise de PV dressés à la sauvette par des espions électroniques, et l’on reverse à flot « cet argent des pauvres », sous formes de primes à l’achat de véhicules, d’exonération des charges et autres « aides à l’emploi », etc. dans les caisses des géants de l’automobile, et de l’industrie en général.

    Voilà ce que c’est donc, par-delà les menteries officielles sur la conversion énergétique ou l’aide aux plus démunis, que ces primes, un fricfrac organisé pour prendre dans les poches de « Martin Lamisère » et de ses frères et sœurs le magot qui est reversé en douce aux « maitres de l’industrie et de la Banque. Afin de leur permettre de servir de bons dividendes à leurs actionnaires, de payer les salaires astronomiques de Carlos Ghosn et ses semblables et des parachutes en or massif à ses messieurs. C’est à cette aune que l’on mesure « la rentabilité des entreprises » et le taux de profit du capital.



    Patrick Seignon. « lavoiedessansvoix.fr ». Jeudi 15 novembre 2018.

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